Le conflit frontalier opposant Croates et Slovènes
Ce n’est qu’en septembre 2009 que la Croatie et la Slovénie ont réussi à s’accorder sur la délimitation de leur frontière commune tant terrestre que maritime. Une dispute les divisait depuis leur sécession du 25 juin 1991. Les deux points principaux du litige, le golfe du Piran et la Dragonja (rivière), concernaient cependant moins d’1% de la frontière commune. D’après les lois maritimes internationales, la frontière maritime entre la Croatie et la Slovénie devrait former une ligne équidistante entre les deux pays. La Slovénie s’opposait fortement à cette solution proposée par les Croates dans la mesure où la situation géographique particulière de ce golfe l’aurait empêché d’avoir un accès direct aux eaux internationales. Le second point de discorde concernait quatre villages du littoral sud (croate) de la Dragonja - Mlini, Buzini, Skrile et Skudelini – que Ljubljana déclarait en 1993 appartenir à la Slovénie alors même que ces villages se trouvent historiquement rattachés au district croate de Buje.
L’UE, qui s’est toujours senti concernée par cette dispute, considérait un accord pacifique entre les deux parties comme une condition préalable pour faire avancer la candidature croate. Il est intéressant de remarquer que cette question n’a toutefois pas empêché la Slovénie de rejoindre l’UE en 2004. En septembre 2004, la Slovénie retira son soutien à la candidature croate à la suite d’une recrudescence des incidents frontaliers et en décembre 2008 elle bloqua l’ouverture ou la fermeture de 11 des 35 chapitres concernant les négociations d’adhésion de la Croatie à l’UE.
Accord sur la dispute frontalière
L’UE a régulièrement appelé à une résolution pacifique de ce conflit et le gouvernement suédois a réitéré ce désir au début de sa présidence du Conseil de l’UE. Le 11 septembre 2009, le premier ministre croate Jadranka Kosor et son partenaire slovène Borut Pahor trouvèrent un compromis historique : la Croatie confirmait l’absence de valeur légale de toute loi sur la détermination de la frontière commune passée après 1991 tandis que la Slovénie acceptait de lever son véto sur l’adhésion croate. Une convention d’arbitrage a été signée par ces deux parties à Stockholm le 4 novembre 2009.
De nouveau sur le chemin de l’adhésion
L’accord pacifique trouvé sur ce conflit frontalier a permis à la Croatie de reprendre le chemin de l’adhésion. Dans la foulée, la Croatie a demandé la tenue d’une conférence intergouvernementale avec les pays membres de l’UE en vue d’ouvrir les chapitres restants à négocier. Lors de cette conférence intergouvernementale tenue le 2 octobre à Bruxelles, six chapitres ont été ouverts et cinq autres refermés. Le gouvernement croate avait également rappelé plusieurs fois sa volonté de refermer autant de chapitres que possible avant la fin de la présidence suédoise.
Cet accord transfrontalier envoie un signal positif aux Balkans. En effet, il redonne de l’espoir à toute la région à un moment où la désillusion gagne de nombreux Etats balkaniques quant à leur entrée dans l’UE. Il semble également que cet accord représente une grande avancée pour la péninsule balkanique dans la mesure où il montre une (nouvelle) capacité d’entente et de compromis entre ces pays qui a souvent fait défaut. On peut peut-être également s’attendre à de meilleures relations entre la Croatie et la Slovénie voire à l’émergence progressive d’une voie balkanique sur la scène européenne.
Un processus d’adhésion toutefois freiné par la coopération croate avec le TPI
Fin novembre, Hannes Swoboda, rapporteur autrichien du Parlement européen, a mentionné la possibilité pour la Croatie de rejoindre l’UE en 2012. Cependant, la résolution du conflit transfrontalier n’a pas mis fin à tous les problèmes. En effet, les négociations sont ralenties par la question de la coopération croate avec le Tribunal Pénal International (TPI) notamment en ce qui concerne le jugement du général Ante Gotovina et les documents relatifs à l’opération militaire Oluja. Plusieurs pays comme la Grande-Bretagne ou la Hollande ont annoncé leur veto sur certaines parties des négociations aussi longtemps que la Croatie n’aura pas prouvé une collaboration pleine et entière avec le TPI. D’autre part, les critiques émises par le procureur Serge Brammetz ainsi que les mauvaises notes données à la Croatie sur sa coopération avec le TPI ont une influence directe sur l’ouverture ou non des chapitres concernant l’accession à l’UE.
Toutefois, en dépit de la question de la coopération du gouvernement croate avec le TPI et du problème de la corruption, ce pays est clairement sur la voie de l’adhésion. La Croatie est le pays des Balkans occidentaux qui a le plus fait d’efforts en vue de l’adhésion à l’UE.
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