Lithium : La sécurité énergétique européenne rechargée

, par Maximilian Rech , Traduit par Olivier Jossinet

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Lithium : La sécurité énergétique européenne rechargée

Deux disputes consécutives russo-ukrainiennes gazières et le sommet de Copenhague à venir ont finalement convaincu les chefs d’État européens à faire de la sécurité énergétique une priorité. Les États membres ont chargé la Commission européenne de proposer une diversification de l’offre ainsi qu’une régulation de la demande. Mais en plus de gérer l’offre et la demande énergétique, l’Union européenne devrait commencer à chercher des solutions alternatives pour le stockage de l’énergie.

Êtes-vous en train de lire cet article depuis l’écran de votre ordinateur portable ? Votre iPod a-t-il assez de batterie pour écouter le dernier album de votre artiste favori ? Avez-vous rechargé les batteries de votre véhicule hybride pour le week-end qui arrive et avez vous téléchargé la dernière carte routière pour votre GPS ?

L’importance du stockage de l’énergie ne cesse de croître avec les européens qui sont de plus en plus entourés d’appareils électroniques. Tous ces outils, très pratiques, ont un point en commun. Ils sont tous alimentés par des batteries au lithium rechargeables. C’est pourquoi le lithium est la ressource qui va garantir le stockage de l’énergie dans une société « High Tech » constamment grandissante.

D’ou provient le lithium des européens ?

Le lithium se trouve soit sous forme de chlorure de lithium dans des déserts de sel et des lacs de saumure, soit comme composant d’un minéral, le spodumène, qui contient du lithium et de l’aluminium. A l’heure actuelle, 75 000 tonnes de carbonate de lithium sont produites chaque années. 20 000 tonnes sont utilisées pour la production des verres et céramiques résistants aux hautes températures. 55 000 tonnes sont produites par évaporation à partir des lacs de saumures puis par purification. Ces 55 000 tonnes sont utilisées pour la production des batteries au lithium [1] .

La production de lithium est concentrée géographiquement. Environ 50% de la production totale provient du Chili et de l’Argentine. D’autres producteurs, comme la Chine, l’Australie, la Russie, les États-Unis et d’autres pays sont des producteurs minoritaires. Ils sont soit des pays industrialisés, soit des économies émergentes qui consomment leur propre production. L’Amérique du sud est donc la seule source de lithium pour l’Europe. En regardant la répartition géographique du lithium disponible dans le monde, la Bolivie en possède plus de 35%. Bien qu’elle ne produise pas encore de lithium, son président, Evo Morales, est bien déterminé à changer les choses. Il envisage des standards durables pour l’exploitation du lithium qui respectent à la fois les intérêts de l’économie bolivienne et à la fois les attentes environnementales de la population autour du Salar de Uyuni.

Le groupement franco-allemand ARTE a indiqué que des licences d’exploitation seront vendues et que le groupe français Bolloré est en concurrence avec les constructeurs automobiles allemands, un consortium d’entreprises japonaises incluant Mitsubishi, et d’autres firmes asiatiques [2] . Les mois à venir sont cruciaux pour le futur de l’environnement bolivien et pour le futur des batteries au lithium en Europe. Cependant, étant donné la rivalité franco-allemande, c’est comme si l’Europe manque une fois de plus de s’unir. Des contrats à long terme avec des garanties d’exploitation durable sont très importants, parce que l’Amérique du sud possède 75% du lithium [3] Cette ressource devient d’une importance cruciale pour une société qui dépend de plus en plus du stockage de l’énergie. Mais malgré le fait que la production devrait augmenter et que la plus grande ressource mondiale en Bolivie reste entière pour le moment, la situation géostratégique peut devenir très dangereuse. Même si les compagnies européennes coopèrent et si la consommation reste stable, l’Europe sera extrêmement dépendante de l’approvisionnement en Lithium d’Amérique du sud.

L’innovation dans le transport

« Les plus grands officiels du transport de 21 grandes nations se sont mis d’accord, le vendredi 16 janvier 2009, pour promouvoir la réduction des émissions de dioxyde de carbone dans le secteur pour lutter contre le réchauffement climatique » rapportait l’agence de presse Reuters. « Le transport fluvial, maritime, aérien et intérieur, qui contribue à hauteur de 20% des émissions de CO2 de l’humanité, sera un point clef du nouveau pacte climatique des Nations Unies. » [4] . Dérangeant, n’est-ce pas, surtout avec la perspective de voir la disponibilité du lithium diminuer rapidement en regardant le trafic européen quotidien et ses bouchons qui n’en finissent plus. Les voitures brûlent le précieux pétrole et nuisent à l’environnement. En étudiant les alternatives au gaz et au pétrole, les voitures électriques apparaissent comme un choix évident. Les constructeurs automobiles européens ont choisi les batteries au lithium comme solution pour le stockage de l’énergie.

