Fédéralismes comparés

Le fédéralisme australien

Un fonctionnement très proche de celui d’un Etat unitaire.

, par Fabien Cazenave

Le fédéralisme australien

L’Australie est un ’’Pays-continent’’ qui, à l’origine, était une colonie pénitentiaire britannique, laquelle fut constituée en tant que telle au moment où l’Amérique, s’émancipait du côté de Philadelphie... Et ce n’est qu’au XIXe siècle que ce pays allait se structurer réellement, autour de six provinces.

La Constitution mise en place seulement au début du XXe siècle reprend le modèle institutionnel de la démocratie britannique dans le cadre d’un système fédéral. Mais si la structure est clairement fédérale, l’Australie est un pays unitaire où les Etats fédérés ont du mal à exister.

Une construction compliquée à mettre en place

C’est en 1788 que les Britanniques ont créé leurs premières colonies pénitentiaires sur ce continent « vierge ». En effet, les Aborigènes n’ayant pas été considérés comme habitants de cette terre, nul besoin pour les Britanniques d’acheter des terres pour s’y installer. [1].

L’Australie vue de l’espace.

Il faut attendre 1823 pour que la Nouvelle Galles du Sud s’organise officiellement avec un Parlement et un gouvernement. Au cours du XIXème siècle, toutes les provinces (la Nouvelle Galle, Victoria, la Tasmanie, l’Australie du Sud, le Queensland et l’Australie occidentale) s’autonomisent. Mais dans les années 1880, un mouvement essaye d’établir un régime commun dans le but de permettre des échanges économiques plus faciles.

La construction politique de l’Australie n’est pas un long fleuve tranquille : après la tentative de mise en place d’un « Conseil fédéral de l’Australasie » (avec la Nouvelle-Zélande et les îles Fidji), une convention fut mise en place pour établir une constitution adoptée par les Etats en Australie avant d’être adoubée par le Parlement anglais. L’hostilité de la Nouvelle-Galles a mis fin au projet. Les « ligues fédératives » menées par Henry Parkes [2] tentèrent de convaincre l’opinion.

Si les résultats de différents référendums suite à une nouvelle convention l’emportent dans la plupart des Etats, la Nouvelle-Galles fait toujours barrage à l’unification du Pays-Continent. Finalement, il faut l’intervention de l’Angleterre qui en 1900 adopte via le Parlement le « Commonwealth of Australia Constitution Act ». L’Australie devient un Etat indépendant enfin 1901 (note de bas de page : officiellement, il faut attendre le Statute of Westminster qui donne l’indépendance à l’Australie vis-à-vis de la Grande-Bretagne, texte qui ne sera ratifié qu’en... 1942 par le Parlement Australien).

Un régime à la fois américain et britannique

Cette intervention européenne explique sûrement pourquoi les structures reprennent les principes des institutions britanniques : un parlementarisme bicaméral avec le Souverain du Royaume Uni comme chef de l’Etat (ce qui était déjà une pratique de fait dans les colonies britanniques d’Australie...).

Carte de l’Australie.

Le Législatif est séparé en une Chambre basse représentant la population / une Chambre haute représentant les Etats (le Sénat). C’est le Sénat qui prime puisqu’il peut rejeter tout projet de loi (y compris le budget) en ayant le mot de la fin. L’Exécutif est dirigé par un Premier Ministre issu de la majorité parlementaire : il est responsable devant les deux chambres collectivement.

Voici l’une des principales différences avec le système américain où la séparation des pouvoirs dissocie complètement Président et Congrès. Cependant, comme aux Etats-Unis la Cour suprême (High Court of Australia) a le pouvoir de contrôle de constitutionalité sur les lois des Etats, les lois fédérales et les décisions des Cours d’Etat.

L’Etat fédéral semble se rapprocher ainsi au début du système américain avec une relative décentralisation (comparativement au système canadien). L’Etat fédéral a peu de pouvoirs explicites, fixé dans l’article 51 de la Constitution (droits de douanes, relations extérieures, commerce intérieur, etc).

