Présidentielle 2007 et Europe

Pour le référendum paneuropéen au secours de la Constitution européenne

, par Julien Rossi

Pour le référendum paneuropéen au secours de la Constitution européenne

Les échecs successifs des référendums français et néerlandais ont infligé un revers très dur à la construction politique de l’Union européenne. La situation institutionnelle actuelle qui en résulte, présente le risque latent d’un blocage de la méthode d’intégration communautaire initiée par Jean Monnet. Ces mêmes référendums ont eu pourtant le mérite insoupçonné de remettre la question de la constitutionnalisation de l’Union au cœur de la réflexion politique. Ces échecs ont également mis à jour le besoin citoyen d’un véritable débat européen sur l’avenir politique de l’Europe dont le référendum paneuropéen sera à terme, l’expression la plus significative.

Le 29 mai 2005, les français ont répondu massivement non au Traité établissant une Constitution pour l’Europe. Peu de temps après, ce fut au tour des Pays-Bas de rejeter le texte. Les raisons de ces refus sont encore obscures. Traité trop libéral pour certains, trop complexe pour d’autres, les enjeux liés à cette « Constitution » semblent avoir été mal compris et en définitive, ce sont des problématiques nationales - d’aucun diront souverainistes - qui ont prévalu. Comme l’histoire se répète indéfiniment, la construction politique de l’Union européenne connaît un nouveau temps d’arrêt et encore une fois la France, animatrice du projet en a précipité la perte [1]. Pourtant, ce projet n’est pas définitivement enterré. A ce jour 18 pays ont accepté le Traité parmi lesquels deux l’ont ratifié par la voie référendaire[Il s’agit de l’Espagne et du Luwembourg. Le Royaume-Uni semble, quant à lui attendre, peu pressé de se prononcer tout comme la Pologne].

Avec l’échec des référendums français et bataves, c’est le système du Traité de Nice qui est aujourd’hui en vigueur. Il est la résultante d’un compromis minimaliste et met en place un système qui n’est pas viable à long terme tant politiquement qu’institutionnellement. Il pérennise l’enrayement de la méthode communautaire, le retour à un modèle de coopération interétatique et constitue une étape négative du processus d’intégration.

Pourtant, la construction communautaire s’est fondée depuis l’origine, sur une logique d’intégration progressive et dynamique. Cette intégration repose sur la création d’une organisation d’un type nouveau, différent d’une organisation internationale classique et susceptible à ce titre, d’aboutir à la création d’un espace commun de vie, intégré sur le plan économique et politique. Par cette voie, la multiplicité des cultures, des économies, des systèmes de pensée, des valeurs fusionnent pour former un Tout qui permet de développer une vision commune du monde et de mettre en commun les moyens et les compétences dans la réalisation d’objectifs déterminés.

Cette fusion s’est opérée par le transfert de compétences souveraines des Etats membres vers une entité originale indépendante, la Commission, qui reste à la portée des Etats qui, pour cette raison, ont accepté de la créer. La Commission est en ce sens, titulaire d’une forme de légitimité intégrative qui la place au même niveau que les Etats au cœur du processus d’intégration. Dans ce cadre, la méthode communautaire vise à exprimer l’intérêt général communautaire en tant qu’intérêt supérieur capable de dépasser la somme des intérêts nationaux. L’identification puis la défense de cet intérêt sont matérialisées ensuite par une opération de fusion qui conduit à l’intégration des structures économiques, censée mener à une communauté politique. Selon Jean Monnet, elle était aussi et avant tout, un « dialogue permanent entre un organisme européen responsable de proposer des solutions aux problèmes communs, et des gouvernements exprimant les points de vue nationaux […] » [2].

Elle ne vise pas la recherche de solutions susceptibles de contenter, ou non la totalité ou le plus grand nombre d’Etats, mais la détermination de ce qui est le plus susceptible de correspondre aux objectifs et à l’intérêt de la Communauté. Le risque de voir la Commission muer en un « Gouvernement » véritable et la crainte inspirée par le succès de la méthode communautaire, soupçonnée de conduire irrémédiablement à la constitution « d’un super Etat Fédéral » précipitèrent la renaissance d’une méthode intergouvernementale classique qui envisageait la construction communautaire sous l’angle de la simple coopération interétatique.

