Cependant, le temps pour prendre une initiative reste très court. La guerre au Liban, s’est ajoutée à l’inquiétant niveau de déstabilisation atteint dans la région après l’invasion américaine en Iraq, les aspirations croissantes de l’Iran au rang de puissance nucléaire, et l’insistante question palestinienne.
A présent, laissez-moi introduire quelques réflexions pour mieux comprendre ce que l’UE devrait faire au Moyen Orient.
Le rôle des Etats-unis
Ma première considération est au sujet des Etats-Unis. Depuis la conférence pour la paix au Moyen-Orient convoquée à Rome le 26 juillet 2006, nous sommes témoins d’un silence international de la part de l’administration Bush. Cela n’est pas uniquement dû aux précautions de Washington, vis à vis des élections législatives du 8 novembre, ni aux conséquences de la victoire des démocrates. Les raisons de ce silence sont plus profondes.
La stratégie choisie pour faire face au terrorisme internationale après le 11 septembre 2001 est en question. Le concept de guerre préventive, l’opportunité du renversement du régime taliban en Afghanistan et le choix de mener la guerre contre Saddam Hussein en Irak sont en question. Aujourd’hui, ces deux pays se trouvent dans une situation instable, Al-Qaida n’a pas été démantelée, et continue au contraire de frapper à travers le monde. Le processus de paix e Palestine a régressé. L’Iran qui aspire à un rôle de puissance régionale, a pris la tête des mouvements politiques chiites en Irak et au Liban, et s’efforce d’acquérir une capacité nucléaire. L’idée de lancer un grand projet de Grand Moyen orient a été bientôt oubliée.
A vrai dire, les Etats-Unis ne semblent plus capables de mettre en place un projet stable et évolutif pour amener la paix dans le monde
La solution à la question palestinienne, élaborée dans la feuille de route pour la paix, demeure inachevée. A vrai dire, les Etats-Unis ne semblent plus capables de mettre en place un projet stable et évolutif pour amener la paix dans le monde. Un tel projet a existé pendant et après la seconde guerre mondiale. En 1990, Washington jouaient toujours un rôle stabilisant au Moyen Orient, rendant possible en 1993 la conclusion des accords d’Oslo, issus d’une initiative européenne. Cependant, ce rôle s’usait déjà sous la présidence de Clinton, durant l’été 200, dans les derniers mois de son mandat. Sa longue tentative de médiation entre Yasser Arafat et Ehoud Barak échoua. Le président Clinton état incapable de s’imposer aux parties, comme cela arrivé précédemment avec Eisenhower en 1956 et avec Nixon en 1973.
Israël et sa sécurité
Ma seconde considération est au sujet d’Israël et de sa sécurité. La classe politique israélienne se trouve elle-même dans une voie sans issue, après avoir tenté pendant des années d’empêcher la naissance d’un état palestinien. Aujourd’hui, l’Autorité Nationale Palestinienne est certainement en train de vivre une cirse sérieuse, mais cela ne rend pas Israël plus sûr. Similairement, Israël n’est pas plus sûr après les problèmes toujours irrésolus avec le Liban ( les fermes de Sheeba) ou avec la Syrie ( le plateau du Golan). Recherche à améliorer sa sécurité en ayant surtout recours à la dissuasion militaire s’est avéré contre productif. Le désarmement du Hezbollah et la fin du soulèvement palestinien sont des objectifs irréalistes. Au contraire, il serait possible de diminuer le niveau d’alerte militaire si un réel processus de réconciliation était en cours.
Ce processus, cependant, ne peut être confié uniquement à la bonne volonté des partis locaux, mais nécessite la création d’un environnement politique commun, protégé par des puissances extérieures, comme cela eu lieu en Europe après la seconde guerre mondiale, quand le processus d’unification fut fondé autour de la réconciliation franco-germanique et rendu possible grâce à la protection fournie par les Etats-Unis à la sécurité de l’Europe. Cependant, si un tel processus de réconciliation devrait concerner, en premier lieu Israël, l’Autorité nationale palestinienne et le Liban, il ne pourrait pas négliger, en second lieu, les autres acteurs environnants ‘ Syrie, Irak, Iran et autres états arabes).
