Extrémisme

Les Fédéralistes seraient-ils devenus des « Gauchistes » ?

Quelle différence entre Extrême Gauche et les tenants de l’Europe fédérale ?

, par Fabien Cazenave

Les Fédéralistes seraient-ils devenus des « Gauchistes » ?

Dans une interview accordée à Touteleurope, Yves Salesse - Maître à penser de la Fondation Copernic et grand théorisateur du Non de Gauche au dernier référendum de 2005 sur le feu-TCE - critique la méthode qui a aboutit au nouveau « Traité Simplifié » après le dernier Conseil euroépen de Bruxelles. Sur certains points, il se rapproche des critiques émanant des rangs fédéralistes. Est-ce que cela voudrait dire que les Fédéralistes se trouvent aujourd’hui aux côtés des « gauchistes » dans le paysage européen ?

Tenants du « Non de Gauche » et Fédéralistes : les deux camps ne se satisfont pas de ce qu’il se passe

Dans son interview, M. Salesse précise bien ce qui manque aux institutions européennes actuellement : « une légitimation populaire profonde ». Ce besoin s’allie à la nécessaire critique du dernier Conseil européen de juin 2007 où les négociations intergouvernementales ont donné tout sauf cette légitimité claire et démocratique pour le traité obtenu. De plus, il souligne bien que face aux élargissements successifs, il est d’autant plus besoin d’une Europe politique. C’est pour cela que nous aurions un « facteur puissant de désagrégation des possibilités de construction européenne ».

Pour donner une légitimité à la construction européenne, il demande à ce que les changements institutionnels soient soumis par référendum. Les Fédéralistes qui ont lancé récemment une campagne de signatures pour demander le référendum pan européen ne peuvent qu’être d’accords avec cette proposition qui donne à l’Europe une légitimité par le peuple. Cela correspond en effet à une démarche de participation citoyenne qui était déjà demandé lors des négociations sur le Traité de Nice avec plus de 15.000 personnes dans les rues.

La demande répétée de la Fondation Copernic par le biais d’Yves Salesse d’une Constituante pour éviter une simple « association de gouvernements nationaux ». La méthode proposée est du reste intéressante : des débats dans chaque pays européen avec les citoyens pour définir les grandes orientations, puis élection d’une « Assemblée qui propose un nouveau texte, soumis par référendum ».

Banco ! Dépassons effectivement le cadre de l’Etat-Nation... Malheureusement, ce n’est pas sur les mêmes bases que nous voulons employer cette méthode. Ce qui semble fondamental pour les Fédéralistes n’est en fait qu’un moyen pour les penseurs d’extrême-gauche. Car si les Fédéralistes veulent continuer le processus d’intégration (processus révolutionnaire puisque construit dans la paix), Yves Salesse veut lui tout raser pour « purifier » nos sociétés...

Attention : les Fédéralistes ne rejettent pas les acquis de la construction communautaire

C’est là que se pose un problème en réalité : quand on lit les propos de M. Salesse, la construction européenne serait viciée depuis le début car elle est par essence le fruit de « traités néo-libéraux ». On passe ici un nouveau cap : le TCE était « libéral », l’Europe est en fait aujourd’hui néo-libérale, le principe de concurrence libre et non faussée en étant le « principe directeur ».

Dans une note préparatoire au sommet européen de Bruxelles, dans le deuxième point intitulé « Non à un traité qui laisserait en place les principes de l’actuelle construction européenne », la Fondation Copernic affirme clairement que toute nouvelle négociation n’aboutirait que dans le but « de faciliter la mise en oeuvre des principes et des politiques néo-libéraux ».

Or, les Fédéralistes ne crient pas au complot quant à un processus d’intégration qui a certes des défauts mais qui a le grand mérite d’avoir permis à nos pays d’accompagner un mouvement historique vers la paix au lieu des guerres qui ont parcouru notre continent. Le diable n’est pas forcément là où on le croit.

En effet, pourquoi M. Salesse ne se satisfait-il pas, au niveau social, de la force contraignante donnée à la Charte des Droits Fondamentaux qui va freiner la machine capitaliste européenne ? Il est vrai qu’il aurait du mal à défendre une charte qui avait fait l’objet durant la campagne française de 2005 de sa part d’attaques graves : fin du divorce, fin de l’avortement, etc. Pourquoi ne crie-t-il plus à la face du monde les dangers de ce texte qu’il avait tant combattu dans ses tribunes ?

