La nécessité de conjuguer cette diversité avec la dynamique de rapprochement et d’unité qui pousse toutes les entreprises humaines a produit la tension créatrice permanente qui anima cette civilisation : entre l’un et le divers, entre l’Individu et la Cité, entre le Particulier et l’Universel.
Cette tension, s’exprimant à l’intérieur des communautés humaines comme entre elles, a fait apparaître des formes d’alliances et d’organisations originales : des fédérations et des confédérations (de foedus : traité d’alliance, d’où ’’foederatio’’ et ’’confoederatio’’). Elles répondaient à des nécessités contingentes mais exprimaient surtout la trilogie classique des valeurs fondatrices de notre civilisation : le respect de la singularité des personnes et des communautés, le sens de la liberté et du bien commun.
1- L’Antiquité grecque et romaine
L’esprit et la pratique du fédéralisme se retrouvent dès l’Antiquité en Grèce et en Italie. La cité grecque « était portée à découvrir le fédéralisme » [1], étant elle-même issue d’une fédération de clans patriarcaux en villages, puis de villages au sein de la polis proprement dite. Par la suite, des ligues de cités puissantes et des alliances de petits Etats grecs purent former des koina (confédérations) ou des « sympolities » (fédérations) : fédérations de Corinthe, éolienne, béotienne, Confédération de Délos... Des cités ou des peuples s’associaient aussi en amphictyonies, « fédérations » religieuses mais non politiques, destinées à l’administration commune d’un sanctuaire, tels ceux d’Apollon à Delphes ou de Déméter près des Thermopyles par les douze plus anciens peuples grecs. Elles étaient dotées d’institutions communautaires, pour la gestion commune mais aussi l’arbitrage ou l’apaisement des contl1ts. Mais elles n’évoluèrent pas en communautés politiques stables en raison de leurs dissensions permanentes.
En Italie existait au IVe siècle avant notre ère une mosaïque enchevêtrée de peuples et de cités non sans analogie avec notre Europe des trois derniers siècles. Or, jusqu’en -338, il exista une sorte de fédération composée de trente peuples, dont les Romains : la Ligue latine. Elle avait des organes communs, une liberté de relations commerciales, un droit de déplacement, un droit de vote, une fête annuelle, une politique commune de fondation de colonies latines. Elle sera dissoute par Rome après la Guerre latine en -338, « latins » et « alliés » devenant des « fédérés » soumis à Rome par des traités bilatéraux, surtout d’assistance militaire. Cette nouvelle « fédération italienne » traduisant la montée de l’imperium romain, sa souveraineté absolue sur les vaincus, la citoyenneté romaine n’étant accordée qu’à titre individuel pour ménager des clients.
Plus tard, avec la fragmentation puis la disparition de l’Empire romain devenu ingérable (en Occident du moins), l’Eglise chrétienne offre un exemple saisissant de structure capable de « fédérer » culturellement l’Occident, avec son unité (relative) de croyance et de culture, de liturgie, d’institutions, de langue et d’écriture, ses clercs cosmopolites, sa vision de la société. Elle était un exemple de structure fédérale avec ses trois niveaux d’organisation tendanciellement autosuffisants en raison des difficultés de communication et de l’isolement des communautés : à la base les paroisses, puis le maillage des diocèses recouvrant les structures de l’Empire romain, enfin l’Eglise universelle (« catholique »), communauté des chrétiens sous l’autorité du Pape et des Conciles. Structure « fédérale » capable d’évoluer selon les circonstances : vers plus d’unité hiérarchisée et centralisée (l’ultramontanisme du XIXe siècle) ou vers une décentralisation plus « confédérale » dans les périodes d’effacement de la papauté, jusqu’aux évêques « autocéphales » ou patriarcats indépendants d’Orient, voire les communautés de base autonomes issues de la Réforme protestante.
Dans l’atomisation qui succéda aux invasions, le droit germanique communautaire et personnel se juxtaposa ou se mêla au droit romain. Fondé sur la liberté d’autonomie et l’association jurée (Genossenschaft), il structura la « décentralisation » féodale par le développement des coutumes locales et le souci d’autonomie politique (des pays du futur Empire gennanique en particulier).