La nature du terrorisme international au Moyen orient
Ma troisième considération concerna la nature des mouvements terroristes opérants au Moyen Orient et menaçant la sécurité mondiale. Après les attaques du 11 septembre 2001, l’administration Bush a adopté une stratégie de confrontation globale avec le terrorisme, qui s’est avérée infructueuse contre Al-Qaida, a aidé le succès électoral du Hamas en Palestine, et a bloqué les réformes en Irak. Cette stratégie ne prenait pas en compte les différences de motivation des acteurs individuels, et par conséquent, était inadéquate pour trouver les moyens adaptés de leur faire face. En fait, cette stratégie ne premait pas en compte le fait qu’Al-Qaida est un poisson nageant dans l’eau du ressentiment anti-Occidental et des réactions anti-modernistes actives dans le monde islamique. Cependant, son leader, Oussama Ben Laden, n’a pas réussi dans son plan de susciter un grand accord au sein de la société islamique ( en Egypte, Arabie Saoudite, Irak et Algérie).
C’est une information important sur le plan stratégique, qui nous autorise à isoler Al-Qaida du reste des autres mouvements extrémistes comme le Hamas, le Hezbollah et les factions iraquiennes. Ces mouvements pourrait devenir des interlocuteurs politiques en présence d’une sérieuse tentative de pacification du Moyen Orient, et quand les armes seront déposées. En fait, ce ne serait pas la première fois qu’un mouvement politique, après avoir conduit une lutte en se cachant et en ayant recours à la violence, prenne part pacifiquement par la suite à un processus de reconstruction politique, une fois que les conditions ont été définies de manière crédible. Cela arriva avec la résistance européenne, avec les mouvements de libération pendant la période de décolonisation, et avec la naissance de l’état juif aussi.
La résolution 1701 des Nations Unies
Ma quatrième considération est au sujet de la résolution 1701 des Nations Unies, accueillie par beaucoup comme le retour des Etats-Unis au multilatéralisme. Mon opinion concernant cette résolution est qu’il ne s’agit que d’une tentative de mettre en place un cessez-le-feu , avec toutes les ambiguïtés que cela implique. Cela ne garantira pas la paix pour le futur.
Pourtant, il faut reconnaître les facteurs pour un tournant positif que cette résolution peut apporter. La résolution 1701 renforce les Nations Unies en premier lieu, en tant qu’institutions symbolisant l’unité politique mondiale, et ses interventions en faveur de la paix. De plus, elle légitime la mobilisation européenne pour la crise du Liban, poussée en avant par l’Italie. Mais dans ce cas aussi, nous devons être conscient du terrain glissant sur lequel les protagonistes se déplacent.
L’ambiguïté de l’UE
Le gouvernement italien, conscient de son intérêt vital à stabiliser le Moyen Orient, comprenant que les Etats-Unis ne pouvaient plus assurer la sécurité de cette aire géographique, sentit que l’heure des Nations Unies était venue. Son engagement à envoyer un contingent italien de taille était à la fois un signe de sa forte volonté politique, et une reconnaissance de sa propre faiblesse. Cohérent ces prémisses, le gouvernement italien essaya part tous les moyens possibles de placer sa participation à la mission des Nations Unies sous la protection de l’Union Européenne , avec un résultat, ici encore, partiel et ambigu.
