Plus jamais de tels conseils européens !

, par Stéphane du Boispéan

Plus jamais de tels conseils européens !

Après des semaines de négociations, les chefs d’Etat et de gouvernement ont fini par capituler devant les exigences du président tchèque Vaklav Klaus. Cet opt-out (la charte des droits fondamentaux ne s’appliquera pas à la République Tchèque) changera assez peu dans le futur, mais il est le symbole de l’échec de l’Europe diplomatique et intergouvernementale.

La fin du processus constituant ?

Lorsque comme prévu, le Traité de Lisbonne entrera en vigueur au premier décembre, cela pourrait être vu comme la fin du processus constituant initié en 2001. Il s’agissait à l’époque de rendre l’UE plus proche de ses citoyens, plus démocratique et plus efficace. Nous connaissons tous la suite. Dans une perspective fédéraliste, le bilan est plus que maigre : d’une constitution nous en sommes arrivé à un traité comme les autres, les symboles (drapeau, hymne etc...) ont été retirés, et nous avons un traité modificatif comme les précédents. Les compromis et changements en cours de route peuvent apparaître comme nécessaires pour poursuivre l’intégration, et il faut reconnaître que l’UE ne se construira pas en un jour. Même si le Traité de Lisbonne est meilleur que le Traité de Nice (et c’est pour cela que les fédéralistes l’ont finalement soutenu), il ne doit pas être considéré en soi comme un bon traité, duquel on puisse être satisfait. Non, le processus constituant n’est pas terminé, il n’a pas encore débuté !

Opt-out, protocoles et garanties en tout genre...

La charte des droits fondamentaux devaient donner à l’UE une base juridique, comme toutes les entités démocratiques. On se retrouve à la fin avec des exceptions pour trois Etats. Ceci était certainement nécessaire, pour arracher des compromis. „On ne pouvait pas faire autrement“ est un argument souvent répété, et dans les faits, malheureusement vrai. Dans la situation actuelle, les traités ne peuvent pas être faits autrement. On négocie des textes additionnels à tout va pour que chacun soit satisfait. L’apothéose aura été atteinte le 29 et 30 octobre avec celui pour la République Tchèque. Après des négociations menées comme d’habitude par les diplomates des pays membres, le veto tchèque a fini par être levé. Ceci montre avant tout que les choses doivent changer. Il faut en terminer avec la diplomatie comme moyen de faire l’Europe. Les Traités ne doivent plus à l’avenir être faits par les gouvernements nationaux. C’est le seul moyen d’empêcher que les égoïsmes nationalistes comme celui incarné par Klaus ou Blair en 2007 s’expriment et continuent à bloquer l’intégration. Ainsi nous aurons résolu de lui-même le problème des opt-out.

Il faut en terminer avec la diplomatie comme moyen de faire l’Europe.

A quoi doit ressembler la prochaine réforme de l’UE ?

Avec le Traité de Lisbonne, l’UE était censé être plus efficace. Dans les faits, elle est vraiment plus directement démocratique et la vie politique va être mieux organisée. Avec la création du service diplomatique européen l’UE a pour la première fois la possibilité de s’affirmer sur la scène internationale de façon autonome. Ceci n’enlève rien au fait que des réformes importantes sont à mener rapidement. Mais par dessus tout, le processus devra cette fois ci être directement légitimé, et non pas via les gouvernements nationaux. Ces derniers ont définitivement montré le 29 octobre dernier qu’ils sont incapables d’avoir une vision européenne et de défendre la poursuite de l’intégration.

L’UE ne doit pas être une mini-ONU. Elle ne doit pas être un simple espace de coopération internationale. Le Parlement Européen doit être au-dessus des autres institutions, et obtenir à lui seul le pouvoir constituant, même si une telle évolution prendra bien évidemment du temps. Le prochain traité doit être exclusivement négocié au sein du Parlement Européen, et ratifié par un seul référendum, à l’échelle de l’Europe. Tout autre façon de faire ratifier un traité peut apparaître comme légitime -il ne s’agit pas ici de remettre en cause la légitimité démocratique des parlements nationaux- mais elle crée frustration et scepticisme vis-à-vis de la construction européenne.

Que reste-t-il encore à faire ?

La parlementarisation de l’UE doit continuer. Des progrès sont visibles dans le Traité de Lisbonne, mais ils sont nettement insuffisants. Cela va dans la bonne direction, mais en aucun cas assez loin. Dans les prochaines années, le Parlement Européen doit obtenir l’initiative législative, comme tout autre parlement. Les seuils nécessaires pour former une majorité ou renverser la Commission doivent être abaissés, de façon à ce que des coalitions plus homogènes puissent se constituer, avec de politiser la vie quotidienne de l’UE. La PESC et le haut représentant doivent également être soumis au Parlement Européen, pour que les citoyens puissent directement -et non comme aujourd’hui via leurs gouvernements nationaux- avoir le dernier mot. Ces objectifs concrets sont nécessaires pour réformer l’Union Européenne et la faire évoluer vers plus de fédéralisme.

Comme le journaliste français Jean Quatremer le rappelait [1], on peut tout à fait se demander si l’opt-out accordé à la République Tchèque est légitime. Ce dernier ne pourra être mis en œuvre que lors de l’adhésion de la Croatie, l’an prochain, lorsque les Traités devront être remodifiés. On peut tout à fait imaginer que lors de la ratification du Traité d’adhésion de la Croatie, un parlement national ait le courage de punir Klaus pour son nationalisme et de refuser cet opt-out. Mais la leçon la plus importante de ce Conseil Européen du 29 octobre est que le Conseil en tant qu’organe politique doit être désarmé, afin que l’UE puisse devenir plus politique, plus directement démocratique, et surtout, moins diplomatique.

Illustration : Vaklav Klaus, président tchèque (source : Wikipedia)

Vos commentaires
  • Le 6 novembre 2009 à 09:31, par Jacques Chauvin En réponse à : Plus jamais de tels conseils européens !

    L’UE ne doit pas être une mini-ONU… C’est ce dont semblent prêts à s’accommoder tous ceux qui vont clamant : « Finies les querelles institutionnelles… Faisons face maintenant aux vrais problèmes ! »

    Parfait ! Encourageons-les et accompagnons-les dans leurs efforts pour résoudre les problèmes de tous ordres que l’UE se doit de résoudre. Et montrons-leur, quand ils seront impuissants au milieu de leurs piétinements onusiens, que seules des institutions fédérales peuvent permettre d’en sortir. Nous ne sommes pas au bout de nos peines...

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