2- La Chrétienté médiévale
La Chrétienté médiévale occidentale (la ’’Respublica christiana’’) eut ainsi d’innombrables résonances fédérales, alors que la chrétienté orientale se figeait dans le centralisme bureaucratique et le ritualisme théocentrique de l’Empire byzantin (théocratie impériale).
a) La Féodalité
La Féodalité a pu être présentée comme une ébauche ou une préfiguration du fédéralisme avec sa pluralité de pouvoirs emboîtés et superposés, son aspiration confuse au principe de subsidiarité, remontant jusqu’à « l’Empereur », seigneur temporel universel quasi mythique, et au Pape suzerain spirituel de la Terre, avec ses liens interpersonnels de fidélité active et ses conflits tempérés par la « Paix de Dieu ». Ce système était cependant fondé sur des rapports de domination du fort au faible, rapports bien éloignés du principe fédéraliste d’association ou de coopération entre égaux. Avec une prédominance du guerrier et de la violence, un morcellement infini entraînant la dissolution de tout Etat et pouvant rapidement basculer dans une sorte de jungle, avec certains « seigneurs brigands » ou rapaces, des conflits incessants, ce qui favorisera les prétentions de grands feudataires ou de princes à l’ imperium qu’ils appelleront « souveraineté » ou puissance souveraine (Jean Bodin). Ainsi le Roi de France se déclarant « empereur en son royaume » .
b) Le Saint-Empire romain germanique
Le Saint-Empire romain « de nation » germanique constitua lui aussi un autre aspect de ces résonances fédérales, mais l’appellation « de nation gennanique » indique le caractère restrictif de cette « renovatio » impériale réalisée par le Roi de Germanie (et d’Italie) Othon 1er en 962. C’était une sorte de confédération princière et urbaine, associant au départ des centaines d’Etats souverains, avec une assemblée, la Diète, élisant un Empereur-Roi dénué du droit de s’immiscer dans les affaires de ceux qui l’avaient élu, trop attachés à leurs autonomies coutumières. Empire suffisamment « libéral » pour avoir duré jusqu’à son abolition par Napoléon 1er en 1806. Il contribua à la configuration de l’Europe par son substrat universaliste, une certaine préfiguration du confédéralisme, une manière de faire vivre ensemble avec libéralité des nationalités quand même diverses et des groupes humains de multiples dimensions.
c) Ligues urbaines et villes hanséatiques
Les « hanses » étaient à l’origine des associations de marchands se regroupant pour défendre leurs intérêts commerciaux. Il arriva qu’une association de villes pouvait être plus efficace. Au milieu du XIIIe siècle, devant l’impuissance du pouvoir impérial et l’anarchie, des ligues urbaines régionales se multiplièrent en Allemagne : Ligue du Rhin, Ligue westphalienne, etc. De son côté, la hanse des villes Allemandes (hanse teutonique) apparut en 1356, organisée par la ville de Lübeck. Confédération (alliance) de 72 cités, de Cologne à Riga (Lettonie) et de Hambourg à Erfurt, comptant Londres et Bruges, entité politique autonome dans le Saint Empire et dont les princes ne reprendront difficilement le contrôle qu’au XVIe siècle. Confédération informe cependant, sans personnalité juridique, dépendant toujours de ses seigneurs, sans sceau ni Conseil régulier commun, sans fonctionnaires ni finances, ni armée commune, se réunissant à divers niveaux, mais seulement en cas de besoin et par consentement mutuel. Lübeck, souvent siège du Conseil (Hansetag), assurait une sorte d’intérim entre les réunions irrégulières.
D’éphémères unions d’Etats existèrent aussi. Ainsi l’Union de Kalmar (1397) réunit sous une royauté commune le Danemark, la Suède et la Norvège dans une sorte de Confédération scandinave jusqu’à la séparation de la Suède en 1523, derrière Gustave Vasa. Ou encore l’union circonstancielle entre le Royaume-Uni et les Pays-Bas, de 1689 à 1702, sous le stathouder et roi d’Angleterre Guillaume III de Nassau.
3- Suisse et Pays-Bas, « Confédérations d’hommes libres »
Deux « Confédérations d’hommes libres » (Bernard Voyenne) se formèrent à trois siècles de distance, bien avant les révolutions anglaises et françaises, avec la volonté de défendre leurs singularités dans un esprit de liberté et en s’unissant pour leur bien commun.
