Petite histoire de l’euro

Joyeux anniversaire !!

, par Jonathan Leveugle

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Petite histoire de l'euro

Le premier janvier 2002, 304 millions d’européens changent de monnaie, 14 milliards de billets sont imprimés représentant 633 milliards d’euros, 52 milliards de pièces sont frappées pour un poids de 250.000 tonnes de métal. C’est le changement le plus important et le mieux orchestré que l’Union européenne ait connu. L’Union fait une entrée fracassante dans le XXIème siècle. Mais l’histoire reste encore à écrire et la politique monétaire à construire.

La stabilité monétaire est une prérogative à la croissance et à des échanges commerciaux efficaces. Avec la fin du système de Bretton Woods en 1973 et l’adoption des changes flottants, les Etats Européens cherchent à retrouver une stabilité monétaire mise à mal par des variations de change trop importants.

Pourquoi l’euro ?

En 1979, se met officiellement en place le Système Monétaire Européen qui limite les variations des taux de change entre les monnaies européennes. Un pays ne pouvait laisser sa monnaie se dévaluer ou s’apprécier de manière trop importante par rapport à celles de ses voisins. Pour cela les états européens créent une unité de compte, l’European Currency Unit (ECU), qui est composée des différentes monnaies de l’UE, dont la livre sterling.

Les monnaies européennes devront s’arrimer à l’ECU qui représente la « stabilité monétaire européenne » et ne pas décrocher de ses taux (+/- 2.25%). Ces mesures ont pour but d’éviter qu’un pays voit sa monnaie perdre de sa valeur par rapport aux autres, et déstabilise ainsi l’espace européen, interdépendant économiquement.

Durant les années 80 et surtout en 1992-93, les monnaies européennes sont victimes d’attaques spéculatives qui déstabilisent l’ensemble du système. Les marchés financiers veulent tester la solidité de ces accords sur les marges de fluctuation et poussent les monnaies à en sortir. La peseta et la livre sterling ne pourront résister à ces pressions et sortiront à la fin de l’année 1992. Le franc est attaqué début 1993, face à cela les Etats européens décident d’augmenter les marges de fluctuation jusque 15%, ce qui se traduit par la fin du SME.

Face à l’échec du contrôle des parités, l’idée d’une monnaie commune mettant totalement fin à ces instabilités monétaires se renforce. La mise en place de l’euro résulte d’une volonté de créer définitivement une zone monétaire stable en Europe pour favoriser les économies nationales. C’est ainsi qu’en 1999, l’euro est créé.

L’euro aujourd’hui, c’est 17 pays et plus de 331 millions d’habitants.

Avec environ 27% des réserves des Etats, l’euro est la deuxième monnaie de réserve au monde loin derrière le dollar (61%) mais loin devant la livre sterling (4.2%). Plus les Etats libellent leurs réserves en euros, plus la stabilité de cette monnaie se renforce. En effet, ils n’ont pas intérêt à voir celui-ci se déprécier trop rapidement, sous peine de voir la valeur de leurs réserves baisser mécaniquement.

On a pu le voir en 2010, lors de la crise financière avec le dollar. La FED a inondé les marchés de dollar, pensant faire baisser la valeur de sa monnaie. Mais la confiance dans l’économie américaine et l’importance du dollar pour l’ensemble des économies est telle que les pays en ont acheté massivement.

En devenant une monnaie internationale, vous diminuez les risques de change. En effet, si tout le monde achète et vend dans votre monnaie, ce qui se fait avec le dollar dans certaines régions du globe, vous n’avez plus à vous soucier de la valeur de votre monnaie puisqu’elle devient unité d’échanges internationale.

On peut donc se féliciter du statut grandissant de l’euro qui reflète le poids économique de l’Europe. Les pays d’Afrique de l’Ouest s’arriment à l’euro pour stabiliser leurs économies. En développant nos échanges avec d’autres régions du monde, les monnaies étrangères s’accrocheront aussi à l’euro ce qui facilitera les échanges avec le reste de la planète.

Et l’histoire continue…

La monnaie est là mais la politique monétaire vient à manquer. Les Etats veulent le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière. Pour une zone économique stable et profitable à tous, les pays doivent accepter de perdre de leur souveraineté en matière de budget. Loin de les défavoriser, chacun y verra de grands avantages.

Les crises grecques et irlandaises sont le fruit de ce manque de coopération. Les marchés ont parié sur l’incapacité de l’Union à venir en aide à ses membres en difficulté. Bien qu’elle ait tardé à réagir, les Etats européens se sont ressaisis et ont décidé de montrer au monde qu’ils étaient unis en créant un fond commun.

