Cette rencontre a permis de dresser un bilan de l’Europe de la défense et de s’interroger sur les défis que devra relever l’Union européenne afin de mener à terme cet ambitieux projet.
La Défense européenne dans l’impasse ?
L’actualité récente a offert de multiples exemples témoignant de l’impasse dans laquelle semble se trouver la défense européenne. Les accords franco-britanniques signés en novembre dernier, notamment, représentent un recul dans le processus de construction d’une défense commune dans la mesure où ils laissent à l’écart les autres Etats membres. Le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN constitue également un frein au développement d’une défense européenne indépendante de l’Alliance atlantique. Enfin, plus récemment, c’est la question de l’intervention en Libye qui a mis en lumière la persistance de divergences au sein de l’Union européenne concernant les problèmes militaires. Il apparaît donc que, dans le domaine de la défense comme dans d’autres, l’Europe ne parvient pas à parler d’une seule voix.
Dans ce contexte, la conférence a permis de souligner certaines difficultés inhérentes au projet de défense européenne. Comme l’a fait remarquer à juste titre le Contre-amiral Durfourcq, dans le passé, les Etats européens n’avaient été en guerre qu’avec leurs voisins directs. A ses débuts, la construction européenne était d’ailleurs une réponse au drame des deux guerres mondiales nées sur le continent. En ce sens, la notion même de défense en Europe s’est trouvée ainsi anéantie par l’intégration européenne.
Qui est « l’ennemi » désormais ?
Le Contre-amiral Dufourcq a rappelé que l’Europe est faite de visions conditionnées par le positionnement géopolitique de chaque Etat, de visions qui ne sont pas nécessairement convergentes. Le Royaume-Uni s’est pour sa part toujours attaché à éviter le rassemblement continental par crainte de l’émergence d’une puissance qui pourrait lui dicter sa loi. Londres souhaite une coalition tournée vers l’Atlantique et regarde la Russie comme un espace hostile. L’Allemagne témoigne quant à elle d’une vision continentale de la réalité géopolitique européenne et entend s’appuyer sur le triangle de Weimar, c’est-à-dire l’axe Paris-Berlin-Varsovie, pour assurer la paix en Europe.
Enfin, la France a développé au cours de son histoire une posture complète et globale qui tente de tirer tous les avantages qu’elle peut de son potentiel géographique, militaire et industriel. La vision française repose sur trois dimensions : continentale, méditerranéenne et atlantiste. La construction d’une défense européenne ne peut ainsi être que la synthèse de ces trois visions distinctes, mais aussi de celles des autres Etats membres. La Pologne notamment a un intérêt particulier en tant qu’Etat tampon entre les sphères d’influence de l’Europe et de la Russie. Le constat de ces divergences suggère alors que le premier obstacle à la construction d’une Europe de la défense réside probablement dans la définition de ses objectifs.
Pour un rapprochement avec la Russie ?
Olivier Védrine a, quant à lui, tenu à insister sur l’importance de l’axe Paris-Berlin-Moscou. Il a rappelé que, pour la première fois depuis Yvan le Terrible (1530-1584, premier tsar de Russie), l’ennemi de la Russie ne se trouve plus à l’Ouest mais à l’Est, vers d’Extrême-Asie. Il faut donc promouvoir le rapprochement avec cette Russie qui se découvre européenne depuis la fin de la Guerre froide. Dans cette perspective, la réorganisation de l’OSCE permettrait d’intégrer les intérêts de l’OTAN, de l’Union européenne et de la Russie, sans menacer les intérêts de l’OTSC. A ce premier défi, le Contre-amiral en ajoute deux, soulignant ainsi que l’Eurasie, l’Euroméditerranée et l’Euratlantique sont les trois axes que l’Union européenne doit privilégier. Ces espaces font en effet partie de notre voisinage immédiat : nous subissons ce qui s’y passe ou nous en profitons. Nous devons donc leur proposer une intégration sous une forme ou sous une autre.
Enfin, Olivier Védrine n’a pas manqué de souligner que, à l’instar du pouvoir américain qui relève à la fois du hard et du soft power, une « Europe puissance » appelle une « Europe politique ». Le retour des nationalismes nuit ainsi à l’Europe en tant que puissance globale. L’abdication de la défense s’explique avant tout par un manque de vision politique, peut-être dû à des élargissements trop rapides. Au terme de la conférence, il est donc apparu que la nécessaire union se ferait autour d’un noyau dur, probablement autour d’un axe Paris-Berlin, et que cette union devrait impérativement être incarnée par des représentants plus emblématiques d’une volonté de s’affirmer sur la scène internationale que l’actuel triumvi-rat Barroso-Van Rompuy-Ashton.
1. Le 30 juin 2011 à 08:03, par Marie THUREAU En réponse à : Quelle défense pour l’Europe ?
Le Traité de Lisbonne ouvre des perspectives intéressantes pour une véritable et nécessaire défense européenne ! Il est bien dommage que nos dirigeants, as usual, n’aient pas compris que notre intérêt commun est d’avoir une vision stratégique européenne au lieu d’avoir une addition de visions nationales difficilement compatibles !
Il est par ailleurs révélateur de constater que la Haute-Représentante, Catherine Ashton, celle qui avait négligé la première réunion des ministres de la défense aux Baléares peu de temps après sa nomination, ne soit évoquée qu’à la fin de cet article : elle n’a, depuis, rien entrepris pour faire avancer la notion de défense européenne, sujet qui, manifestement ne l’intéresse pas vraiment !
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