Cependant, il existe une liste de « pouvoirs concurrents » où certains domaines sont considérés comme devant être l’objet de collaboration entre le niveau fédéré et celui fédéral. Si la loi fédérale prime sur la loi des Etats, tout amendement à la constitution doit cependant être ratifié par l’ensemble des Etats. Ces institutions semblent alors donner un pouvoir important aux Etats, mais elles vont de plus en plus aller dans un sens centralisateur.

Une construction « nationale »

Canberra, le Parlement fédéral.

Très vite, la gestion décentralisée des institutions n’est pas parue des plus pratiques. Plusieurs éléments ont donné un aspect « unitaire » au fédéralisme australien. Tout d’abord, la vie politique s’est structurée très rapidement de manière trans-étatique sur ce continent autour des partis du Labour (les travaillistes) et des Liberal Party (les conservateurs).

Cette unification a permis de prendre les problèmes sous l’angle fédéral, notamment pour le commerce et à éviter tout parti nationaliste à l’instar de ce qui passe au Canada. De plus, les Etats n’ont jamais eu de réelles différences marquées entre leur population puisqu’il existe très vite une identité à peu près commune au niveau de la couleur de la peau, de la religion, de la culture et de la langue.

Cette unification donne aujourd’hui malheureusement de manière minoritaire des tendances à la multiplication des actes racistes dans un pays qui a du mal à accepter l’arrivée de populations issues d’origines différentes dans un contexte mondialisé.

Récemment, les minorités indo-pakistanaises ont fait l’objet d’attaques « communautaires ». Les Aborigènes malgré tout le travail mené par les autorités, l’apparition de champions sportifs issus de leur rang, de lois de reconnaissance ou de l’engagement d’artistes en leur faveur restent marginalisés dans une société qui n’accepte qu’une seule culture.

Une Cour suprême privilégiant l’Etat fédéral

Nganbira : le ’’lieu du rendez-vous’’.

En fait, un peu comme avec la construction de l’Europe, c’est l’aspect économique qui pour l’instant maintient les liens entre les différents Etats. D’autant plus, qu’ils sont en état de dépendance vis-à-vis de l’Etat fédéral. Alors qu’au début du XXème siècle, ils avaient un certain contrôle sur les droits de douanes, mais ce droit fut supprimé en 1910 et les Etats n’ont eu d’autres accès aux finances touchées par l’Etat fédéral que par le biais des articles 94 et 96 de la Constituion.

L’article 94 prévoyait que l’Etat pouvait redistribuer ses surplus budgétaires (ce qui est très limité). L’article 96 établissait quant à lui que la structure fédérale pouvait mettre en oeuvre tout mécanisme d’assistance financière aux Etats qu’il jugeait nécessaire. C’est l’Etat fédéral qui décide donc de la pluie et du beau temps financièrement parlant.

Le rôle de la Cour suprême entre dans la lumière en 1920 : par l’arrêt connu sous le nom « Engineers Cases » [3]. Selon la Cour, les pouvoirs de l’Etat fédéral sont pléniers, alors que la constitution ne leur prévoit aucune limite (par exemple, dans le droit bancaire). A partir de cette décision, la Cour suprême a toujours fait une interprétation extensive dans le sens du pouvoir fédéral.

Une relation institutionnelle fondée sur l’aspect économique

Au niveau financier, les Etats possèdent tout de même un outil pour discuter avec le pouvoir central : la conférence intergouvernementale des Etats fédérés (créée au moment de la crise financière des années 1930).

Le Drapeau australien...

Même si celle-ci n’a qu’un rôle consultatif, elle est l’occasion pour les Etats fédérés de voir leurs intérêts défendus, rôle que le Sénat aurait du tenir mais que le bipartisme a réduit.

Ce qui définit la redistribution de l’Etat fédéral vers les « régions », c’est le classement établi par la Commonwealth Grant Commission (CGC) qui définit à partir d’un barème les handicaps d’un Etat et ses besoins de financement.

Dans les faits, les avis de la CGC ne sont pas contestées et ne font pas l’objet comme au Canada d’un moyen de contestation de la supériorité de l’Etat fédéral.