Les sommets de chefs d’Etat et de gouvernement se sont succédés pour qu’une telle crise ne puisse plus se reproduire. Les chefs d’Etat les plus réticents à venir en aide à la Grèce il y a un an, sont maintenant les premiers à désirer l’uniformisation des politiques budgétaires et fiscales de la zone euro. Angela Merkel a opéré un virage à 180 degrés qui témoigne de la nécessité d’arriver à ces mécanismes de coopération. Le nationalisme n’aboutit à rien d’autre qu’aux catastrophes grecque et irlandaise.

La Commission avait demandé dès 2005 le contrôle des comptes grecs en voyant des irrégularités. Mais elle s’était heurtée au Conseil qui ne voulait pas que l’institution communautaire puisse atteindre à sa souveraineté en regardant ses comptes. C’est ce repli sur soi qui a conduit à répondre en catastrophe à la crise grecque alors qu’une plus grande intégration nous aurait permis d’éviter de dépenser les milliards que les Marine le Pen et Nicolas Dupont Aignan n’arrêtent pas de dénoncer.

L’histoire de l’euro ne se limite donc pas à une simple addition de pays entrant dans la zone euro. Ce n’est pas une succession de dates où chaque année l’on saluerait l’entrée d’un nouveau pays. L’histoire de l’euro n’est autre que celle de l’intégration de nos économies déjà interdépendantes. C’est notre capacité à abandonner nos vieux démons nationalistes pour se rendre compte qu’il est dans l’intérêt de chacun de coordonner nos politiques économiques.

Parce que nous sommes un continent uni et solidaire, parce que nous sommes interdépendants et que les difficultés de l’un affectent l’ensemble du continent, nous devons renforcer nos mécanismes d’intégration.

L’histoire de l’euro n’est pas la fable des européistes ou la tragédie des nationalistes mais le récit passé, présent et futur de notre quotidien.

Crédits photos : « money » par MarcelGermain, certains droits réservés / « euro » par aranjuez1404, certains droits réservés / « € » par Harry Lime, certains droits réservés.

Article paru pour la première fois en février 2011

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Vos commentaires
  • Le 11 janvier 2012 à 16:34, par Xavier En réponse à : Petite histoire de l’euro

    Très intéressant.

  • Le 11 janvier 2012 à 22:17, par Magali En réponse à : Petite histoire de l’euro

    Bonjour, Quand vous écrivez que « les pays doivent accepter de perdre leur souveraineté », qu’entendez-vous par là, concrètement parlant ? Comment doit s’effectuer ce transfert de souveraineté ? Merci d’avance pour vos réponses. Magali (blog ContreLaCour)

  • Le 12 janvier 2012 à 10:33, par Jonathan Leveugle En réponse à : Petite histoire de l’euro

    Bonjour Magali,

    Merci pour ta question à laquelle je vais essayer de répondre.

    Pour mener une politique économique claire et efficace il faut conjuguer la politique monétaire et la politique budgétaire.

    Nous avons aujourd’hui 17 pays qui sont très intégrés en matière de politique monétaire grâce à la création de l’euro. La BCE est indépendante est la politique monétaire n’est plus l’affaire des États.

    Cependant, nous n’avons pas de politique budgétaire communautaire, pendant nécessaire d’une politique monétaire. Le budget de l’UE représentant à peine plus d’1% du PIB de l’UE, il ne peut mener aucune politique de relance économique. Il est donc impératif de donner à l’UE, ou au moins à la zone euro, les moyens d’une politique budgétaire efficace. Il faut donc prélever des taxes européennes, donner à l’Union des prérogatives législatives lui donnant la possibilité de décider d’une politique d’investissements à l’échelle de l’UE(infrastructures, énergie...) C’est ce que j’entends par transfert de souveraineté car actuellement les États sont les seuls gardiens de cette compétence. Leur but est le même que celui que je décris : créer une politique budgétaire européenne. Mais ne voulant pas lâcher leurs petites prérogatives, ils ont adopté une autre démarche : la coordination budgétaire, la règle d’or... Or nous l’avons vu avec la stratégie de Lisbonne, la coordination ne fonctionne pas. Il faut, pour relancer l’économie, de grands projets ne pouvant être menés qu’à l’échelle du continent.

    J’espère avoir été clair et avoir répondu à ta question. Si ce n’est pas le cas, ou que tu n’es pas d’accord, n’hésite pas à me le signifier.