La Confédération des trois premiers Cantons suisses (Uri, Schwytz et Unterwald), qui disposaient déjà du principe d’immédiateté [2] et de franchises (libertés impériales au sein du Saint Empire face aux Comtes de Habsbourg. Mais, craignant pour leurs libertés, ces cantons montagnards habitués à leurs associations forestières et à leurs assemblées locales, signèrent le 1er août 1291 leur célèbre Pacte d’Alliance perpétuelle sans se douter qu’ils fondaient ainsi un Etat nouveau qui deviendrait une référence politique essentielle, particulièrement pour le fédéralisme et l’Europe. Association jurée (Eidgenossenschaft, de Eid, serment) d’égaux se promettant secours mutuel, mais aussi pour régler leurs différends par l’arbitrage et une règle commune, avec contrainte obligatoire contre celui qui refuserait de se soumettre à la décision de tous. Défendant « en commun le droit de rester divers » selon Denis de Rougemont, cantons et villes gardaient leurs gouvernements particuliers, les affaires communes étant seules discutées par des délégués à la Diète confédérale, la Ligue des cantons n’ayant au départ ni sceau, ni drapeau, ni finances communes. Ce n’est que longtemps plus tard que la nouvelle Constitution de 1848, hostile au principe diviseur « des nationalités », se réclamera du système fédéral américain pour plus de cohésion, la Confédération devenant une vraie Fédération chargée « de réaliser le bien commun des Confédérés » .
La République des Provinces-Unies des Pays-Bas naquit du soulèvement de 1565 pour la liberté du culte calviniste et l’autonomie des provinces contre les persécutions du roi catholique Philippe II d’Espagne, sous la conduite du Stathouder Guillaume de Nassau, Prince d’orange, dit « le taciturne ». Les sept provinces calvinistes du nord,déjà séparées des dix provinces catholiques du Sud en 1579 (Union d’Utrecht), décidèrent de s’organiser librement dans une République des Provinces-Unies, reconnue par l’Espagne en 1648 aux Traités de Westphalie. Chaque province envoyait ses délégués aux Etats généraux chargés de la défense, des relations extérieures, des finances et de la religion. Il existait un double exécutif confédéral : le ’’Grand Pensionnaire’’, chargé de l’administration civile et proche de la bourgeoisie commerçante dynamique, attachée à la paix, à la tolérance et aux autonomies provinciales, et le ’’Stathouder général’’ chargé de la défense, membre de la famille d’Orange et dont l’autorité prévalait en temps de guerre. La guerre devenant précisément un cadre permanent pour l’Europe avec les conquêtes de Louis XIV, cette dualité du pouvoir exécutif finira par coûter la vie au remarquable Grand Pensionnaire Jean de Witt, lynché par la populace orangiste en 1672, instaurant ainsi une ’’quasi-monarchie républicaine’’ de la famille d’Orange qui accédera même, quelques temps plus tard, au trône d’Angleterre. la République des Provinces-Unies deviendra un enjeu pour les Anglais, les Français et les puissances germaniques. Ainsi, elle sera satellisée par la France de 1795 à 1814.
4- D’Althusius à Proudhon
De nombreux penseurs ont jalonné la réflexion sur le fédéralisme et sur l’Union de l’Europe, parfois dans le même mouvement [3]
L’allemand Johanes Althusius (1557-1638) fut le premier grand théoricien de la ’’subsidiarité’’ et du fédéralisme. Dans ’’Politica methodice digesta’’ (paru en 1603, 8 éditions successives !) il s’inspire d’Aristote, Justinien, Saint Augustin et Saint Thomas d’Aquin. Il se fait le défenseur d’une société ’’symbiotique’’ fondée sur la liberté d’association et une hiérarchie de communautés autonomes emboîtées. Il distingue des ’’fédérations partielels (confédérations : il cite les cantons suisses et les Provinces-Unies) et des ’’fédérations totales’’ qui ne sauraient exister sans : la volonté de s’unir, l’analogie des façons de vivre et l’harmonie des conditions entre les constituants. Oublié après sa mort, il se situait dans un courant de son époque qui combattait l’absolutisme princier : les « monarchomaques », dont faisaient partie Hubert Languet et Philippe du Plessis-Mornay (proche de l’Amiral de Coligny), auteurs en 1579 de ’’Vindiciae contra Tyrannos’’ où ils esquissent une organisation fédéraliste de la société.
