Pour une lutte efficace contre la pauvreté en Europe !

Donnons une voix au Parlement européen 

, par Jutta Steinruck, eurodéputée, traduit par Jean-Mathieu Duchêne

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Pour une lutte efficace contre la pauvreté en Europe !
Jutta Steinruck, eurodéputée © Services audiovisuels du Parlement européen

En Europe, la pauvreté touche en premier lieu les jeunes, les mères célibataires et les femmes sans emploi. Une politique d’investissement intelligente offrirait à ces personnes, mais également à l’Europe, de nouvelles possibilités économiques. La « Garantie pour la jeunesse » est un élément central permettant d’offrir des perspectives d’avenir aux jeunes en Europe.

L’Europe se désintègre autour du fossé entre riches et pauvres

Au début de cette année, le Commissaire européen à l’Emploi, aux Affaires sociales et à l’Inclusion, László Andor, a présenté le rapport de 2012 sur l’évolution de l’emploi et de la situation sociale en Europe. Les résultats de ce rapport sont effrayants : le taux de chômage dans les pays de la zone euro s’élève à environ 12 %. Il n’avait jamais été aussi haut ces vingt dernières années. Si l’on regarde la situation des 27 États membres, la situation semble à peine meilleure. En effet, le taux se situe à 10,8 %.

En 2007, les taux de chômage du Nord et du Sud étaient relativement proches. Désormais, les États membres d’Europe du Sud sont plus touchés que ceux du Nord : en 2011 la différence est passée à 7,5 %. Ce qui est également inquiétant, c’est que le risque de pauvreté chez les personnes ayant un emploi a augmenté fortement. Les citoyens de pays tels que la Grèce, l’Espagne ou Chypre ont souffert d’énormes pertes de revenus. Par exemple, une famille grecque doit aujourd’hui s’en sortir avec jusqu’à 17 % d’argent en moins qu’en 2009. La zone euro risque de se diviser en un Nord riche et un Sud pauvre !

Des investissements intelligents, pas des diktats d’austérité bornés Cette évolution nous montre que les diktats d’austérité mènent des pays entiers et leur population à la pauvreté. En parallèle avec la nécessité d’économiser, nous devons investir intelligemment : dans l’éducation et la création d’emplois. C’est la seule solution pour endiguer la pauvreté. Cela nous montre également l’importance de l’État social : les États disposant des meilleurs systèmes de sécurité sociale réussissent mieux à traverser les turbulences économiques. D’intelligentes réformes du marché de l’emploi et un système social mieux agencé permettent de freiner la crise. Parmi les réformes intelligentes, on peut compter un salaire minimum décent, la réduction des différences de salaires entre les hommes et les femmes et une stratégie d’intégration des jeunes chômeurs au marché de l’emploi.

En Europe, la pauvreté touche en premier lieu les jeunes, les mères seules et les femmes sans emploi. L’analyse des salaires minimum montre que le taux d’emploi de personnes peu qualifiées dans des pays au salaire minimum plus élevé a tendance à être plus élevé.

De meilleures chances pour les femmes et les jeunes

Les salaires des hommes et des femmes présentent toujours des différences importantes. La différence de salaire entre les hommes et les femmes était de 16,4 % en moyenne en 2010. Plus l’âge des travailleurs est élevé, plus les différences de salaires sont importantes. Cet écart salarial doit être réduit tous les ans à raison d’un pour cent par an jusqu’à ce que l’on arrive à une égalisation. L’intégration de plus de femmes sur le marché de l’emploi n’a pas uniquement un effet positif sur la croissance économique, mais garantit également l’indépendance financière des femmes autant au début qu’à la fin de leur vie professionnelle.

Un autre gros problème est le chômage des jeunes : un cinquième des Européens âgés de 15 à 24 ans n’a pas d’emploi. En Espagne et en Grèce, il s’agit même d’un jeune sur deux.

En outre, il y a également de grandes différences régionales. Le chômage des jeunes représente un énorme problème dans les régions rurales. De plus, de nombreux jeunes n’ont pas d’autres choix que de travailler à temps partiel, d’accepter des contrats à durée déterminée et des salaires moins élevés, et disposent donc de peu de sécurité sociale. Les manifestations de jeunes à Athènes et à Madrid témoignent de leur colère. Et cette colère est compréhensible : le premier emploi détermine également les perspectives de salaire futures, le calcul du montant de la pension et la suite de la carrière. Par ailleurs, l’entrée dans la vie active permet de s’émanciper et est donc synonyme d’indépendance.

La Garantie pour la jeunesse : une perspective pour la vie

Nous devons agir maintenant si nous ne tenons pas à risquer de perdre une génération entière. Le système « Garantie pour la jeunesse » peut nous aider à y parvenir. Cela signifie que chaque jeune doit se voir proposer un emploi, une formation ou un séminaire de formation continue dans les quatre mois suivant la perte d’un emploi ou la fin de ses études. Depuis 2008, une telle garantie a été mise en place en Autriche et en Finlande. Le Luxembourg travaille maintenant à la mise en place d’un tel système.