    Cordialement,

    Jonathan

  • Le 16 janvier 2012 à 20:18, par Magali En réponse à : Petite histoire de l’euro

    Merci beaucoup Jonathan pour cette réponse qui ouvre un débat passionnant !

    Je vais te répondre point par point afin de t’exposer mon avis :

    1/ Sur la nécessité d’intégrer désormais la politique budgétaire

    Je suis d’accord avec toi, cette intégration est le gage d’une « politique économique claire et efficace », quoique... Cela serait totalement vrai si nous partions du principe que la zone euro constitue une zone monétaire parfaitement intégrée. C’est loin d’être le cas car l’euro, monnaie forte, est loin de correspondre au besoin de nombreuses économies nationales - dont la France.

    Cette intégration monétaire en construction nécessite désormais d’accélérer l’harmonisation économique. Bref, la politique budgétaire au niveau européen semble être le préalable, jusqu’ici négligé, d’une politique monétaire qui tient ses promesses (croissance, emploi). Cela n’était pas, semble-t-il, l’opinion des dirigeants, qui ont forcé le passage à la monnaie commune à des économies largement disparates et fait de la BCE un organe totalement isolé des préoccupations économiques.

    Cette incohérence est toujours de mise car aujourd’hui, les dirigeants européens forcent l’harmonisation budgétaire sans remettre en question la rôle de la BCE. De plus, nous nous retrouvons à appliquer les mêmes critères budgétaires à des économies aux besoins différents (à l’instar de leur capacité à faire avec une monnaie forte, certaines peuvent supporter l’austérité, d’autres ont besoin de croissance). Dans tous les cas, une telle harmonisation passe par une mise en place d’un gouvernement économique officieux de la zone euro, alors même que les institutions ne sont pas démocratiquement adaptées à ce changement et que les peuples n’ont pas été consultés.

    Pour toutes ces raisons, je te rejoins donc, « la coordination ne fonctionne pas », parce qu’il ne s’agit pas d’une « coordination » prenant en compte les intérêts de chaque Nation (une monnaie unique ne permet pas cela), mais une « harmonisation » à marche forcée.

    Pour plus d’infos sur la réforme de la gouvernance économique et son volet « anti-démocratique », j’ai écrit une série d’articles sur le sujet : http://contrelacour.over-blog.fr/article-six-pack-une-synthese-de-la-reforme-de-la-gouvernance-economique-91241940.html

    2/ Sur la politique d’investissement à l’échelle du continent

    Dois-je comprendre par ta réponse que tu réduis le transfert de souveraineté à ce seul point ? Ce n’est pas ce que j’avais déduis de ton article.

    De mon coté, j’estime que mener de grands investissements à l’échelle européenne ne nécessite ni un marché commun, ni même une monnaie commune, encore moins un gouvernement économique. De grands projets ont vu le jours sans ces instruments grâce à l’unique volonté des Etats Nations (par exemple « Airbus »).

    Dans le cadre communautaire, cette logique d’investissement est déjà largement valorisée via la BEI.

    Ce ne sont pas non plus ces grands projets qui permettront de sortir des grandes difficultés causées par l’euro.

    3/ Pour en revenir à ton article

     L’Euro a beau être une monnaie forte, elle n’est pas, économiquement parlant, gage de succès. Son haut niveau met à mal la compétitivité de nombreux pays.
     L’Euro a beau être une monnaie forte, elle n’a pas réussi à supplanter le dollar comme monnaie internationale.
     Pour les raisons évoquées ci-dessous la coordination ne peut que défavoriser les Etats en difficulté car elle est synonyme d’austérité et d’atteinte à la démocratie.
     Les milliards dénoncés par Marine Le Pen ne sont pas des milliards « dépensés » (à moins que tu ne fasses référence aux milliards acquis par les banques privées au titre des interets de la dette des Etats !). En effet, ces milliards sont uniquement des montants garantis par les Etats en cas d’insolvabilité de le Grèce, de l’Irlande, du Portugal (voir : http://www.theorie-du-tout.fr/2011/12/video-conference-sur-le-fesf-et-le-mes.html)
     Je considère que l’euro, par son échec, est responsable du réveil des vieux démons nationalistes. L’interdépendance des économies n’a pas forcément besoin d’une monnaie commune.

    Il en va ainsi de l’histoire de l’Union européenne : construite au gré des crises, elle est pour certains le remède tandis que d’autres condamnent d’être, à chaque fois, mis au pied du mur et forcés d’accepter la seule solution proposée par une institution qui a causé le problème...

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