Partis politiques

Quand l’Europe des citoyens… passerait par celle des gouvernements

Le point de vue des militants politiques sur la construction européenne

, par Thibaut Fleury

Quand l'Europe des citoyens… passerait par celle des gouvernements

Les « Jeunes Européens Universités de Paris » (JE-UP) ont organisé mercerdi 31 octobre 2007 un débat sur le thème : « Europe des gouvernements ou des citoyens : le point de vue des militants politiques ». Il ressort des propos des militants de ces "partis jeunes" que la participation des citoyens à la construction européenne passerait d’abord par des impulsions gouvernementales. Dommage...

Quelques jours après l’adoption à Lisbonne du « mini-traité », les JE-UP organisaient un débat entre Laurent Schouteten (responsables des relations internationales pour les Jeunes Populaires), Thomas Cherer (délégué Jeunes UDF/MoDem pour le 17e arrdt de Paris et membre des Youth Democrats for Europe) et Michel Mosser (ancien secrétaire fédéral des Jeunes Verts, militants à la section parisienne des Jeunes Verts), afin de confronter leurs points de vue sur le rôle des citoyens dans la construction européenne.

Leurs expériences respectives de militants dans des partis politiques nationaux, mais également leur implication dans les relations européennes de ces partis, leur a permis de mettre en avant la principale difficulté d’une « Europe des citoyens » – les différences culturelles entre les Nations européennes – mais de dire également comment cet obstacle pourrait être dépassé – par une impulsion gouvernementale à l’image de celle qui a guidé l’adoption et guidera la ratification du traité de Lisbone. Une appréciation commune, donc, entre militants de familles politiques différentes, mais une réponse moins homogène qu’elle ne pourrait y paraître.

L’olivier, « cette curiosité étrange » : le problème culturel d’une « Europe des citoyens »

Pour avoir participé à la campagne paneuropéenne du Parti Vert Européen en 2004, Michel Mosser se souvient de la difficulté d’illustrer par une affiche unique la « biodiversité » que son parti voulait alors mettre en avant : choisir, par exemple, de représenter un olivier, c’était certes parler aux grecs, mais risquer de voir les finnois s’interroger sur cette « curiosité étrange » d’un arbre éloigné de leur environnement familier. Pour anecdotique qu’il puisse paraître, l’exemple n’en est pas moins révélateur d’une difficulté soulevée par les trois participants du débat : construire l’Europe des citoyens, c’est d’abord réussir à dépasser les attachements nationaux qui risquent de devenir des vecteurs d’incompréhensions.

Mais M. Mosser avait prévenu dès le début du débat : « attention à ne pas trop caricaturer : opposer les gouvernements aux citoyens dans le cadre de la construction européenne, c’est oublier la question de la représentation de ces citoyens ». Est-ce à dire que ces différences culturelles peuvent être sinon abolies, du moins atténuées, si l’on pense la construction européenne sous l’angle de la représentation des citoyens par des partis politiques européens, à l’image de celui créé par les Verts en 2003/2004 ? Rien n’est moins sûr : « comment faire », s’interroge ainsi Laurent Schouteten, « pour unir au sein du PPE des militants politiques aux opinions aussi diverses que les représentants du Fine Gael et de Forza Italia ? ». La construction de l’Europe ne peut être qu’affaire de négociations, de compromis : c’est finalement par ces équilibres subtils, dont la vie politique française est peu coutumière mais dont elle devrait s’inspirer selon T. Cherer, que l’Europe peut avancer.

Des vues divergentes sur les moyens d’impliquer les citoyens à l’Europe

C’est ici que le « militant politique » ce sera le plus évidemment révélé : dans la question de savoir comment « penser l’Europe » pour qu’elle soit celle des citoyens.

Car le constat selon lequel donner aux citoyens l’occasion d’être directement impliqués dans la construction européenne, c’est les y préparer en les informant et en leur expliquant ce projet, s’il a été partagé par les trois intervenants, n’en aboutit pas moins à des réponses divergentes, qui disent le prix d’entendre sur ce sujet les tenants de visions politiques différentes. Ainsi Laurent Schouteten aura-t-il insisté sur l’importance du « charisme » de Nicolas Sarkozy, perçu selon le représentant des Jeunes Populaires comme un leader « volontariste » au-delà des frontières françaises, et capable par conséquent de faire « avancer l’Europe ».

