Traité réformateur

Le référendum fait-il peur ?

A l’heure du Traité de Lisbonne

, par Sophie Gérardin

Le référendum fait-il peur ?

Le traité modificatif qui remplace la Constitution européenne sera signé le 13 décembre prochain, à Lisbonne par les vingt-sept Etats membres de l’Union européenne. Le président Sarkozy a d’ores et déjà annoncé qu’il ferait ratifier le texte par voie parlementaire, avant la fin de l’année. Les Jeunes-européens - France réclament un référendum qui se déroulerait le même jour dans l’ensemble des pays européens. Pourquoi ce mode de ratification qui aurait véritablement donné la parole aux citoyens, est-il en train d’être rejeté ? Nos gouvernants ont-ils quelque chose à craindre de la réaction des peuples ?

Ratifié par dix-huit Etats membres, mais rejeté par les peuples français et néerlandais, le traité établissant une Constitution pour l’Europe a définitivement été enterré. Dès son élection, Nicolas Sarkozy a montré sa volonté de relancer le processus européen, le traité de Nice n’étant plus satisfaisant pour faire fonctionner une Europe à vingt-cinq et à fortiori à vingt-sept.

Un nouveau texte a donc vu le jour à Lisbonne lors du sommet des 18 et 19 octobre dernier, réunissant les chefs d’Etat et de gouvernement. La signature se fera aujourd’hui 13 décembre prochain. Puis, les Etats devront ratifier le traité avant les élections européennes de juin 2009, par voies référendaire ou parlementaire – seule l’Irlande ayant l’obligation d’organiser un référendum. Dès lors, la réforme des institutions européennes sera en marche. De fait, le traité de Lisbonne qui comporte plus de 250 pages, ressemble fort à l’ancienne Constitution européenne.

Deux textes presque identiques

On sait déjà que les Pays-Bas et la France qui avaient choisi la voie référendaire pour ratifier le TCE, ont décidé cette fois-ci de faire adopter le traité modificatif par leurs parlements nationaux. Du côté français, le désir du président est de faire vite et pour cela, un vote par les députés lui semble le plus approprié. Le gouvernement craindrait-il un nouveau rejet du texte s’il choisissait le référendum, avec le risque d’une Union à nouveau bloquée ? Il y a de quoi en effet. Certes, les deux projets sont différents sur la forme. Cependant, sur le fond, la réforme des institutions proposée par le nouveau texte, se base sur les mêmes principes que la défunte Constitution :
 mise en place d’une présidence stable du Conseil européen et d’un Haut représentant de la politique étrangère,
 renforcement du contrôle du Parlement européen,
 adoption d’un nombre réduit de commissaires, élargissement du vote à la majorité…

Bref, l’Europe devrait être apte à prendre des décisions et être mieux représentée sur la scène internationale.

Seule la partie sur les symboles a été supprimée, même s’ils existent toujours. Enfin, la Charte des droits fondamentaux qui a été proclamée le 12 décembre au Parlement européen, reste en dehors du traité de Lisbonne mais prend force contraignante (sauf pour le Royaume-Uni et la Pologne).

Un espace public européen à inventer

Partout en Europe, la voie parlementaire pour ratifier le nouveau texte semble remporter l’adhésion des gouvernements. Estiment-ils que le texte est trop complexe à expliquer aux citoyens ? Choisir le référendum ne comporterait-il pas le risque de faire voter les électeurs sur des enjeux nationaux, la question devenant pour ou contre la politique de mon gouvernement par exemple ? Avec le vote du traité par le Parlement national, ces questions et les problématiques qu’elles engendrent sont éludées. De quoi alimenter les arguments des « nonistes » qui s’étaient opposés au TCE.

L’Union européenne laisse les peuples une nouvelle fois de côté. Même si le Parlement européen a vu ses pouvoirs se renforcer de traité en traité, cela n’a pas suffi à démocratiser l’Europe et à la faire entrer dans tous les foyers. L’espace public européen, au sein duquel les clivages nationaux seraient dépassés, reste à inventer. Les Jeunes-européens France continuent de penser qu’un référendum pan-européen, organisé le même jour dans tous les pays membres, aurait été un premier pas vers une prise de conscience d’appartenir à une même entité supranationale et de partager les mêmes droits et devoirs.

Le sentiment de citoyenneté européenne en serait ressorti renforcé. Nos gouvernants prennent le risque qu’une nouvelle fois, les peuples aient l’impression d’une construction européenne qui avance sans eux. Mais ratifier par voie parlementaire comporte certainement moins de risque que par référendum. Un argument suffisant pour relancer l’Union ?

Illustration : photographie de Lisbonne issue du site de la Présidence portugaise

Vos commentaires
  • Le 15 décembre 2007 à 13:23, par Ronan Blaise En réponse à : Le référendum fait-il peur ?

    Le référendum national fait peur aux ’’européens’’, car il est le dernier refuge des souverainistes pour (discours ’’indépendantiste’’ du moment...) ’’refuser la tutelle de Bruxelles’’ ; et pour, ainsi, tout bloquer (faisant planer là une menace de véto sur l’ensemble de la construction européenne).

    Ce référendum national fait également peur aux ’’européens’’ dans la mesure où ce récent traité de Lisbonne est finalement tellement insatisfaisant (Traité pire encore que le TCE : tant aux yeux d’anciens nonistes que de bon nombre d’anciens ’’ouistes’’...) qu’un référendum sur ce traité serait sans doute l’occasion d’un déchaînement tel que le résultat final en serait très certainement négatif.

    Et nos gouvernants - qui le savent bien et qui savent très bien qu’ils joueraient très gros en l’occurrence - ne sont pas (ou ne sont plus) assez stupides pour se tirer ainsi dans le pied. D’autant plus que leurs responsabilités en la matière seraient ’’énormissimes’’ (et d’autant plus que l’Europe actuelle a tout de même besoin de ce Traité pour rebondir : aussi décevant et aussi minimaliste soit-il...).

    Maintenant, la perspective d’un référendum paneuropéen fait peur aux souverainistes car ce serait là une remise en question radicale (et insupportable à leurs yeux) du principe de ’’souveraineté nationale’’ : ’’quoi, nous mélerions là nos voix à celles de nos voisins européens, au risque d’être minoritaires et de ne finalement plus être maîtres chez nous ?!’’

    Par ce discours, les national-souverainistes montrent bien là où sont - pour eux - les limites de la construction européenne : associer des Erats souverains oui, mais chacun chez soi ; quant à la démocratie européenne, pour eux il n’en n’est tout simplement pas question vu que, pour les national-souverainistes, nos ’’partenaires’’ et ’’voisins’’ européens restent ainsi avant toute chose des ’’métèques’’ avec lesquels la pratique de l’exercice démocratique est - décidément - une chose impossible...

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