On retrouve ici l’un des plus gros défauts de l’Extrême-Gauche française : tout dénoncer parce que cela n’est pas assez pur, même si on perd toutes les avancées... Pourquoi dès lors s’appuyer sur le travail du Parlement européen puisque celui-ci est forcément vicié du fait des textes fondateurs de l’Union européenne ?

Comment dépasser l’ancien clivage du Oui et du Non ?

En fait, nous avons aujourd’hui à poser la seule vraie question qui se doit d’être posée aux peuples d’Europe : voulez-vous d’une Europe réellement politique ? Cette question a par exemple été complètement mise de côté lors du référendum français de 2005.

Pourtant, nous avons besoin de ce clivage pour montrer que les nationalistes sont aussi bien de gauche que de droite. Car faire croire que l’Europe est un monstre qui empêche les autres pays européens de bénéficier de notre bon système de protection sociale nationale n’est-ce pas là faire preuve d’une faiblesse ethno-centrique ? Que devrait dire alors les citoyens des pays nordiques qui ont un autre niveau de relations sociales avec des partenaires sociaux ayant un véritable poids dans leur pays quand ils regardent ce qui se passe en France ?

Se dire européen quand on est d’accord avec personne d’autre que son propre réseau, est-ce vraiment être européen ? Ce seront sur les débats et actions de demain que nous pourrons véritablement juger M. Salesse et la Fondation Copernic.

Car s’être toujours mis sicemment en dehors du processus européen n’est pas le meilleur gage pour se dire le partenaire fiable de Fédéralistes qui ont toujours tout fait pour que la construction communautaire se poursuive. Nous jugeons sur les actes : l’Extrême Gauche a toujours été contre l’Europe.

Illustration : photographie d’Yves Salesse issue de Touteleurope.fr pour son interview citée dans ce texte.

Vos commentaires
  • Le 13 juillet 2007 à 08:31, par Valéry En réponse à : Les Fédéralistes seraient-ils devenus des « Gauchistes » ?

    Merci Fabien pour cet article qui recoupe les réflexions que m’a inspiré l’interview sur touteleurope.fr.

    Ce qui caractérise les fédéralistes est en effet l’attachement de ceux-ci à la participation citoyenne dans la construction européenne et l’objectif de construire en Europe la première démocratie internationale, relativisant de ce fait la notion d’État-nation.

    Il est donc sans surprises que nous soyons les premiers à nous offusquer du sinistre Nice+ concocté en guise de sortie de crise par nos gouvernements en lieu et place de la démarche constitutionnelle initiée par la Convention sur l’avenir de l’Europe.

    Mais ce qui constitue pour les fédéralistes leur engagement premier n’est pour les sociaux-nationalistes qu’un argument de plus en appui de leur rhétorique anti-européenne.

    Déclamer un objectif démocratique ambitieux est bel et bon mais cette posture reste purement factice si on refuse de définir les étapes intermédiaires vers un tel objectif et si l’on rejette les progrès dans cette direction car ils sont insuffisant.

    S’il est légitime de se poser la question de savoir si la ligne rouge a été franchie par les gouvernements en convoquant une CIG pour rédiger un mini-traité qui comporte de nombreux reculs au regard du traité constitutionnel ratifié par une majorité d’Etats-membres, rejeter le traité constitutionnel parce qu’il n’était pas parfait relevait d’une démarche parfaitement contre-productive comme on en a eu depuis la preuve. A un progrès modeste mais réel on a substitué un recul significatif dans la méthode comme sur le fond. Au final l’extrême-gauche et ceux qui l’ont suivis ont été au service du nationalisme.

    Admettons que l’on puisse obtenir ce qui est demandé : une assemblée constituante, une constitution. Les Européens ne partageant pas l’idéologie des gauchistes, et les Français non plu comme on l’a vu lors des élections de mai-juin, une telle assemblée ressemblera plus ou moins au Parlement européen dans sa composition politique. Ceci nous permettrait d’obtenir certainement une excellente Constitution et satisferait les fédéralistes mais l’extrême-gauche se verrait conduite à la combattre car de toute évidence l’économie de marché ne serait nullement remise en cause.

    C’est là que repose l’impasse des tenants de cette idéologie : ils dénoncent les violations de la démocratie mais la démocratie, incompatible avec le communisme, ne peut que les condamner implacablement.

