Depuis sa création en 1991, la « Revue internationale et stratégique », revue de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), s’attache à vulgariser auprès du grand public les grands débats qui animent la scène internationale.
Objectifs et Méthode
À travers la confrontation d’idées et d’auteurs, mais également avec le concours d’éminents spécialistes et de décideurs de tous bords, la « Revue internationale et stratégique » cherche à transcrire une vision claire d’un système international aujourd’hui plus globalisé et donc plus complexe, caractéristique de ce début de XXIe siècle.
Grâce à des dossiers thématiques, chaque trimestre est ponctué par l’analyse approfondie d’un sujet s’inscrivant dans les grands questionnements internationaux. Cette problématisation d’un thème donné est complétée par des rubriques qui permettent au lecteur d’appréhender de manière approfondie des sujets d’actualité ainsi que de faire la lumière sur une région ou sur un pays en particulier.
La revue internationale et stratégique poursuit ainsi un double objectif de diffusion pédagogique des savoirs et d’enrichissement du débat intellectuel dans le domaine des relations internationales et des questions stratégiques.
Un numéro exceptionnel à plus d’un titre
Dans ce numéro 61 du printemps 2006, la « Revue Internationale et Stratégique » se penche sur le dossier complexe des fondements des politiques étrangères des pays de l’Union européenne. Un dossier complet et exhaustif où il ne manque là guère que les points de vue français, maltais, slovène et suédois.
Un numéro d’autant plus intéressant qu’on y retouve, outre la participation habituelle de chercheurs universitaires et de journalistes spécialisés dans ces domaines, la signature de responsables politiques actuellement en fonction. A savoir les ministres des affaires étrangères des Pays-Bas (M. Bernard Bot), de Lituanie (M. Antanas Valionis), de Lettonie (M. Artis Pabriks), d’Eire-République d’Irlande (M. Dermot Ahern), de Slovaquie (M. Eduard Kukan) et de Finlande (M. Erkki Tuomioja).
D’où il ressort que, malgré les perspectives pour l’avenir qu’ouvre la mise en place future d’une politique européenne de sécurité commune (PESC), il y a cependant encore aujourd’hui des sensibilités et des perceptions nationales qui continuent encore de nos jours à structurer le débat : des différences de perceptions qui s’inscrivent dans des parcours nationaux, des intérêts ou des perceptions différentes qui ont toutes leur rationnalité.
Ainsi il apparaît très clairement que les uns et les autres n’ont, à première vue, pas nécessairrement les mêmes préoccupations : là où la Hongrie se focalise sur la questions des minorités magyarophones des pays voisins, là où la Grèce se concentre sur le règlement de la question chypriote, la Finlande se consacre prioritairement à ses relations de bon voisinage avec la Russie alors que le Portugal regarde vers le grand large et le monde lusophone, pendant que l’Eire reste très attentive au bon déroulement du processus de paix nord-irlandais.
Néanmoins, tout ces débats se déroulent avec, en toile de fond, la perspective d’une PESC largement débattue. Rêve inabouti ou irréalisable pour les uns, réalité en marche pour d’autres, qu’il s’agisse d’une éventualité souhaitable dans une optique purement européenne ou devant juste être complémentaire de l’Alliance atlantique (pouvant même, à terme, se substituer à elle...). A son sujet, les avis prolifèrent et divergent parmi les responsables politiques, militaires et les experts.
De l’intérêt du point de vue finlandais
A ce sujet, on s’attardera donc tout particulièrement à ce tout dernier point de vue finlandais (pages 150 à 157). Dans la mesure où l’on sait que le ministre en question (M. Erkki Tuomijoa) nous expose là quels seront les principes de politique étrangère qui guideront l’action du gouvernement de la Finlande. Et ce, alors que la Finlande s’apprête à exercer la présidence tournante de l’Union européenne (à partir du 1er juillet prochain) pour le second semestre 2006.
Comme on le sait, la Finlande a derrière elle un long passé de neutralité traditionnelle - parfois passive - à l’égard des grandes puissances de ce monde. Or telle n’est donc plus la ligne qui semble prévaloir à Helsinki puisque, dans cette tribune, M. Tuomijoa se prononce très clairement en faveur d’une UE qui assumerait désormais ses responsabilités sur la scène internationale afin de ’’devenir un acteur majeur sur la scène mondiale’’ (sic). De même qu’il se prononce très clairement pour la mise en place d’une PESC claire, posant ainsi comme principe préalable l’unité des priorités européennes autour de la notion d’intérêts communs européens.
En effet, dans ce document, M. Tuomioja exprime le point de vue selon lequel l’UE ne doit plus aujourd’hui se contenter de la seule gestion civile des crises (domaine dans lequel elle excelle jusque là...).
Mais il précise aussi que - selon lui - l’UE doit aussi, pour mieux affirmer ses valeurs, prendre ses responsabilités et ne plus hésiter à pareillement inscrire dans son agenda la mise en place très prochaine d’outils, de structures et de moyens militaires lui permettant d’être ainsi efficace dans la gestion militaire des crises.
