Notre société actuelle s’est construite sur le pétrole, qui est non seulement l’une de nos principales sources d’électricité, mais aussi notre principal vecteur énergétique à travers les carburants qui en sont dérivés. Or, l’épuisement progressif des réserves pétrolières, cumulé à la nécessité de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, nous forcent à refonder notre économie sur d’autres sources d’énergie. Si des méthodes alternatives existent ou sont envisagées pour produire de l’électricité (l’hydraulique, le solaire, l’éolien, l’éolien maritime [1], la géothermie, la fission nucléaire, la fusion nucléaire, etc.), par quoi remplacer l’essence et les autres carburants tirés du pétrole ?
L’hydrogène comme vecteur énergétique
La pile à combustible, qui utilise l’oxydation de l’hydrogène pour produire de l’électricité, est sans doute la meilleure solution. Comme le pétrole, l’hydrogène permet le stockage à long terme et le transport sur de longues distances de l’énergie : il est possible de produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau, de le transporter sans perte depuis son lieu de production jusqu’à son lieu de distribution, et de l’utiliser par exemple pour faire fonctionner une voiture ou tout autre véhicule terrestre. La pile à combustible est une technologie d’ores et déjà accessible, et qui ne demande désormais qu’à être perfectionnée et adaptée pour une utilisation industrielle à grande échelle. Au-delà des véhicules terrestres, l’hydrogène pourrait également fournir une solution à long terme pour le transport maritime et aérien [2].
Aucun obstacle technologique majeur ne se dresse entre l’Europe et le basculement vers une économie fondée sur l’hydrogène. Mais la généralisation des piles à combustible dans les transports nécessitera la coordination de nombreux acteurs dans le domaine énergétique et automobile, et l’installation de filières de production et de distribution de l’hydrogène sur tout l’espace européen. En contrepartie, si nous faisons rapidement le choix de ce vecteur énergétique alternatif au pétrole, nous pouvons transformer l’Europe en pionnière de l’innovation énergétique : et c’est une occasion que nous ne pouvons pas nous permettre de manquer.
La source d’énergie primaire
Les technologies liées à la pile à combustible permettent le stockage, et non la production énergétique. Assurée par l’électrolyse de l’eau, la production d’hydrogène est un processus qui réclame de l’électricité, et pose donc la question des sources primaires d’énergie. Si nous excluons les énergies fossiles dont nous souhaitons diminuer l’importance, ces sources ne peuvent être, à court terme, que les énergies renouvelables ou la fission nucléaire. Mais rappelons que notre technologie actuelle nous permet d’envisager, dans un futur proche, le développement d’une source d’énergie propre et pratiquement illimitée : la fusion nucléaire, dont le programme ITER est le fer de lance, et qui a déjà été décrite dans le Taurillon [3].
Contrairement à la fission nucléaire utilisée dans nos centrales actuelles, la fusion nucléaire est un processus physique qui ne réclame aucun matériau lourd et ne produit aucun déchet radioactif à longue durée de vie. Cette technologie, lorsqu’elle parviendra à maturité, offrira à l’humanité un approvisionnement énergétique massif et respectueux de l’environnement, ainsi qu’une indépendance totale par rapport aux ressources et aux conditions naturelles, puisque la fusion sera réalisée à partir d’atomes d’hydrogène. Il est intéressant de noter que la fusion nucléaire utilise le même matériau de base que les piles à combustible : l’hydrogène, même si les processus à l’œuvre sont bien sûr radicalement différents (chimiques pour la pile à hydrogène, physiques pour la fusion nucléaire).
Les programmes européens actuels
Le site d’Alternative Hydrogène [4] fournit un bon descriptif des enjeux et des possibilités d’une économie fondée sur l’hydrogène, et détaille plusieurs programmes européens liés au développement à grande échelle de cette technologie. Il rappelle toutefois le retard français dans ce domaine, paradoxal alors que la France remplit toutes les conditions, en termes de savoir-faire technologique, pour accomplir cette transition énergétique. Ce retard est également dénoncé dans une tribune de Notre Europe [5]. Nous serions en droit d’attendre de la Commission européenne, qui souhaite « placer l’Europe en tête de la course au développement et au déploiement de ces nouvelles technologies » [6], qu’elle agisse vigoureusement pour promouvoir la technologie de l’hydrogène, à l’échelle européenne et dans chacun des États membres.
Pour peu qu’on mène une réflexion à long terme, un projet de futur se dessine pour la politique énergétique de l’Union européenne : l’efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables, l’utilisation de l’hydrogène comme vecteur, et finalement les recherches sur la fusion nucléaire en sont quelques jalons. Le nouveau Parlement européen ne doit pas manquer cette opportunité de transformer l’économie européenne, et de nous faire basculer vers une production et une utilisation de l’énergie plus propre et plus indépendante.
Parmi les grands ensembles politiques engagés dans la course au développement durable, l’Europe, avec sa technologie et ses capacités d’innovation, devrait occuper un rang égal au numéro atomique de l’hydrogène : le premier.
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