Depuis lors les manifestations de l’intergouvernementalisme se sont multipliées ; croissance du rôle politique du Conseil européen, augmentation des pouvoirs de contrôle du Conseil sur la Commission, mise en place d’instances interétatiques directement concurrentes de la Commission tel que l’Eurogroupe, autant de phénomènes de régression dans la logique intégrative.

Ces évolutions ont conduit l’Union à la croisée des chemins et il nous faut maintenant choisir. Doit-on revoir tous les fondements de la construction européenne et remettre en cause tous les acquis positifs ou négatifs qu’elle a apporté en la transformant en une simple organisation internationale sans visée politique ou sociale, sans citoyenneté, sans transparence, sans pouvoir réel, en laissant la main au nationalisme ambiant ? Ou doit-on au contraire chercher à l’améliorer en la dotant des moyens institutionnels et politiques nécessaires au saut qualitatif que les citoyens exigent ?

Pas de doute sur la réponse à apporter à ces questions, l’Union européenne en tant que modèle politique et social dans le monde, passe par une refonte de ses institutions et par l’adoption d’une véritable Constitution qui en consacrerait l’originalité en la dotant de tous les instruments indispensables à l’approfondissement de l’intégration.

Nous sommes aujourd’hui arrivés à fin de la campagne présidentielle et force est de constater que l’Europe n’a toujours pas fait l’objet chez les candidats d’une véritable ambition. Aucun candidat ne semble avoir pris conscience de la réalité de l’enjeu et de la demande de débat européen manifestée lors de la campagne référendaire. Nul doute pourtant que le passage par une constitution européenne - même réduite à la Charte des droits fondamentaux et à l’organisation des pouvoirs des institutions - selon le modèle fédéral original initié par Jean Monnet, est obligatoire.

Il ne faudrait pas cependant commettre deux fois la même erreur et refuser de prendre en compte l’avis des citoyens européens qui ont souhaité lors d’un bref instant, se réapproprier une construction européenne qui semblait leur échapper. A y regarder de plus près, tous les citoyens de l’Europe auraient aimé pouvoir s’exprimer librement sur la Constitution européenne.

Finalement de l’échec français et néerlandais, il faut tirer un enseignement précieux. Personne ne pourra imposer des changements d’une telle ampleur sans le concours des voix silencieuses des européens.

La solution apparaît dans toute sa simplicité dès lors que l’on envisage sérieusement le projet européen et que l’on garde à l’esprit, les valeurs démocratiques qui sont les nôtres. C’est une idée simple que beaucoup revendiquent mais que les Etats membres rechignent à mettre en place. Le référendum paneuropéen. Cette consultation devrait permettre à tous les citoyens européens de se prononcer quasi simultanément sur la relance du projet constitutionnel.

Détaché des enjeux nationaux, et ciblé sur une seule question commune, la Constitution européenne, les citoyens de tous les Etats membres auront à se prononcer au même moment, indépendamment des velléités internes de leur pays, sur un projet qui les reliera les uns aux autres pour les prochaines décennies. Certes, il faudra prévoir les conditions juridiques et administratives d’un tel référendum, chaque Etat membre disposant d’une culture constitutionnelle différente.

Mais il ne s’agit en réalité que d’une question politique. Si l’impulsion vient des citoyens et qu’elle leur permet de recentrer le débat interne sur l’Europe alors peut-être qu’une telle idée verra le jour. Et qu’imaginer de plus démocratique et dynamique qu’une association directe des peuples européens à la nouvelle Constitution ?

 [3] visuel tiré du site pour la pétition en faveur de la pétition pour un référendum pan-européen.

Notes

[1En effet, en 1954, la France avait promu l’idée de la création d’une Communauté européenne de défense (CED). Ce projet d’une portée politique essentielle avait été rejeté par l’Assemblée Nationale française conduisant à son abandon

[2Citation de Jean Monnet extraites de ses Mémoires.