Ce pourquoi, M. Tuomioja demande à ce que les PESC et PESD européennes puissent désormais évoluer vers plus d’initiatives et vers un système de prise de décision beaucoup plus efficace.
Ainsi, non seulement l’auteur de ce document se prononce très nettement en faveur de l’inclusion de la ’’gestion militaire des crises’’ dans les tâches de l’Union. Mais aussi il demande à ce que ce type de questions puisse désormais relever de la procédure de prise de décision à la majorité qualifiée.
Ce qui nécessite donc aussi la mise en place d’une politique européenne de coopération étroite en matière d’armement, ainsi que la future mise en place d’un marché intérieur de l’armement. Et ce sans nécessairement se couper de l’OTAN, avec laquelle il faudrait travailler - dans un esprit de coopération étroite - à une nouvelle articulation des structures et des missions et pour une meilleure gestion conjointe des crises. Mais tout en élaborant avec la Russie une politique de voisinage organisée selon des principes de ’’relations partenariales privilégiées’’.
Comme on le sait, le Conseil européen d’Hampton Court d’octobre dernier avait décidé de lancer une réflexion sur le rôle international de l’UE. Ce pourquoi, depuis lors, on sait que des officines de la Commission européenne préparent des propositions pour répondre à ce questionnement. Et c’est donc bien dans ce contexte que M. Tuomioja plaide, dans ce document, en faveur d’une Europe qui assumerait une plus grande responsabilité dans les affaires du monde : pour une PESC plus visible, plus efficace, plus incisive et -à l’instar de la politique commerciale de l’UE- davantage décidée à la majorité qualifiée.
En tout cas, M. Erkki Tuomioja nous déclare là que la Finlande ’’souhaite faire avancer l’Europe’’ pour qu’elle soit davantage ’’capable d’agir’’ et davantage capable de ’’prendre des décisions rapides’’ et de mettre en place une ’’action adéquate et cohérente’’.
Il ne nous reste donc plus qu’à regretter, à la lecture de cette profession de foi en faveur de davantage de méthode communautaire et/ou supranationale, que ce soit néanmoins là - visiblement - encore des méthodes de mise en oeuvre strictement intergouvernementales qui nous soient pourtant ainsi proposées...
1. Le 29 juin 2006 à 23:32, par Ronan Blaise En réponse à : Pour une diplomatie européenne unique
En conformité avec les déclarations du MAE finlandais Erkki Tuomioja mentionnées ci-dessus (i. e : en faveur de la définition de priorités diplomatiques européenne communes et d’une véritable politique étrangère européenne commune), ’’Renforcer la cohérence, l’efficacité et la visibilité de l’Europe dans le monde’’, tel fut effectivement l’objectif affiché par le rapport officiellement présenté aux Etats membres, le 8 juin dernier, par le Président de la Commission européenne José Manuel Barroso.
Pour atteindre cet objectif, l’exécutif bruxellois propose aux Etats membres de l’Union la mise en place d’idées (ici : le ’’service diplomatique européen’’) s’inspirant très largement du Traité constitutionnel européen rejeté l’an passé par une majorité du corps électoral français et néerlandais.
Ainsi la Commission propose que les Etats membres mettent leurs moyens diplomatiques en commun non seulement entre eux mais aussi avec ceux des délégations de la Commission implantées à travers le monde. ainsi, Bruxelles et les Etats membres échangeraient également du personnel diplomatique.
En tout cas, voilà des idées qui, si jamais elles étaient mises en oeuvre renforceraient considérablement le rôle de la Commission européenne en matière de politique étrangère...
(Sources : ’’Daily Telegraph’’ de Londres, in ’’Courrier International’’ n°815 du 15 juin 2006, ici : page 22).
2. Le 8 août 2006 à 10:31, par Ronan Blaise En réponse à : Les fondements des politiques étrangères des pays européens
Documents complémentaires à ce qui précède, on consultera deux articles publiés dans la « Revue internationale et stratégique » N°62 de cet Eté 2006. A savoir :
« La politique étrangère du Portugal : européanisme, atlantisme, ou les deux ? » par Teresa Almeida Cravo et Maria Raquel Freire.
et « Une politique étrangère slovène modifiée pour l’Union européenne » par l’actuel ministre des affaires étrangères slovène Dimitrij Rupel.
3. Le 3 février 2007 à 11:30, par Ronan Blaise En réponse à : Pour une diplomatie européenne unique
Et juste signaler qu’à Berlin, les pays scandinaves et ’’assimilés’’ (i. e : Islande, Norvège, Danemark, Suède et Finlande) ont - en 1999 - regroupé toutes leurs ambassades et délégations diplomatiques situées à Berlin sur un site commun et unique (Tiergarten) comportant également un ’’Felleshus’’ (i. e : ’’espace commun’’, en danois...) avec restaurant, salles d’expos, bureaux d’informations...
Ce qui a donné lieu à un très beau ’’publi-reportage’’ dans le magazine « Géo » (n°329) de juillet 2006 (pp. 124-133).
Suivre les commentaires : |