Le Parlement mondial, successeur du Parlement européen ?

, par Maël Donoso

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Le Parlement mondial, successeur du Parlement européen ?

Les défis mondiaux réclament une politique mondiale. Toutes les révolutions auxquelles nous avons assisté dans l’histoire humaine récente vont dans le sens d’une plus grande intégration planétaire, et la communauté internationale doit désormais trouver le moyen de dépasser la simple coopération, pour poser les fondements d’une gouvernance commune. Lorsque nous considérons à quel point la démocratie et l’intégration politique sont lentes à émerger au niveau européen, nous pouvons nous douter que la partie n’est pas gagnée d’avance au niveau planétaire !

Réclamer une gouvernance mondiale n’a pourtant rien d’excentrique. L’Assemblée générale des Nations Unies s’est constituée en vue de remplir cet objectif, mais étant donné sa logique intergouvernementale, elle ne fait que reproduire, en pire, tous les défauts du Conseil de l’Union européenne. Comme le rappelle Gérard Onesta, une Assemblée générale où Monaco a autant de poids que la Chine ne reflète en rien le visage et la force de chaque nation, et c’est ce déséquilibre qui justifie l’existence du Conseil de Sécurité, dont le droit de veto bloque la politique internationale depuis des décennies [1].

Afin de dépasser cette logique archaïque, des voix se sont élevées pour réclamer une Assemblée parlementaire des Nations Unies, autrement dit un Parlement mondial, dans lequel les pays se verraient attribuer des sièges proportionnellement à leur population. L’équilibre des forces planétaire trouverait ainsi une meilleure représentation, et ce nouvel hémicycle pourrait jeter les bases d’un espace public mondial, en permettant des regroupements de députés en fonction de leurs idées politiques, et au-delà de leur nationalité [2]. Nous savons le rôle qu’un hémicycle comparable, le Parlement européen, a joué dans la construction de l’Europe politique.

Quelles compétences initiales pour le Parlement mondial ?

Un Parlement mondial permettrait de dépasser efficacement les blocages et le manque de légitimité démocratique des Nations Unies. Il ouvrirait un espace de dialogue et de consensus que ni l’Assemblée générale ni le Conseil de Sécurité ne pourraient fournir. Un tel Parlement pourrait, à partir de compétences de base limitées, gagner progressivement en influence et étendre son pouvoir de décision, tout en encourageant l’élection au suffrage universel direct de ses députés et la construction d’une démocratie planétaire.

Le Parlement européen a initialement émergé en marge de la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Nous pouvons, par conséquent, légitimement nous demander sur quels fondements concrets se construira le Parlement mondial. Quels sont les défis, les chantiers, les thèmes qui réclameraient, plus que tous les autres, une gouvernance planétaire ? La question des compétences initiales du Parlement mondial est importante, car c’est elle qui déterminera la viabilité et la crédibilité de cette nouvelle institution. Parmi les différents rôles qui pourraient lui être attribués et les différents domaines dans lesquels elle pourrait légiférer, nous pouvons en particulier imaginer ceux-ci :

La direction des institutions spécialisées des Nations Unies. Le Parlement mondial pourrait, en premier lieu, avoir un rôle de codécision dans la gestion des différentes agences liées aux Nations Unies. Il pourrait ainsi participer à la gestion du Fond monétaire international, du Programme alimentaire mondial ou encore de l’Organisation mondiale de la santé, par exemple [3].

L’environnement et le développement durable. Les défis environnementaux sont par nature planétaires et complexes, et l’approche intergouvernementale a montré ses limites. Les traités internationaux comme le protocole de Kyoto ne semblent pas suffisamment efficaces au regard de l’ampleur du défi. Le Parlement mondial pourrait être le lieu adéquat pour lancer les politiques de sauvegarde et de développement essentielles pour préserver l’équilibre écologique à long terme.

Et pourquoi pas Internet ? Les réseaux informatiques prennent une place croissante à l’échelle planétaire, et sont devenus vitaux pour le développement de nos sociétés. Or, les commandes essentielles de ce système restent aujourd’hui centralisées sur un seul pays, les États-Unis. Tôt ou tard, la question d’une gouvernance démocratique d’Internet se posera sans doute, et une institution comme le Parlement mondial pourrait avoir la légitimité nécessaire pour la prendre en charge.

Cette liste n’est naturellement pas exhaustive. La recherche, l’éducation, l’énergie, le commerce, la finance sont autant de domaines sur lesquels le Parlement mondial pourrait se construire. Le cas échéant, tout dépendra des priorités de l’agenda politique planétaire au moment où cette institution commencera à émerger.

Quelle place pour les unions supranationales ?

Toutefois, il ne faudrait pas que le Parlement mondial annule les progrès réalisés au niveau des grandes régions de la planète, et en particulier de l’Europe. En d’autres termes, cette nouvelle institution ne devrait ni diminuer l’importance des unions supranationales déjà existantes (Union européenne), ni empêcher d’autres unions régionales de se réaliser (Union latino-américaine, Union africaine). Si la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et les autres États européens envoient individuellement leurs députés dans le nouvel hémicycle, le Parlement mondial ne fera que valider et consolider la vieille logique des nations, et rendra plus difficile encore l’intégration politique à l’échelle européenne.

Pour éviter cet effet pervers, une règle simple pourrait être fixée : « Le Parlement mondial accueillera les députés issus des unions régionales, ou à défaut, des nations. » Par conséquent, pas de députés français, allemands ou anglais, mais des députés européens. Pour peu qu’on définisse les "unions régionales" selon des critères de démocratie et d’intégration politique, une telle organisation semble justifiable. L’hémicycle planétaire, en accueillant les représentants des entités démocratiques de plus haut niveau, c’est-à-dire des unions régionales à chaque fois que celles-ci existeront, garantirait une juste articulation et une relation constructive entre les échelons national, régional et mondial de la gouvernance.

Un Parlement mondial, qui chapeauterait les unions régionales et offrirait un lieu de débat planétaire, représenterait sans aucun doute un progrès fondamental par rapport au système actuel des Nations Unies. Mais pour avancer dans ce chantier, il faut probablement réfléchir plus avant aux compétences initiales qui devraient être prioritairement attribuées à cette nouvelle institution.

Illustration : photographie de la salle plénière de l’Assemblée générale des Nations Unies, à New York. Source : Flickr.

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