En Autriche, par exemple, chaque jeune a la garantie de pouvoir travailler au plus tard six mois après avoir perdu son emploi ou terminé sa formation. Si ces jeunes ne trouvent pas de place sur le marché de l’emploi, ou si leur formation ne peut pas se poursuivre dans le secteur tertiaire, ils ont la possibilité garantie d’entamer une formation professionnelle à temps plein à l’école ou en alternance en entreprise, complétée de stages professionnels. Cela leur permet d’obtenir une formation complète. Selon les calculs du ministère de l’Emploi en Autriche, les investissements dans la garantie pour la jeunesse devaient être rentabilisés en cinq ans.

Le 16 janvier, le Parlement européen a adopté avec une large majorité une proposition de résolution qui encourage les États membres à introduire cette garantie pour la jeunesse. Le 13 février, les ministres européens compétents en matière de sécurité sociale se sont rencontrés pour discuter de la proposition. Au regard des chiffres, les coûts représentés par les jeunes chômeurs s’élèvent à 100 millions d’euros, alors que la mise en place d’une « Garantie pour la jeunesse » dans la zone euro reviendrait selon l’Organisation internationale du travail à environ 21 millions, si tous les États membres participaient à cette initiative.

Les moyens de mise en place de la « Garantie pour la jeunesse » pourraient être mis à disposition par les fonds structurels. La lutte contre le chômage chez les jeunes et la situation précaire des jeunes travailleurs en vaut la peine non seulement en raison de la réduction des coûts sociaux et de l’exclusion sociale, mais aussi parce qu’elle permettrait d’économiser des milliards d’euros. La lutte contre le chômage des jeunes est une des conditions de relance de la croissance économique, d’équilibre des budgets et un moyen d’éviter une catastrophe sociale. Nous devons commencer à utiliser l’argent dont nous disposons pour créer des emplois au lieu de financer le chômage.

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Vos commentaires
  • Le 27 février 2013 à 16:24, par Xavier En réponse à : Pour une lutte efficace contre la pauvreté en Europe !

    Autre solution, plutôt que d’imposer une solution unique : laisser les fameux États du Sud s’inspirer des meilleures pratiques des États du Nord !

    Malheureusement, je sais, cela implique de faire efforts et de réduire la taille de l’État.

    Quoiqu’il en soit, Mme Steinruck dit : « L’analyse des salaires minimum montre que le taux d’emploi de personnes peu qualifiées dans des pays au salaire minimum plus élevé a tendance à être plus élevé. »

    SVP, montrez-nous ces analyses qui défient le bon sens ! :)

    Le bon sens voudrait qu’une personne peu qualifiée apporte une faible valeur ajoutée à l’employeur. En lui imposant un salaire minimum élevé, on érige automatiquement une barrière à l’emploi de ces personnes peu qualifiées. En effet, l’employeur perdrait à embaucher de telles personnes avec un salaire qui ne correspond pas à leur valeur ajoutée.

    Si ces analyses sont sérieuses, il est évident qu’elles doivent tenir compte des coups de pouce de l’État pour ces emplois !

    Imposer un salaire minimum élevé, mais réduire drastiquement les charges de ces emplois peu qualifiés, et/ou subventionner (ça se fait) revient à ce que le contribuable paie l’employeur pour embaucher à salaire élevé, ce qu’il n’aurait pas fait sans cette contribution. Donc l’employeur ne paie pas vraiment le salaire élevé de sa poche et ce n’est donc pas à proprement parler le salaire minimum élevé qui incite à l’embauche et donc réduirait le chômage.

    Le salaire minimum élevé est tout simplement la pire chose que nous puissions faire pour réduire le taux de chômage des personnes peu qualifiées et/ou peu expérimentées.

    Si les propos de Mme Steinbruck étaient justes, si les analyses dont elles parlent étaient solides, cela voudrait dire qu’il faudrait fixer un salaire minimum très élevé pour régler entièrement le problème du chômage. Pas besoin d’avoir fait de hautes études économiques pour le comprendre : cela défie tout simplement le bon sens.

  • Le 21 mars 2013 à 12:12, par ChristainPascal En réponse à : Pour une lutte efficace contre la pauvreté en Europe !

    L’Europe est organisée autour de ses principes fondateurs : - un plus grand marché possible de Libre-échange - la Libre circulation des capitaux. - une concurrence non faussée. . Au vu de l’expérience, il est clair qu’un tel capitalisme le plus libre possible, nous mène vers un système où les riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres. Les richesses s’accumulent. . Dans ce cadre les mécanismes de solidarité et de redistribution sont précieux, or ces mécanismes de solidarité coûtent aux Etats, surtout en ces périodes de rigueur budgétaire. On limite autant que l’on peut tous ces mécanismes de solidarité, plutôt que de revoir l’origine du problème : le manque de solidarité. . Ainsi c’est quand on a le plus besoin de ces mécanismes de solidarité, aide aux chomeurs lutte contre la pauvreté, qu’on cherche à les diminuer ! à contre-temps. . Illustration : Le budget du Programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD) va subir une baisse drastique à partir de l’an prochain. Alors que son budget ne représente en gros qu’un euro pour habitant par an ! Et on le réduit pour faire des économies. . Tant que l’Europe se fera pas sur de tels principes de capitalisme financier. Il sera illusoire, voire trompeur, de parler lutte contre la pauvreté. . Il est nécessaire de revoir les structures qui poussent à toujours plus d’inégalités.

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