Montesquieu (1689-1755) fut pratiquement le premier penseur de son temps à faire une place aux régimes « fédératifs » dans ’’l’Esprit des Lois’’ ou ’’l’Encyclopédie’’ (article « République fédérative », tome XIV), seuls capables de combiner les avantages propres aux républiques de faible dimension avec l’étendue qui fait la force des grandes monarchies. Encore faut-il proscrire le vote impératif des représentants des Etats fédérés et la règle de l’unanimité ; et donner à la fédération le droit de s’imposer aux membres qui s’écarteraient de la règle adopté en commun.
L’Abbé Mably (’’De la législation ou principe des lois’’, Amsterdam, 1776) tenait aussi la République fédérative pour « le plus haut degré de perfection où la politique puisse s’élever ». Sous la réserve d’un pouvoir central suffisamment fort. Washington et ses amis se souviendront de la recommandation.
Les projets d’Union européenne les plus utopiques furent nombreux dans l’Histoire [4], inspirés par un idéal de paix et d’équilibre en Europe, le sentiment de communauté religieuse et culturelle, et le vieux mythe de l’Empire universel générateur de liberté locale et de prospérité (Dante), mais animés aussi parfois d’ambitions moins avouables (hégémonie d’une puissance). Ils envisagèrent le plus souvent un « Concert des puissances » ou une confédération d’Etats plus ou moins poussée jusqu’au fédéralisme, avec une Assemblée des Etats, un Tribunal d’arbitrage, parfois une monnaie ou une armée commune (souvent contre les Turcs), un intérêt porté à l’espace rhénan et à trois puissances décisives : la France, l’Angleterre et l’Empire gennanique.
On peut citer Pierre Du Bois (1250-1320, au service de Philippe le Bel !), Georges Podiebrad (Roi de Bohème, 1420-1471), Emeric Crucé (1623), le Duc de Sully, ancien ministre d’Henri IV (’’Le grand dessein’’, 1638), le philosophe et pédagogue morave Comenius (1645), l’Abbé de Saint-Pierre et son ’’Projet de Paix perpétuelle’’ (1712), le philosophe Emmanuel Kant (’’Projet de Paix perpétuelle’’ en 1795), le Comte Henri de Saint -Simon (’’De la réorganisation de la société européenne’’..., 1814), et plus tard Pierre-Joseph Proudhon (1868, ’’Du Principe fédératif’’), théoricien éminent du fédéralisme.
5- Les Etats-Unis d’Amérique
L’expérience des Etats-Unis d’Amérique ne saurait être évidemment laissée de côté. Les colons d’Amérique n’étaient encore à cette époque que des Européens d’Amérique, purs produits de la civilisation européenne avec laquelle ils vivaient en symbiose. Ainsi, les Pères fondateurs de la République américaine connaissaient tous les exemples de fédérations de l’histoire européenne depuis les fédérations grecques auxquelles ils se référaient souvent, Saint-Empire, Cantons suisses, Provinces-Unies, et les réflexions de Montesquieu et Mably. Après Locke, bien sûr, car ces pragmatiques étaient préoccupés avant tout par la lutte contre tout arbitraire, au nom de la liberté : « le moins de gouvernement possible » (Jefferson).
Déjà William Penn, fondateur de l’Etat de Pennsylvanie, le « Lycurgue moderne », avait proposé en 1697 la création d’un Congrès confédéral américain. Sans succès mais il laissa des traces : le projet fut repris en 1754 par Benjamin Franklin. En 1692-1694, William Penn avait rédigé un projet de confédération européenne, avec une Diète générale, s’inspirant des idées de Sully et des Provinces-Unies (’’Essai pour la Paix présente et future de l’Europe’’).
L’expérience politique des Etats-Unis est toujours une référence importante pour le fédéralisme. Ses institutions fédérales sont bien connues mais on oublie souvent l’expérience de Confédération impuissante que ce pays a connue dans une première étape, de 1777 à 1787, avec les « Articles de Confédération et d’Union perpétuelle » de 1777. Il reviendra à un groupe énergique de dirigeants « fédéralistes » (Hamilton, Madison, proches de Washington) d’inspirer la Constitution de 1787 dont une caractéristique principale est de permettre à l’Etat fédéral d’exercer directement son autorité sur les citoyens au lieu de le faire par l’intermédiaire des Etats membres, tout en respectant le principe de subsidiarité au profit de ces derniers et l’équilibre des pouvoirs.
