Obama ou McCain, le prochain président peut-il être isolationniste ?

Isolationnisme ou unilatéralisme, quelle est la vraie menace pour les relations transatlantiques ?

, par Laurent Nicolas

Obama ou McCain, le prochain président peut-il être isolationniste ?

Depuis 1941 et l’attaque de Pearl Harbour qui les a précipités dans la deuxième guerre mondiale, les Etats-Unis ont définitivement rompu avec la doctrine isolationniste qui guidait leur politique étrangère depuis la présidence de Woodrow Wilson.

À l’inverse, les soixante dernières années ont vu les Etats-Unis, avec à leur tête indifféremment démocrates ou républicains, s’engager politiquement ou militairement là où ils le jugeaient nécessaire, sans rencontrer d’autre opposition que celle, en son temps, de l’URSS.

Ce demi-siècle d’interventionnisme a ancré partout dans le monde des positions américaines qui ne peuvent être abandonnées du jour au lendemain. La sécurisation des approvisionnements énergétiques, le développement et l’institutionnalisation via l’OTAN d’une couverture militaire stratégique ou le rayonnement culturel de CNN à MacDonalds, sont autant d’éléments structurant de l’hyperpuissance américaine. Le prochain président, quel qu’il soit, ne pourrait pas, même s’il le souhaitait, avoir une attitude isolationniste. La défense de ces intérêts apparaît au contraire comme le pilier de la politique étrangère de Washington, et ni Obama ni McCain ne saurait le remettre en cause.

Le risque de l’unilatéralisme

Les Européens doivent donc compter, quoi qu’il arrive mardi 4 novembre 2008, avec une Amérique intéressée par les affaires du monde. Dans l’état où se trouve l’Europe politique aujourd’hui, le véritable challenge sera, pour commencer, de forcer les Etats-Unis à compter avec l’Union européenne. Car le véritable risque n’est pas celui de l’isolationnisme, celui-là l’histoire semble l’avoir écarté pour longtemps, mais bien celui de l’unilatéralisme.

Comme le rappelait Pascal Boniface, cet isolationnisme américain « les conduit à s’écarter de plus en plus des règles de droit définies multilatéralement, à nourrir une désaffection certaine pour les institutions internationales, à privilégier des pratiques unilatérales et coercitives, à considérer les règles internationales comme des contraintes injustifiées pesant sur la liberté de décision des Etats-Unis. » [1]. Cette attitude est la cause principale du froid, devenu glacial au moment de la deuxième guerre en Irak, entre les deux rives de l’Atlantique et entre les Etats européens eux-mêmes. Car dans leur unilatéralisme, les Etats-Unis ont cherché, et ont trouvé, des soutiens auprès de certains pays membres de l’Union européenne, semant une fois de plus la discorde entre les 27.

Faire accepter aux Etats-Unis de jouer le jeu des Nations-Unies est aussi un moyen de dissuader ce genre de pratiques, qui entravent les efforts de consensus entre dirigeants européens, et l’expression d’une position commune via les institutions communautaires.

Mais comment y parvenir sans politique étrangère commune, sans ministre et service diplomatique pour la porter ? Avec quelles ressources l’Europe peut-elle peser au point d’influencer les Etats-Unis ?

Définir les enjeux de la diplomatie européenne

Si le poste de ministre n’existe pas, la diplomatie communautaire est déjà au travail au Moyen-Orient, en Russie ou à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), partout où les intérêts et la sécurité des Etats de l’Union européenne sont en jeu. Or c’est en étant capable de défendre ces intérêts communs que l’Europe fait preuve de crédibilité et s’affirme comme un interlocuteur incontournable pour les Etats-Unis. La défense de l’exception culturelle dans les négociations commerciales multilatérales en est une bonne illustration.

Lorsque l’Europe arrive à parler d’une seule voix, elle donne du sens à son action diplomatique, certes naissante, mais déjà en mouvement. Pourtant les barrières à l’affirmation de l’Europe comme un acteur à part entière de la communauté internationale sont nombreuses, car inextricablement liées à l’absence de projet politique fédérateur.

L’unilatéralisme des Etats-Unis tient aussi à l’incapacité des Européens à tenir leur rang. S’en plaindre et vouloir y mettre fin impose aux Etats membres de l’Union qu’ils se donnent les moyens d’une politique étrangère commune articulée autour d’enjeux qu’ils ne peuvent plus porter seuls. C’est le cas pour la lutte contre les changements climatiques, la sécurisation des approvisionnements énergétiques ou la constitution d’une Europe de la défense. Définir ces enjeux ne signifie pas transférer l’intégralité des compétences nationales en matière de politique étrangère à l’Union, mais au contraire mieux réaliser les objectifs nécessaires à la stabilité et au développement de chacun par l’action coordonnée de tous.

L’Europe a vocation à pousser au multilatéralisme, c’est-à-dire à la recherche de l’intérêt général, au respect des organisations et du droit international. Mais elle ne pourra pas contraindre les Etats-Unis, pas plus que la Chine ou la Russie, à suivre cette voie tant que son action diplomatique n’aura pas de légitimité politique.

Illustration :

 réunion de préparation au G8, le 08/07/2008. De gauche à droite : Silvio Berlusconi, Dmitri Medvedev, George W. Bush, Nicolas Sarkozy, Angela Merkel, Gordon Brown, José Manuel Barroso.

 source : service audiovisuel de la Commission européenne

Notes

[1voir l’article sur le site de l’IRIS.

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