Parti socialiste : quelle place pour l’Europe au Congrès de Toulouse ?

, par Charles Nonne

Parti socialiste : quelle place pour l'Europe au Congrès de Toulouse ?
François Hollande - campagne des Européennes 2009

Le Congrès de Toulouse garantit au Parti socialiste le rassemblement de la gauche social-démocrate tout en permettant l’organisation d’un débat interne au parti. Ce débat voit notamment une confrontation entre différentes visions pour l’Europe au sein de la gauche modérée.

Le 12 octobre dernier, les militants socialistes ont choisi les motions qu’ils souhaitaient voir représentées lors du Congrès de Toulouse. Le Congrès se tient du 26 au 28 octobre et a pour but essentiel de désigner le futur Premier secrétaire du Parti, dans un esprit de rassemblement et de soutien du gouvernement.

La victoire de la motion de Harlem Désir, présentée et soutenue par Jean-Marc Ayrault et Martine Aubry, ne faisait aucun doute ; le vote a cependant permis un débat nourri sur les différentes visions du socialisme au sein du Parti : force est de constater que l’Europe n’a pas occupé une place de choix au sein des débats.

Une relative homogénéité des diagnostics sur la situation européenne

Cinq motions étaient présentées au vote des militants ; du score obtenu au vote par chaque motion dépend sa représentativité au Congrès, ainsi que sa possibilité ou non de présenter un candidat au poste de Premier secrétaire du Parti socialiste. Sans modifier en profondeur la ligne politique et l’action du parti, le vote des motions a du moins permis un débat d’idées interne au parti.

Sur le plan des questions européennes, chaque motion mesurait avec la même inquiétude la situation européenne, périlleuse sur le plan social et économique, en soulignant la trop faible politisation des institutions et des débats sur un plan supranational. Quant à l’ambition que devrait se donner le Parti pour relancer l’intégration et la construction européenne, quatre des cinq motions convergent pour ne proposer qu’une relance a minima du débat européen. Ainsi, bien qu’insistant sur la nécessité de relancer une Europe protectrice et solidaire, aucune proposition concrète n’est faite sur la réforme des institutions politiques européennes.

Une victoire de la motion de consensus

La motion n°1 d’Harlem Désir ("mobiliser les Français pour réussir le changement« ) constitue une habile synthèse entre un volontarisme sur le plan européen et le souhait de maintenir à l’échelon national l’essentiel des compétences en matière économique et sociale. Malgré la nécessité de relancer l’Europe de la croissance, la motion ne fait référence qu’à une timide »coordination avec nos partenaires de l’Union européenne".

Le renforcement de l’Europe y est évoqué en des termes très généraux. La motion exprime essentiellement la nécessité de créer une Europe de la croissance, soutenue par l’actuel Président de la République, sans réelle ambition sur le plan politique. Le besoin d’une volonté politique est exprimé à plusieurs reprises dans le texte de la motion, mais le choix entre intergouvernementalisme (Europe des Etats) et fédéralisme (Europe des citoyens) n’est nullement explicité.

Plusieurs motions à l’ambition européenne limitée

La principale motion concurrente, la motion n°3 "Maintenant la gauche« , est dirigée par Emmanuel Maurel et reflète les idéaux de l’aile gauche du Parti. Elle préconise un refus résolu de la »politique d’austérité" par une renégociation du traité ainsi que par une véritable politique de redistribution des richesses, y-compris à l’échelon européen : la motion préconise ainsi un rapprochement des politiques sociales, fiscales et économiques, sur un principe de coopération européenne. Cette formule révèle une réelle contradiction entre la volonté d’une Europe socialisée et l’utilisation de la simple coopération entre Etats pour y arriver alors que seule une Europe réellement politique pourrait le faire.

