Le Taurillon : Le Parlement européen a créé en avril 2012 la Commission CRIM pour proposer des moyens de lutte contre le crime organisé. Quel est son rôle et son pouvoir d’action ?
Véronique Mathieu : La Commission CRIM cherche à mieux appréhender les phénomènes de criminalité organisée, de corruption et de blanchiment d’argent afin d’identifier les législations à favoriser et les actions à entreprendre au niveau européen.
A mon sens nous avons un rôle essentiel à jouer afin d’attirer l’attention du grand public sur la gravité du problème auquel nous sommes confrontés. Nous avons trop souvent tendance à croire que le terrorisme est la principale menace sécuritaire, ou encore que le phénomène mafieux est relégué à la Sicile et aux films de Coppola. Mais non. Nous sommes tous touchés, en France comme ailleurs. La criminalité organisée n’est pas un épiphénomène : elle représente la principale menace européenne. Son impact se chiffre aussi bien en termes de vies, que de milliards d’euros détournés de l’économie légale. Les préjudices causés dans le monde entier s’élèvent à 1,5% du PIB mondial.
Une prise de conscience générale doit s’opérer afin qu’une mobilisation politique conséquente puisse voir le jour.
Le Taurillon : Est-ce la première fois que l’Union et le Parlement européen traitent de ce type de sujet ? Comment l’Union européenne agit-elle contre le crime organisé ?
Véronique Mathieu : Bien heureusement nous n’avons pas attendu 2012 pour agir. Il existe d’ores et déjà une directive-cadre sur la criminalité organisée [1] et une directive anti-blanchiment [2]. La Commission européenne s’est également engagée l’année dernière à publier un rapport annuel sur l’état de la corruption en Europe.
Mais surtout beaucoup a déjà été fait pour faciliter la coopération judiciaire et policière. Les agences européennes Europol et Eurojust permettent de centraliser l’information et de coordonner les forces de police et les magistrats partout en Europe. L’émergence d’équipes communes d’enquête a également été encouragée.
Cependant nous devons agir plus encore : les réseaux criminels ne connaissent pas de frontières et ne nous attendent pas pour coopérer.
Le Taurillon : Selon vous, quels moyens devrait posséder l’UE pour pouvoir agir efficacement contre ce type de criminalité ?
Véronique Mathieu : Tout d’abord nous devrions adopter une approche transversale pour traiter de toutes ces questions. Nous avons tendance à mettre en place des politiques segmentées de lutte contre le trafic de drogue, le trafic d’êtres humains, la contrefaçon, la corruption, le blanchiment alors que tout est trop souvent lié, de par la nature insidieuse de la criminalité.
Nous devons également développer un véritable service européen de renseignement qui soit à même d’identifier et de cibler les menaces en Europe, en utilisant activement l’intelligence d’ores et déjà disponible, et dégager ainsi une vision stratégique globale européenne.
Au même titre nous devrions également mettre en place un procureur européen, à même d’instruire les cas de fraude au budget européen, levier important des organisations criminelles.
Le Taurillon : Ne faudrait-il pas mettre en place une police européenne pour lutter contre les réseaux transfrontaliers ?
Véronique Mathieu : Une force de police européenne n’est pas une priorité absolue. Le droit pénal des différents Etats membres divergent trop encore pour que cela puisse être concevable. Il faudrait plutôt selon moi renforcer la coopération policière et la systématiser.
Et pour cela beaucoup reste à faire. Nous devons participer à l’émergence d’une conscience policière européenne afin que les forces de police nationales réalisent l’importance de coopérer au niveau européen. Nous devons également simplifier les modes de coopération, standardiser l’information pour faciliter son échange, mais également aider les policiers à surmonter les obstacles linguistiques et culturels qui se posent lors de coopérations transeuropéennes.
Le collège européen de police (CEPOL) peut jouer un rôle clé à cet égard. C’est un sujet sur lequel je m’engage tout particulièrement au sein de la Commission LIBE, dans laquelle je viens d’être nommée rapporteur pour la réforme du CEPOL.
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