De même, le Conseil des Ministres de l’UE du 25 août à Bruxelles, auquel était invité le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, donna des résultats discutables, en partie positifs, en partie décevants. Le Conseil ne s’engagea pas directement, il se limita à reconnaître la volonté des pays membres à renforcer la FINUL. Le résultat positif de l’engagement européen, fut le déploiement par la suite des troupes européennes, représentant plus de la moitié de la force de la FINUL, et le contribution financière considérable à la reconstruction du Liban. L’aspect décevant est l’absence de ce théâtre de l’UE en tant qu’institution. Un document de Mr Solana de 2003, précisant que le devoir de l’Union est d’intervenir en cas de crises internationales et en situation de « sérieuse insécurité mondiale » n’est pas mentionné, le déploiement rapide d’un corps d’intervention tel que le décrivent les accords d’Helsinki de 1999 n’a pas non plus été mis en œuvre.
Cependant, il faut souligner que c’était la première fois depuis la fin de la seconde guerre mondiale que les pays européennes ont pris une forte initiative autonome, and dehors du cadre de l’OTAN.
Par conséquent, nous nous trouvons à un tournant. Dans un tel contexte, la présence des troupes italiennes, françaises, espagnoles, allemandes, belges et finlandaises requièrent une implication de l’UE plus importante dans la résolution politique des conflits au Moyen Orient.
Quel type d’initiative politique ?
Ma cinquième considération concerna l’initiative politique elle-même. Il est nécessaire de reconvoquer d’urgence la Conférence de Rome sur le Moyen Orient, avec cette fois tous les protagonistes concernés, et de placer sur l’agenda politique : 1) la question palestinienne ; 2) la reconstruction du Liban et de l’Irak ; 3) le programme nucléaire iranien.
Dans un contexte incertain et très dangereux, les pays européens, s’ils agissent individuellement, ont une très faible marge de manœuvre. La clef du problème réside dans la réduction des capacités offensives de chaque parties, et de placer sous un même contrôle, dans l’intérêt de l’humanité, l’arsenal nucléaire d’Israël et les capacités nucléaires iraniennes en développement. Donc, le problème est politique et sur cette base, un accord international doit être recherché. Un intervention militaire, ou plutôt un maintien de l’ordre militarisé, est de nature complémentaire et doit être soutenu par une initiative internationale courageuse et forte, visant construire une paix perpétuelle, au sens de Kant.
A ce niveau, il est clair que nous sommes confrontés avec une sérieuse impasse. L’initiative politique et militaire et la charge financière nécessaire pour assurer une paix définitive au Moyen Orient ne peut être prise en charge par aucun pays européen individuel. Par contre, elle pourrait être prise par l’UE, parce qu’elle représente le seul acteur international qui est considéré crédible par les parties en conflit ; mais l’UE n’est pas préparé pour les tâches de construite, préserver et renforcer la paix, ni dotée des institutions nécessaires pour mener sa politique étrangère. En particulier, l’UE n’a pas d’instruments pour donner une légitimité démocratique européenne à l’usage de la force militaire, même dans le cadre des missions des Nations Unies.
A propos, deux observations importantes peuvent être ajoutées.
– Premièrement, l’UE peut actionner le cadre du « Quartet » qui vise la déclaration commune de Madrid du 10 avril 2002, suivant la déclaration de Beirut du Conseil de la ligue arabe du 28 mars 2002, qui ébauche une ouverture vers des négociations avec Israël. Cette déclaration est d’actualité aujourd’hui dans les bureaux des gouvernements arabes, qui travaillent à rendre possible un gouvernement palestinien de coalition incluant le Fatah et le Hamas, prêt à négocier avec Israël.
– Deuxièmement, il faut souligner que l’UE est à présent le seul membre du « Quartet » à ne pas être représenté au Conseil de Sécurité des Nations Unies, alors que la France et la Grande-Bretagne y siègent en tant que membre permanent et les autres pays européens en tant que membres rotatifs.
C’est une réalité concernant laquelle les Européens, classes politiques et citoyens, doivent être conscients prêts à réagir pour donner à l’Union un gouvernement capable d’agir, représenté internationalement et doté d’une constitution.