La France de 1789 aurait-elle pu expérimenter cette voie ? C’est douteux car elle fut le principal pays où le fédéralisme allait être assimilé à un crime contre l’Etat et même, sous la révolution, à un double crime envers l’Etat et la « volonté générale ».
Il y avait eu pourtant, au début de la Révolution, une certaine aspiration « fédérative » , jusqu’à la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 à Paris. Mais il n’était nullement question d’américaniser la France : l’expérience américaine était mal connue et le principal souci des Constituants, habités par une vision unitaire du pouvoir, devint de barrer la route aussi bien au provincialisme jugé réactionnaire qu’au communalisme effrayant par sa démocratie de proximité.
L’Assemblée Constituante n’établit donc qu’une administration décentralisée par « délégation du Souverain ». Les idées fédéralistes étaient en fait très minoritaires en France et même présentes, au départ, chez les Jacobins ! Très vite, les thèses centralisatrices l’emportèrent et même les Girondins, eux qui voulaient réduire Paris à un « quatre-vingt troisième d’influence », comme chacun des autres départements, n’auront que des aspirations fédéralistes très limitées.
Après la chute des Girondins (mai-juin 1793), les Jacobins et les centralisateurs engageront une lutte àmort contre le « fédéralisme » devenu le crime de « lèse-nation » par excellence : le citoyen français restera longtemps sous la férule de l’Etat centralisateur [5].
1. Le 26 novembre 2007 à 19:53, par Olivier Rabache En réponse à : Les références historiques du fédéralisme
Une petite précision qui apportera sans doute de l’eau au moulin à l’auteur de cet excellent article. Dans la partie consacrée au Saint-Empire, il est justement écrit :
L’expression “de nation germanique” est apparue tardivement (en 1512 si ma mémoire est bonne), lorsque le Saint-Empire (initialement : Imperium Romanorum) s’est trouvé déchu de son rang de puissance universelle héritée de Rome et d’Aix-la-Chapelle. Ce fut le résultat funeste de la longue lutte entre les deux autorités supra-étatiques de l’époque (la papauté et l’empire) et de la lente montée des particularismes princiers (Germanie septentrionale et cités lombardes à l’intérieur, royaume de France à l’extérieur -essentiellement à partir de Philippe IV le Bel).
Cela signifie que l’Empire était tout naturellement considéré, depuis Otton le Grand (Xe siècle) jusqu’aux règnes des derniers Staufen (XIIIe siècle), comme la véritable autorité universelle que tout souverain se devait de respecter. Un saint Louis, dont les intérêts temporels étaient parfois opposés à ceux de l’Empereur, considérait toujours ce dernier avec la déférence due à un suzerain.
Cela me semble être digne d’être souligné à une époque où certains historiens chauvins professent toujours que la souveraineté absolue de la France existe depuis Hugues Capet, voire Clovis, et que l’Europe est une idée généreuse née au milieu du XXe siècle...
2. Le 27 novembre 2007 à 20:09, par Ronan En réponse à : Les références historiques du fédéralisme
Autre interprétation, c’est de faire de l’Empire germanique l’héritier légitime (toujours à vocation universelle...) de l’Empire romain d’autrefois (’’translatio imperii ad germanos’’, i.e : ’’transfert de l’empire - de la dignité et de l’autorité impériale - aux allemands’’). Cette autre interprétation ayant alors eu un certain succès...
Toujours est-il que l’idée impériale a ceci de particulier dans l’imaginaire occidental que l’Empire (forcément à vocation universelle...) est précisément toujours ’’au-dessus’’ des royaumes particuliers, voire nationaux.
Une idée impériale idéalisée qui vient et fait sans doute d’Alexandre le grand le tout premier ’’fédéraliste’’ de l’histoire. Lui qui, en tout cas d’après les sources autorisées, voulait explicitement (idée révolutionnaire pour l’époque...) réconcilier les Grecs et les Barbares : dans le cadre d’une monarchie universelle, un ordre cosmopolitique, sous une même loi, avec une égale dignité, dans la suprématie du droit.
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