Deux autres motions, la motion n°2 ("Question de principes« ) et la motion n°5 ( »Toulouse, mon congrès"), incluent des développements sur l’Europe, mais principalement à travers des réflexions sur l’action du Parti socialiste. Est ainsi saluée la candidature unique du Parti socialiste européen à la présidence de la Commission européenne, ainsi qu’un mouvement de rapprochement entre les différents partis socialistes d’Europe.

L’ambition fédéraliste de la motion de Stéphane Hessel

Au demeurant, malgré l’accent donné sur la nécessité de relancer la croissance européenne, aucune de ces quatre motions ne propose un véritable projet européen : les politiques européennes ne constituent que l’un des volets d’un projet plus global, national pour l’essentiel. De ce point de vue, la motion n°4 présentée par Stéphane Hessel (« Oser. Plus loin, plus vite. ») accorde une importance primordiale à l’Europe et à la constitution d’une nouvelle démocratie européenne.

En effet, un pan entier de la motion de Stéphane Hessel est consacré à la construction d’une Europe sociale et démocratique, basé sur un constat résolu : « il existe une soif d’Europe mais avec un projet européen clair et fédérateur ». Au contraire des autres motions présentées au Congrès, Stéphane Hessel et les autres signataires font de la construction d’une Europe fédérale une nécessité, et détaillent en profondeur les fondements de ce que serait une future démocratie européenne. Sont ainsi proposées des mesures visant à intégrer davantage les politiques économiques et à doter l’Union de ressources propres, avec notamment l’instauration d’un impôt européen sur les dividendes.

La motion n°4 préconise ensuite un véritable tournant politique en Europe, à travers l’adoption d’un système parlementaire qui ferait de l’Europe un Etat fédéral. Elle donne ensuite des pistes en faveur d’une possible répartition des compétences entre Europe fédérale, gouvernements nationaux et régions : « il est temps de réagir et de faire naître une Europe politique, disposant d’une vraie diplomatie et d’une vraie armée. Oui, il y a urgence à faire naître une Europe puissante, capable de tirer richesse de sa diversité ».

L’ambigüité du Parti socialiste sur la question européenne perdure

Les résultats des votes, prévisibles, donnèrent 68,1% des voix à la motion d’Harlem Désir, suivie par la motion d’Emmanuel Maurel avec 13,4% des voix. La victoire d’Harlem Désir est largement justifiée par la nécessité pour le Parti d’éviter toute dissension délétère qui pourrait nuire à l’autorité du gouvernement et du Président de la République.

Plus surprenant fut le score de la motion de Stéphane Hessel, obtenant 11,9% des voix. Le score relativement faible de la motion de l’aile gauche par rapport aux prévisions s’explique : ce courant traditionnel au Parti socialiste a perdu une partie de ses militants, ayant suivi Jean-Luc Mélenchon et le Parti de Gauche. De plus, une partie du courant de Benoît Hamon a suivi la motion de soutien au gouvernement. Au contraire, la « montée en puissance » de la motion de Stéphane Hessel témoigne d’un nouvel intérêt des militants pour des solutions écartant tout statu quo, progressistes et réformatrices, au plan national mais surtout européen.

Il est certain que la politique européenne du Parti socialiste n’a pas été ni un enjeu clivant du débat, ni un motif déterminant de choix des motions. Le vote en faveur de la motion d’Harlem Désir aura avant tout été un vote de confirmation de la nomination de M. Désir comme futur Premier secrétaire du Parti, et l’affirmation d’une volonté de rassemblement à gauche. L’actuel eurodéputé d’Île-de-France sera donc probablement toujours candidat aux élections européennes de 2014.

Néanmoins, le contenu de chaque motion révèle les rapports incertains que le Parti socialiste entretient avec l’Europe, notamment en raison des divisions que connaît le parti depuis 2005, année du vote sur la Constitution européenne. Mis à part la motion de Stéphane Hessel, aucune des quatre autres candidatures ne parvient à s’écarter d’une approche prudente et peu ambitieuse de la construction européenne.

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