[3Illustration :

Vos commentaires
  • Le 19 avril 2007 à 02:13, par Julius En réponse à : Pour le référendum paneuropéen au secours de la Constitution européenne

    Bonjour Julien et bonjour à tous les lecteurs,

    J’ai encore du mal à bien comprendre comment ce référundum peut être organisé. Pourquoi faut il réunir 1 000 000 de signatures et qui les demande ? Quels pouvoirs juridiques peuvent imposer un tel référundum ? Qui est en charge d’organiser ce référundum ? quelle est la conséquence d’un pays qui n’organiserai pas cela ? Est ce que la légitimité de ce référundum est simplement symbolique afin de montrer à la commission européénne que le peuple européen veut une constitution commune pour tout les pays ?

    Beaucoup de questions, nécessitant autant de réponses

    Cordialement

    Julien Carpe Nouveau adhérent JEF

  • Le 19 avril 2007 à 07:58, par Fabien Cazenave En réponse à : Pour le référendum paneuropéen au secours de la Constitution européenne

    Le million de signatures est symbolique, tu avais cette proposition dans le TCE qui est lettre-morte pour le moment. La décision de reprendre ce nombre est donc symbolique et répond aussi aux dimensions de l’Union européenne avec son demi-milliard d’habitants.

    Pour l’instant, on peut espérer que le dépôt de cette euro-pétition sera un acte tellement fort que les dirigeants européens seront obligés de se positionner par rapport à cette question. Actuellement, ce sont le Conseil européen et les gouvernements qui en font parti qui ont le pouvoir de le faire.

    Le pays qui n’organiserait pas ce référendum risquerait de s’exclure du processus et en resterait à l’Union européenne actuelle. Si ta question avait trait aux pays qui n’ont pas le droit constitutionnel de faire un référendum, un référendum pan-européen n’est prévu par aucune constitution... Ce sera forcément une création juridique puisque que cela veut dire qu’un peuple accepte de limiter sa souveraineté à la décision d’autres peuples.

    J’espère que j’ai commencé à répondre à tes questions.

  • Le 19 avril 2007 à 08:38, par Valéry En réponse à : Pour le référendum paneuropéen au secours de la Constitution européenne

    Pour ma part - militant fédéraliste également - je ne suis pas convaincu du tout que cette campagne est la bonne stratégie. Elle se focalise sur le mode de ratification alors que ce qui compte c’est le mode d’élaboration du texte et son contenu - peu importe ensuite comment il est ratifié pourvu qu’il le soit. Chaque pays a ses traditions dans ce domaine et je ne vois pas pourquoi il faudrait imposer un référendum à un pays qui n’a pas cette tradition (à juste raison d’ailleurs car le principe même du référendum reste hautement contestable). L’essentiel est qu’il soit acquis que le traité entre en vigueur dès qu’une majorité significative des signataires l’a ratifié comme pour certaines organisations internationales - sans attendre ou espérer l’unanimité.

  • Le 19 avril 2007 à 13:02, par Florent En réponse à : Pour le référendum paneuropéen au secours de la Constitution européenne

    C’est une pétition politique et non juridique vu que l’initiative citoyenne est uniquement présente dans le TCE. L’objectif étant que le parlement européen se saisisse de la question.

    Pour les aspects juridiques, il est tout à fait possible d’organiser une somme de référendum consultatifs nationaux en même temps. ( http://www.taurillon.org/A-European-Referendum-Maybe?var_recherche=ponzano )

    J’espère avoir répondu à tes questions.

    https://www.europeanreferendum.eu

    Cordialement

    Florent

  • Le 19 avril 2007 à 19:50, par Julius En réponse à : Pour le référendum paneuropéen au secours de la Constitution européenne

    Merci bien pour vos réponses et vos réactions.

    Cordialement

    Julien

    JE-Lorraine

  • Le 19 avril 2007 à 20:48, par Julius En réponse à : Pour le référendum paneuropéen au secours de la Constitution européenne

    Merci pour vos réponses et vos réactions si rapide.

    Cordialement,

    Julien

    JE-Lorraine

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