Conclusion : une construction fédérale différente des réalités européennes

Au final, l’Etat australien représente un pays unitaire où fédéralisme est synonyme de centralisation et d’unité culturelle. Ce cadre stable (la Constitution ayant peu bougé depuis 1901...) a permis à l’Etat australien de se développer sur la totalité de son territoire. Après s’être développé à partir de cette base unitaire, l’Australie « pays-continent de l’Océanie » cherche aujourd’hui à accroître sa sphère d’influence et à jouer un rôle dans la zone « Pacifique ».

Si l’on compare l’Australie à l’Europe, il est intéressant de constater que les raisons qui ont été à l’origine de la volonté des Etats de se rassembler ont été des raisons d’ordre économique. Par ailleurs, il faut souligner que les relations économiques continuent à être le moteur du dynamisme australien dans les relations existant entre Etat fédéral et Etats fédérés.

Cependant, la comparaison s’arrêtera là car l’Europe ne possède pas - malgré ses valeurs communes - d’homogénéité telle qu’un bipartisme puisse s’y développer ou que les hommes politiques européens puissent réellement porter un projet pan-européen, pour le moment.

Alors que c’est la situation intérieure qui a permis à l’Australie de se créer en tant qu’Etat, l’Europe quant à elle aura sans doute besoin d’un élément extérieur pour se fédérer. Mais cette ’’nationalisation’’ de l’espace continental (au sens d’ ’’européanisation’’ ...) n’aboutira alors sans doute pas à un Etat aussi unitaire que l’est aujourd’hui l’Australie. Et ce, du seul fait de la diversité culturelle des Etats européens...

- Illustrations :

Tous les documents utilisés pour illustrer cet article sont tirés de l’Encyclopédie en ligne wikipédia.

- Sources et Conseils de lecture :

 « Fédéralisme et Antifédéralisme » de François Vergniolle de Chantal, éditions Que Sais-je ? Nov 2005

 « Pourquoi le fédéralisme australien évoque-t-il l’Europe, la Suisse et Maryline Monroe ? » sur www.unifr.ch/spc/UF/93mai/schmitt.html.

 Sur le site du Sénat : le dossier spécial « Australie, une ambition mondiale », publié en mars 2000.

Mots-clés
Notes

[1Cette donnée de départ explique pourquoi la question aborigène est si peu traitée en Australie malgré les dernières lois fédérales et malgré la promotion de la cause aborigène faite par l’athlète championne olympique, Cathy Freeman.

[21815-1896

[3Amalgameted Society of Engineers vs Adelaide Steamship Co Ltd.

Vos commentaires
  • Le 5 janvier 2009 à 19:52, par Ronan Blaise En réponse à : Le fédéralisme australien

    « We are One, but We are many »

    Esprit du fédéralisme, es-tu là ?!

    I came from the dream time, from the dusty red soil plains,

    I am the ancient heart - the keeper of the flame,

    I stood upon the rocky shore, I watched the tall ships come,

    For forty thousand years I’d been the first Australian.

    We are one but we are many

    And from all the lands on earth we come,

    We share a dream, And sing with one voice,

    I am, you are, we are Australian.

    I came upon the prison ship bound down by iron chains

    I cleared the land, endured the lash and waited for the rains.

    I’m a settler, I’m a farmer’s wife on a dry and barren run

    A convict then a free man, I became Australian.

    I’m the daughter of a digger who sought the mother lode

    The girl became a woman on the long and dusty road

    I’m a child of the depression, I saw the good times come

    I’m a bushy, I’m a battler, I am Australian.

    Chorus

    I’m a teller of stories, I’m a singer of songs

    I am Albert Namatjira, and I paint the ghostly gums

    I am Clancy on his horse, I’m Ned Kelly on the run

    I’m the one who waltzed Matilda, I am Australian.

    I’m the hot wind from the desert, I’m the black soil of the plains

    I’m the mountains and the valleys, I’m the drought and flooding rains

    I am the rock, I am the sky, the rivers when they run

    The spirit of this great land, I am Australian.

    Chorus

    Une chanson des « locaux » Bruce Woodley et Dobe Newton, ici interprétée par le groupe folk-country « aussie » « The Seekers ».

    Et dont l’interprétation de l’inusable - et autre hymne national « populaire » « Oztralian » (qui fait toujours un carton, « down under »...) - « Waltzing Mathilda » vaut également le détour...

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