Politiques mondiales et Pétropolitiques (II)

Partie 2 : le leadership de la Pétropolitique

, par Dumitru Drumea, Fernando A. Iglesias

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Politiques mondiales et Pétropolitiques (II)

Combien de milliards d’euros les compagnies pétrolières ont-elles dépensées pour financer des campagnes de publicité qui présentaient le nucléaire comme une option trop dangereuse ? Combien d’argent pour dire que les biocarburants et l’hydrogène ne sont bons que pour les livres de la science-fiction ? Combien de dollars pour rapporter les recherches des sources alternatives d’énergie ? Combien pour empêcher le développement des institutions démocratiques mondiales qui pourraient taxer les hydrocarbures et fournir des ressources financières pour la recherche, développement et mise en exploitation des ressources renouvelables et non polluantes ?

Le Leadership de la Pétropolitique

Une chose est sûre : nous vivons dans un monde qui a beaucoup changé par rapport à l’ère industrielle du 20e siècle, mais dans lequel les hydrocarbures jouent toujours un rôle très important dans le domaine de l’énergie. Significativement, le seul secteur dans lequel la révolution technologique n’a pas pu tenir toutes ses promesses est celui de l’énergie, qui a généré des noyaux pétropolitiques de nature nationaliste et préindustrielle. Ces derniers se sont répandus comme un cancer pendant la dernière décennie.

Mais regardons la carte du monde : le premier exportateur du pétrole est l’Arabie Saoudite, un pays dominé par une monarchie absolue et aussi la patrie d’Oussama Ben Laden ; le deuxième est la Russie présidée par un ancien dirigeant du KGB Vladimir Poutine ; le quatrième est l’Iran, dirigé par le belliqueux Mahmoud Ahmadinedjad ; le cinquième c’est le Vénézuela avec son leader autoritaire Colonel Chavez ; la sixième place est occupée par les féaudaux Emirats Arabes Unis ; le septième est le Kowait dynastique ; le huitième est le Nigeria dévasté ; le dixième est l’Algérie ; l’onzième est l’Irak, qui était la propriété privée de Saddam Hussein et le douzième est la Libye, qui appartient toujours à Mouammar Kadhafi.

Cette liste correspond aux plus grands conflits des dernières décennies et aux régimes les plus autoritaires, cela permet de comprendre la vraie dimension que recouvre la Pétropolitique. Et ce n’est pas tout. Symptomatiquement, les grandes compagnies pétrolières ont toujours un caractère national (ce qui n’est qu’une relique de la période nationaliste industrielle). Exxon, Chevron, BP ou Repsol, aussi bien que PDVSA et Petrobas sont principalement des corporations nationales. Le binational (anglo-hollandais) Shell est le maximum insupportable du cosmopolitisme atteint par les grandes corporations pétrolières. En plus, sur liste de producteurs du pétrole, on trouve en troisième position les États-Unis et en treizième le Royaume-Uni. Il n’est pas besoin de rappeler que ces pays – dont les compagnies pétrolières nationales dominent le marché mondial – ont mené une invasion désastreuse en Irak, accédant ainsi au contrôle de la deuxième plus grande réserve du pétrole au monde et en générant une montée spectaculaire des prix du pétrole, enrichissant ainsi le secteur de la pétropolitique. Est-ce une simple opportunité ou bien une bonne démonstration de la relation de cause à effet qui affecte les pays avancés aussi ?

Une nouvelle polarité politique mondiale

La Pétropolitique a envahit la politique nationale en plaçant les leaders réactionnaires liés aux pouvoirs corporatif et des conceptions nationalistes et industrielles à la tête des structures nationales.

C’est exactement le rôle de la dynastie Bush aux États-Unis. Malheureusement, Tony Blair, le leader le plus prometteur du monde avancé, a été à l’origine des désastres provoqués par le royaume de la Pétropolitique.

Les politologues observent ainsi que les États-Unis sont divisés en deux univers sociaux différents :
 une société très connectée, cosmopolite et progressiste, dédiée à la production symbolique et où les Démocrates l’emporte toujours,
 une société déconnectée, nationaliste et réactionnaire, surtout dédiée à la production agraire et artisanale, qui vote toujours Bush et le parti Républicain.

Ce n’est rien que la confirmation de la prédiction de Toffler. Cela signifie tout simplement que l’Amérique est entrée au 21e siècle dans une forme de combat pour l’hégémonie entre la Seconde et Troisième vague, ce que rappel un peu le combat entre le Nord industriel et le Sud rural du 19e siècle.

Mais est-ce seulement un phénomène Américain ? Pas du tout. Le scénario se répète en Amérique Latine, où la vie politique se polarise autour de deux camps : d’une part le Colonel Chavez (Vénézuela) et ses alliés Morales (Bolivie) et Correa (Équateur) (tous les trois sont les présidents des pays sud-américains, dont l’économie dépend du pétrole et du gaz), et d’autre part tous les autres présidents sud-américains. En Argentine, un pays où le nationalisme et l’autoritarisme se sont également répandus (bien qu’à un degré inférieur), on a élu pour la première fois de son histoire un président originaire de la Patagonie, une région qui concentre environ 84% de la production pétrolière du pays.

Mais la Pétropolitique n’est pas un dilemme spécifique aux Amériques. Les tensions entre l’industrialisme nationaliste et le monde post-industriel sont devenues visibles partout dans le monde comme une polarité globale. Aujourd’hui, les cheikhs de la pétropolitique qui prétendent contrôler le monde se confrontent à une coalition des forces (dont les éléments les plus forts sont l’Union européenne, le Japon et le Canada)
 qui sont favorables aux accords internationaux sur l’environnement et régulations financières,
 qui soutiennent le renforcement des institutions supranationales (comme l’Union européenne, la Cour Pénale Internationale et l’ONU),
 et qui s’opposent aux militarisme et unilatéralisme pétropolitique.

Le pétrole a remplacé le charbon, devenant ainsi la principale source d’énergie et la principale raison d’être pour les guerres et l’autoritarisme. En même temps, il faut rappeler que la dispute franco-allemande pour le charbon était à la base des deux guerres mondiales, et que c’est depuis la création de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier) que l’Europe connaît une période interrompue de prospérité et de paix.

Si l’avenir nous réserve la victoire de la troisième vague sur les deux premières, la démocratie et le fédéralisme mondiaux devront vaincre d’une manière pacifiste les noyaux du pouvoir pétropolitique. Que le monde suive l’exemple de l’Europe et qu’il tire des lessons de l’unité politique du 20ième siècle pour abroger la pétropolitique.

This article was originally published in the November 2007 edition of The Federalist Debate, Papers for Federalists in Europe and the World.

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