Benjamin Beutler, du Forum d’études sur la paix de l’université de Kassel évoque plusieurs avantages des batteries à base de lithium par rapport à celles à base de cadmium : « Elles sont plus légères, plus puissantes, emmagasinent plus d’énergie et se rechargent plus rapidement. Le lithium rend la production en masse des véhicules électrique réaliste. » [5] . Il y a cependant un problème. Une fois la transition de l’industrie automobile du pétrole vers l’électricité effectuée, les réserves de lithium pourraient être épuisées rapidement. Pour approvisionner l’ensemble des 1 milliard de véhicules avec des batteries au lithium, il faudrait 35% des ressources totales disponibles, soit l’ensemble des réserves boliviennes. En considérant de plus le fait que les populations des économies émergentes désireront également posséder une voiture, cette estimation devrait augmenter considérablement. « Des analyses montrent que si le monde entier dépendait du lithium pour ses véhicules, la perspective d’une pénurie serait bien plus sévère que celle annoncée à l’heure actuelle pour le pétrole » précisait William Tahill du Meridian International Research [6] .

Que peuvent faire les européens ?

1. Augmenter le rendement énergétique du transport en investissant dans des réseaux transeuropéens et dans des trains à très haute vitesse pour proposer des alternatives sérieuses au transport aérien. Taxer le kérosène et les autres dérivés du pétrole pour éliminer l’avantage concurrentiel créé artificiellement en faveur du transport aérien et renforcer les transports en commun dans chaque ville pour proposer des alternatives sérieuses à la voiture.

2. Signer des contrats d’exploitation du lithium à long terme aujourd’hui et viser une exploitation en Bolivie durable d’un point de vu économique et environnemental. Unir les industries européennes dans un consortium pour garantir l’approvisionnement en lithium au lieu d’observer une rivalité franco-allemande. Investir dans la recherche et le développement pour rendre les solutions de stockage de l’énergie alternatives viables pour la production en masse de véhicules électriques et économiser les petites batteries au lithium pour l’appareillage électronique portable.

3. Continuer de travailler sur une stratégie à long terme pour la sécurité énergétique européenne ayant pour but de diversifier l’offre énergétique. Afin d’éviter une pénurie, l’accès aux énergies conventionnelles ainsi qu’aux énergies renouvelables doit être assuré et de l’investissement dans des infrastructures énergétiques, que se soient les projets Nabucco ou Desertec , est requis.

Continuer de brûler le pétrole n’est pas une option. Les chefs d’État européens doivent convaincre à la fois les industriels et le grand public d’entreprendre des actions décisives. Cependant, l’Europe doit développer des solutions viables pour le stockage de l’énergie avant que les économies industrialisées ne créent de nouvelles tensions avec d’autres sociétés, pas avec le Moyen-Orient ou l’Afrique, mais pour changer avec les Andes d’Amérique du sud.

Illustration : Batterie d’ordinateur en charge

Source :Flickr

Notes

[1William Tahill, Meridian International Research (2007). The Trouble with Lithium. Retrieved on July 12, 2009 from : http://www.meridian-int-res.com/Projects/Lithium.htm.

[2Sébastien Mesquida et Yann Le Gléau, ARTE (2009). Bolivie : au pays de l’or gris. Retrieved on July 13, 2009 from : http://www.arte.tv/fr/Comprendre-le-monde/arte-reportage/ARTE-Reportage/2721514,CmC=2721516.html

[3Next to Bolivia’s 35% of lithium reserves, Chile accounts for 20%, Argentina for 13% and Brazil for another 6%. Together these countries represent roughly 75% of all available lithium worldwide.

[4Risa Maeda, Thomson Reuters (2009). Transport ministers agree to promote lower CO2 emissions. Retrieved on July 12, 2009 from : http://www.reuters.com/article/GCA-BusinessofGreen/idUSTRE50E3CW20090116

[5Benjamin Beutler, AG Friedensforschung an der Uni Kassel (2009). Rohstoffpoker in der Andenrepublik. Retrieved on July 11, 2009 from : http://www.uni-kassel.de/fb5/frieden/regionen/Bolivien/lithium2.html

[6William Tahill, Meridian International Research (2007). The Trouble with Lithium. Retrieved on July 12, 2009 from : http://www.meridian-int-res.com/Projects/Lithium.htm.

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