En dépit de ces limites, l’UE et ses pays membres peuvent, déjà lancer plusieurs initiatives. Il s’agit de donner un signe qui ouvre la voie vers un renforcement institutionnel intérieur et début une action diplomatique à l’extérieur pour la paix, la sécurité et le renforcement de l’UE.
La première initiative peut être prise par les pays ayant adopté le TCE. Une rencontre devrait être convoquée entre les pays qui ont ratifié le TCE et ceux qui envisagent de le ratifier rapidement. Il s’agit de décider l’entrée en force du TCE dans ces pays. A ce meeting, la France et les Pays-Bas aussi devrait être invités. Deuxièmement, ces pays devraient donner naissance à une coopération renforcée entre eux, en plus de l’envoi des troupes nationales françaises, italiennes, espagnoles et néerlandaises et prépare un plan pour la reconstruction du Liban et de la Palestine. Troisièmement, les deux membres permanents et les trois membres rotatifs ( Belge, Italie, Slovaquie) du Conseil de sécurité devrait s’engager ensemble à promouvoir au sein du Conseil de sécurité les positions qui sont soutenues par la majorité qualifiées des membres de l’UE au sein du Conseil Européen et des Conseils des Ministres. Ce moyen permettrait de surmonter le veto dans le domaine de la PESC et la difficile concession d’un siège unique pour l’UE au Conseil de Sécurité.
La seconde initiative est de reconvoquer urgemment la Conférence de Rome sur la paix et le développement au Moyen Orient, cette fois en présence de tous les protagonistes, avec pour priorité la question palestinienne ; la naissance d’un état palestinien devrait être envisagé, le retrait d’Israël jusqu’aux frontières de 1967, la réduction des capacités offensives de toutes les parties concernées, et le contrôle des capacités nucléaires par une autorité commune pour la sécurité, composée du « Quartet » et de tous les acteurs de l’aire géographique. Cela implique, bien sûr, l’extension fonctionnelle et territoriale de la mission des Nations Unies.
La troisième initiative, toujours dans le cadre de la Conférence de la paix et de la sécurité, est de proposer à Israël, au Liban et à la Palestine, et aux autres partenaires volontaires, la mise en place d’institutions communes supra nationales pour gérer l’eau, l’énergie et les infrastructures de transport, , comme cela était envisagé dans les accords d’Oslo, et aussi l’ouverture mutuelle de leur marché domestique. La quatrième initiative est au sujet des négociations pour l’adhésion de la Turquie et des pays des Balkans de l’Ouest à l’UE ; il serait utile de les relancer, pour stabiliser ces pays, pour donner un signal fort et d’actualité au sujet des capacités de l’EU pour panser les longues confrontations et construire une société continentale multi ethnique, multi culturelle et multi religieuse, et finalement pour souligner la volonté d’amener les frontières de l’UE à toucher la Méditerranée, ce qui constituerait une garantie pour le processus de paix lui-même.
Finalement, puis-je rappeler que les éléments de base pour une intervention au Moyen Orient ont déjà été clarifiés dans un document de la commission européenne « La position de l’UE sur le processus de paix au Moyen Orient ». Ces éléments sont aussi présentés dans le processus de Barcelone, dans le dialogue institutionnel de l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, et dans le programme MEDA. Ces idées doivent être relancées avec détermination.
Nous devrions conclure un dialogue qui commença avec les résolutions 187 des Nations Unies en 1947 et 194 en 1948, passa par la déclaration de Venise de 1980 des pays européens, les accords d’Oslo de 1993 et la déclaration de Beirut du Conseil de la Ligue Arabe en mars 2002. Une forte volonté politique est nécessaire pour envoyer un signal qui pourrait conférer de l’autorité à une initiative européenne pour la paix au Moyen Orient .
Cet article fut publié originellement dans l’édition de juillet 2007 de “The federalist debat”, journal pour les fédéralistes d’europe et du monde.
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