  • Le 13 juillet 2007 à 11:31, par Maitresinh En réponse à : Les Fédéralistes seraient-ils devenus des « Gauchistes » ?

    Vous oubliez les eurocommunistes italiens dont plusieurs membres ou anciens membres ont occupé ou occupent de très hautes fonctions dans l’Union, et qui ont toujours été tres favorables a l’intégration européenne, sans ambigüité.

    L’unification Europèenne est une sensibilité qui traverse tout le spectre politique. Seulement en france, en ce moment, comme vous le faites remarquer, le narcissisme ethnocentrique propre a notre pays centralisé s’est deplacé vers la gauche.

    En France, il y a quand meme eu au PC Philippe Herzog, et depuis longtemps.

    Rouge, Rose, bleue pale, bleu, pourvue qu’elle ne soit pas noire, vive l’Europe unie.

  • Le 13 juillet 2007 à 13:51, par Valéry En réponse à : Les Fédéralistes seraient-ils devenus des « Gauchistes » ?

    Je crois que l’article concerne essentiellement l’extrême gauche française dont les thèses social-nationalistes ont polluées le débat politique en France en 2005 empêchant les Français de bénéficier d’un véritable débat sur le traité constitutionnel européen.

    En effet vous avez raison de citer Philippe Herzog, aujourd’hui animateur d’une association, Confrontations Europe qui apporte une contribution de qualité au débat européen.

    Il faut également citer Altiero Spinelli qui était justement affilié au Parti communiste italien et avait été emprisonné pour cet engagement. Mais bien sur le Parti communiste italien est un cas particulier.

  • Le 14 juillet 2007 à 21:27, par Fabien Cazenave En réponse à : Les Fédéralistes seraient-ils devenus des « Gauchistes » ?

    MaitreSinh, les gens comme Altiero Spinelli existent, c’est une réalité. Mais je pense qu’il était aussi de marquer notre opposition à ceux qui prétendent qu’il faille tout raser parce que la construction communautaire serait quelque chose de mauvais. Nous nous devons d’être exigeant avec ce projet magnifique qu’est notre Europe et donc de dénoncer ses travers puisqu’il y en a. Cependant nous devons aussi comme vous le dîtes bien lutter contre notre tendance bien française à croire que nous portons seuls le poids du progrès.

    Si M. Mélenchon, par exemple, dit qu’il est pour un référendum, c’est très bien. Mais il faudrait alors qu’il consièdre aussi bien le vote d’un Lituanien que cela d’un Français.

    Par ailleurs, si demain, un traité européen était soumis par référendum, il faudrait aussi voir quel sera son discours sur le besoin d’une Europe politique, même fondée sur notre Europe communautaire...

  • Le 16 juillet 2007 à 12:54, par Shokut En réponse à : Les Fédéralistes seraient-ils devenus des « Gauchistes » ?

    « L’unification Europèenne est une sensibilité qui traverse tout le spectre politique. Seulement en france, en ce moment, comme vous le faites remarquer, le narcissisme ethnocentrique propre a notre pays centralisé s’est deplacé vers la gauche. »

    Ca alors, la gauche serait pour l’indépendance et la souveraineté des Nations ? Mais franchement ce n’est pas une nouveauté. Depuis Robespierre jusqu’à Georges Marchais, la gauche a toujours été pour l’indépendance et la souveraineté nationale.

    Et d’ailleurs souvenez-vous : quand la gauche française a t elle été confrontée pour la première fois à l’Europe ? C’était à Valmy, déjà à l’époque l’Europe voulais imposer son modèle politique à la France.

  • Le 15 février 2008 à 21:10, par dhalber DD En réponse à : Les Fédéralistes seraient-ils devenus des « Gauchistes » ?

    Pas tout-à-fait, mon cher Shokut. Il faut nuancer un peu.

    En septembre 1792, la toute nouvelle « République » française était perçue comme une menace pour leurs régimes ...et pour leurs têtes couronnées...par des états européens qui se méfiaient , à juste titre, d’une France emprisonneuse de rois...et bientôt ( janvier 1793) régicide.

    A Valmy, la Révolution s’est bien défendue contre l’invasion prusso-autrichienne, c’est vrai, mais c’était contre une menace qu’elle avait elle-même déclanchée par son zèle anti-monarchique. Et non pas à cause d’une hostilité spontanée de l’Europe à « la gauche » révolutionnaire française.

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