Un argument très largement nuancé par T. Cherer pour qui, « si le charisme est incontestablement important, c’est d’abord le projet politique qui compte ». Défendre un projet ambitieux, et notamment pour ce qui concerne l’UDF/Modem, celui d’une Europe politique fédérale, serait la meilleure assurance de l’intérêt des citoyens pour la construction européenne. Reprenant l’argument du charisme, M.Mosser voit dans l’élection au suffrage universel – à long terme mais dont il se dit « persuadé » - d’un Président de l’Union le meilleur vecteur d’une « Europe des citoyens ».

La nécessité d’une impulsion gouvernementale pour construire l’Europe

C’est sans doute le représentant des Jeunes UDF/Modem qui l’aura affirmé avec le plus de force : concernant la ratification du [traité de Lisbonne], « il aurait fallu recourir à la voie référendaire, c’est une question de principe ». Malgré cette position forte, partagée par M. Mosser, les trois débattants sont arrivés à une conclusion commune : une impulsion « venue d’en haut » peut parfois être nécessaire – notamment parce qu’« une réforme institutionnelle », rappelle L.Schouteten, « impacte moins les citoyens qu’une ouverture des frontières, directement palpable » - à condition toutefois que cette impulsion serve la mise en place d’institutions politiques intégrant réellement les citoyens aux processus de décisions.

Comme le remarque le militant écologiste : on peut douter qu’après la Seconde Guerre Mondiale, si les citoyens français avaient été consultés sur leur volonté d’entrer dans une forme d’Union avec l’Allemagne, leur réponse eut été positive. Sans impulsion gouvernementale et malgré le mot célèbre de Jean Monnet – « nous ne coalisons pas des Etats, nous unissons des hommes » - la première pierre de la construction européenne n’aurait peut-être pas été posée. Et l’on pourrait, pour résumer la position de chacun des trois intervenants, filer la métaphore : reconnaître aux architectes et maçons la compétence de penser et réaliser une maison, ce n’est pas leur en reconnaître la propriété.

Le représentant du Mouvement des Jeunes Socialistes était absent lors de ce débat malgré la confirmation de sa présence.

Illustration : photographie du débat prise par les Jeunes Européens Université de Paris.

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Vos commentaires
  • Le 29 novembre 2007 à 10:17, par Ronan En réponse à : Quand l’Europe des citoyens… passerait par celle des gouvernements

    S’il fallait absolument réagir...

    Et bien juste dire qu’il apparaît ici tristement que, dans l’esprit de ces jeunes militants politiques, il semble l’Europe ne soit décidément pas une fin en soi... mais seulement un moyen parmi tant d’autres de gagner des parts de marché sur le plan électoral (national). D’où le souci, visiblement impérieux, de ne surtout pas froisser leurs clientèles électorales traditionnelles respectives.

    Bref : on attendait là de l’enthousiasme et de la ferveur, voire de l’audace... mais on n’y trouve guère que du calcul millimétré estimé ’’au plus juste’’, de la tiédeur et de l’extrême prudence à destination de l’opinion publique (voire de l’indécente obséquiosité à l’égard de l’actuel chef de l’Etat). D’où, entre autres choses, les couplets, resservi ci-dessus, sur le sacro-saint intergouvernementalisme...

    Où l’on retrouve la pensée d’un Européen fervent (un vrai, celui-là) : « La ligne de partage entre partis progressistes et partis réactionnaires ne suit désormais plus la ligne formelle de la plus ou moins grande démocratie ou du plus ou moins grand socialisme à instituer, mais la ligne fondamentale et très nouvelle séparant ceux qui ont de la fin essentielle du combat la vieille conception de la conquête du pouvoir politique national - et qui feront, même involontairement, le jeu des forces réctionnaires, laissant se solidifier la lave incandescente des passions populaires dans le vieux monde, et ressurgir les vieilles absurdité - et ceux qui verront la tâche centrale dans la création d’un solide Etat international, qui orienteront les forces populaires vers cet objectif et qui, même s’ils prennent le pouvoir national, s’en serviront en toute première ligne comme outil pour produire l’unité internationale. » (Cf. Altiero Spinelli et Ernesto Rossi, in « Problemi della federazione europea » ; Rome, 1944 : pp. 22-23).

    Des propos qui n’ont (malheureusement ?!) pas pris une ride. D’où l’intérêt pour les jeunes militants de toutes ces formations politiques diverses et variées d’aller faire - un jour ou l’autre - un petit tour chez les « Jeunes Européens-France » et autres « Jeunes Européens Fédéralistes » ne serait-ce que pour s’y parfaire sur les problématiques européennes (y acquérir quelques bases ?!).

    Qu’on se le dise : les JEF, un excellent ’’complément de formation’’ européen, s’il en est... Qu’on se le dise !!!

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