Les « conflits gelés » et le « cas Kosovo »

, par Dumitru Drumea

Les « conflits gelés » et le « cas Kosovo »

A peine un mois après la proclamation unilatérale d’indépendance de la région rebelle, le « précédent Kosovo » réanime peu à peu les « conflits gelés » dans l’espace post-soviétique. Face à la montée inattendue du nationalisme dans cette région, l’Union européenne peine à trouver une position.

Quand on parle des « conflits gelés » on fait généralement référence aux mouvements séparatistes qui ont eu lieu dans l’espace post-soviétique dans les années 1990. Ces conflits, comme le Nagorny Karabakh en Azerbaïdjan, l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie en Géorgie et la Transnistrie en Moldavie, ne sont toujours pas résolus et il n’y pas vraiment de plans de leur résolution. Aujourd’hui, dans ces régions, il existe des Pseudo Etats qui, malgré leur isolement politique sur le plan international, ont un contrôle effectif sur leur territoire ainsi que des institutions tout à fait viables.

Les conflits gelés de l’espace post-soviétique

Après la chute du l’Union soviétique, plusieurs mouvements séparatistes sont apparus dans les anciennes républiques socialistes, toutes pour les mêmes raisons : le nationalisme. Le cas le plus médiatisé a été la guerre en Tchétchénie. Commencé en 1994, le conflit s’est vite transformé en une guerre civile sanglante, soldée par des milliers de morts et de blessés, en grande partie parmi les civils. Mais les autorités russes, notamment pendant la présidence de Vladimir Poutine, ont su décrédibiliser le mouvement indépendantiste de cette province caucasienne aux yeux de la communauté internationale (en se plaçant du côté des Américains contre le Terrorisme) et enterrer l’idée d’une Tchétchénie indépendante pour longtemps. Or, il n’en est pas de même dans les autres cas.

En Transnistrie les autorités de Chisinau n’ont pas pu rétablir le contrôle effectif sur la région séparatiste. En effet, depuis 1992, la République Moldave de Transnistrie (RMT) est un Etat à part entière, même si elle n’est pas reconnue par la communauté internationale. La RMT possède ses propres institutions, armée, police, monnaie et même des services secrets. Se surcroît, malgré le blocus politique, la Transnistrie arrive à surmonter ses difficultés économiques, grâce à ses industries héritées de l’Union Soviétique, mais aussi grâce aux aides de la part de la Russie.

L’Ossétie du Sud et l’Abkhazie vivent aussi dans une quasi-indépendance par rapport à la Géorgie après des violents combats qui ont eu lieu au début des années 90, et évoquent souvent, tout comme les Kosovars, "l’impossibilité de vivre ensemble" avec Tbilissi. Le refus de l’Abkhazie Il en est de même dans le Nagorny Karabakh, région rebelle d’Azerbaïdjan.

Le rôle trouble du « Grand Frère » russe

Il est vrai que les troupes russes sont présentes dans ces régions sous le drapeau blanc des protecteurs de la paix et Moscou ne se montre pas pressé de les retirer de ces zones, malgré les nombreux accords internationaux passés entre la Russie et les pays en question, comme ceux obtenus lors du sommet d’Istanbul de 1999 [1]. La situation se complique encore plus, compte tenu du fait qu’une très grande partie de la population de ces 2 régions a aussi des passeports russes, ce qui pourrait légitimer à tout moment une éventuelle intervention de la Russie, pour « protéger ses citoyens ».

C’est d’ailleurs pour ces raisons que les gouvernements de Bakou, Tbilissi et Chisinau ne reconnaissent pas l’indépendance du Kosovo, car ils craignent, que .leurs régions rebelles vont elles aussi vouloir suivre l’exemple de la province serbe. Et ces craintes ne sont pas sans fondement. Dans toutes ces régions il y a eu des référendums qui réaffirmaient la volonté de leurs peuples de devenir indépendants. Les parlements séparatistes ont plusieurs fois adopté des résolutions qui proclament unilatéralement l’indépendance, mais en vain : le droit international ne reconnaît pas ce genre de déclarations. Cependant, avec l’indépendance du Kosovo tout peut changer.

Les évolutions récentes

Quand le Conseil de l’Union européenne dit que le Kosovo est un cas sui generis, elle se garde bien de d’imposer sa vision à ses États membres. Les leaders séparatistes de l’ex-URSS quant à eux, tel M. Smirnov (président de la Transnistrie), estiment que l’indépendance du Kosovo leur donnera une raison de plus de poursuivre leur mouvement indépendantiste ?

Au mois de mars les violences ont repris dans le Nagorny Karabakh, petite région rebelle montagnarde peuplée en grande majorité par d’Arméniens. Les Azéris dénoncent l’indépendance du Kosovo, qui, selon eux, encourage le séparatisme arménien. Suite à la reconnaissance du Kosovo par les États-Unis et par la plupart de pays de l’Union européenne (UE), l’Azerbaïdjan a retiré ses troupes du corps militaire international déployé dans la province serbe.

Les républiques séparatistes de la Géorgie ont elles aussi réagi à la proclamation unilatérale d’indépendance du Kosovo. Ainsi, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud ont demandé à la communauté internationale de reconnaître leur indépendance et, pour justifier leur revendications, elles évoquent leur viabilité en tant qu’Etats indépendants, l’impossibilité de vivre ensemble avec Tbilissi et les référendums qui ont soutenu largement la séparation de la Géorgie. Depuis le 17 février, elles ont un argument de plus aller contre le droit international existant : le Kosovo.

Et bien que il soit peu probable que la Russie reconnaissent dans les années qui viennent l’indépendance de ces républiques séparatistes, elle en joue habilement [2] pour montrer sa puissance dans la région et pour contrarier les intérêts des européens. Avec le Kosovo, elle a encore plus de moyens de pression sur l’Europe et sur les pays caucasiens.

En cas de déclaration d’indépendance de ces Républiques "rebelles", la situation de l’Union européenne sera plus que délicate, compte-tenu de l’expérience du Kosovo. Elle n’est de toute façon pas considérée comme une alliée par les leaders rebels, qui continuerons de se tourner vers la Russie. De surcroît, un éventuel conflit dans la région (alimenté par le séparatisme nationaliste et par le précédent kosovare) pourrait ruiner les projets énergétiques européens dans le Caucase (riche en pétrole et en gaz), en rendant l’UE encore plus dépendante des hydrocarbures russes. Et la situation se complique par l’absence d’une position européenne commune sur cette question.

Illustration : photographie d’une vidéo représentant une action de la police militaire azérie dans le Haut-Karabagh. Source : Wikipedia sous licence GNU.

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Notes

[1sommet d’Istanbul (page 57, point 19)

[2Le 6 et le 7 mars, les parlements des deux Républiques ont adressé une lettre à la Douma russe, la Russie étant leur seul soutien sur le plan politique et économique, qui s’est réunie le 13 mars pour donner un avis sur la situation actuelle. La résolution de la Douma propose au gouvernement et au président russes de penser à une « possibilité d’accélération du processus d’accès à la souvairanité de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, en allant jusqu’à la reconnaissance des deux républiques en accord avec la volonté de leurs peuples » en cas d’une action militaire de la part de la Géorgie ou d’une adhésion de celle-ci à l’OTAN.

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