Ratification du Traité de Lisbonne : tous les regards tournés vers l’Irlande

, par Dumitru Drumea, Mette Moerk Andersen

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Ratification du Traité de Lisbonne : tous les regards tournés vers l'Irlande

Lundi 12 mai a marqué la fin d’une longue campagne non officielle et le début d’une courte bataille officielle entre les deux camps adversaires sur le traité de Lisbonne. Ce matin-là, on a eu la confirmation que tous les regards seront tournés vers l’Irlande le 12 juin.

Vers 11h, le Ministre John Gormley a ordonné l’organisation d’un référendum pour voter pour ou contre le traité de Lisbonne le 12 juin. La législation irlandaise prévoit qu’une ordonnance doit être prise entre 30 et 90 jours avant la date du référendum.

Une campagne "créative"

Les affiches ont été collées lundi matin pendant l’heure de pointe – les unes plus créatives que les autres. Les partisans du « Oui » insistent sur leurs affiches qu’un vote positif serait « bien pour l’Irlande » et « bien pour l’Europe ». Ceux du « Non » ont pris plusieurs directions. Sur une des affiches des partisans du « Non » figurent trois chimpanzés qui représentent une Union européenne (UE) qui « ne vous verra pas, ne vous écoutera pas et ne parlera pas pour vous ». Une autre affiche du « Non » a créé des controverses, car elle montre sur le fond la Proclamation Irlandaise et explique que « des gens sont morts pour ta Liberté, ne la rejette pas ».

Coír, un groupuscule marqué très à droite, opposé à l’avortement et lié à des organisations religieuses, a confirmé qu’il était l’auteur de ces deux affiches du « Non ». Ce groupuscule était aussi l’auteur de l’affiche « Bonjour le divorce – au revoir papa » pendant le référendum de 1996 sur la légalisation du divorce en Irlande. Coír peut paraître inoffensif, relativement peu présent dans cette campagne et amusant dans une Irlande moderne au premier abord. Néanmoins, la présence de ce groupe démontre les effets négatifs que peut produire cette campagne, toutes les revendications vont utiliser la marge de manœuvre en Irlande qu’offre le référendum ; et peu importe si les revendications sont en lien avec des enjeux nationaux ou européens.

La semaine dernière, les campagnes ont été lancées et re-lancées ; surtout pour des acteurs comme le Sinn Fein pour qui c’est un art d’enchainer les conférences de presse les unes après autre. Le principal parti du Gouvernement, Fianna Fail, a lancé la campagne tant attendue lundi 12 mai. Le nouveau Taoiseach (le premier ministre irlandais) Brian Cowen a réaffirmé son soutien et sa confiance au traité devant son parti. Tel un professeur des écoles, il a promis d’exclure tout rebelle qui ne s’alignera pas sur la position commune du parti sur le Traité de Lisbonne.

Optimisme dans les sondages

Brian Cowen n’aurait pas pu imaginer une meilleure date pour lancer la campagne de Fianna Fail compte tenu des sondages optimistes du dimanche 11 mai. Ces sondages montrent que 38% des irlandais auraient voté « Oui », 28% sont pour le « Non » et 34% restent indécis. C’est un progrès, car lors de dernier sondage la différence entre le « Oui » et le « Non » était de seulement 4 %.

Une semaine plus tard, le journal Irish Times a réalisé un nouveau sondage qui était encore plus optimiste, car selon lui 35% auraient voté « Oui », alors que seulement 18% auraient voté « Non ». Cependant, l’indécision reste toujours élevé. Malgré la diminution du taux du nombre d’indécis, qui était de 62% au mois de janvier, il y a toujours beaucoup d’électeurs qui se demandent si le Traité de Lisbonne est « bien pour l’Irlande » ou « pas ».

il y a toujours beaucoup d’électeurs qui se demandent si le Traité de Lisbonne est « bien pour l’Irlande » ou « pas »

Les deux derniers sondages montrent qu’il grand temps pour la Commission du Référendum de lancer sa campagne d’information. Les commentateurs et les acteurs politiques ont attendu que la Commission commence son travail pour détruire certains mythes de la campagne du Non et combattre la possibilité que des gens votent « Non » parce qu’ils étaient mal informés.

La démocratie, ce n’est pas de l’assistanat, mais un engagement. Jamais les Irlandais n’avaient autant d’information sur le référendum que maintenant, jamais les Irlandais n’avaient une telle chance de débattre et de s’engager pour l’intégration européenne. Il n’y a donc pas de surprise à ce que la Commission pour le Référendum ait tiré les mêmes conclusions sur le traité de Lisbonne que les partisans du « Oui », chose critiquée par les partisans du « Non » qui tentent de remettre en cause l’objectivité de la Commission pour le Référendum.

Conclusion

La conclusion principale qui s’impose après une semaine de campagne officielle est la même qu’avant : il n’y a pas de place pour la suffisance. Aucun des 2 derniers sondages n’a été aussi optimiste que celui réalisé avant le premier référendum sur le Traité de Nice en 2001, selon lequel 52% des électeurs avaient l’intention de voter « Oui ».

Le résultat du référendum est totalement dépendant du vote de 12 juin. Peut-être, des sondages plus modestes vont réveiller les votants pour le « Oui » au moment où tous les regards seront tournés vers l’Irlande.

Illustration : Campaign poster of the yes-side ; source : www.thelisbontreaty.ie.

Pour avoir des exemples d’autres affiches, regarder l’article de Jean Quatremer sur son blog : Irlande : votez oui à Lisbonne augmentera vos atouts.

Vos commentaires
  • Le 31 mai 2008 à 12:27, par Ronan En réponse à : Ratification du Traité de Lisbonne : tous les regards tournés vers l’Irlande

    Plus haut on parle de la « Proclamation irlandaise »...

    Et si on regarde bien l’affiche incriminée (comme ), on découvre qu’il s’agit plus précisément de la « Proclamation de la république irlandaise » (Cf. illustration) : un discours prononcé par le leader nationaliste irlandais Patrick Pearse (et chef des insurgés) lors du soulèvement anti-britannique de « Pâques 1916 » (le jour du Lundi de Pâques : 24 avril 1916), sur les marches de la Poste centrale de Dublin (QG improvisé de l’insurrection).

    Encore une fois, on cherche là à influencer l’opinion en faisant appel à l’ « Histoire avec un grand H » (et au poids moral de quelque hypothétique « mandat des ancêtres »...) pour imposer et dicter l’avenir... Instrumentalisation du passé pour mieux manipuler les masses ; bref : la « guerre du passé contre le futur », encore et toujours la même histoire...

  • Le 1er juin 2008 à 05:54, par NingúnOtro En réponse à : Ratification du Traité de Lisbonne : tous les regards tournés vers l’Irlande

    Tout le monde cherche à influencer l’opinion, Ronan... vous n’en faites pas moins. Est-ce que rappeler aux irlandais ce qu’ils doivent à l’Europe n’est pas exactement la même chose ? Et mettre de la pression en rappellant tout ce que l’Europe ne pourra pas faire si les irlandais votent NON ? Voire voter au Parlement Européen... qu’on ne tiendra même pas compte du résultat ?

    A quoi bon vouloir à tout prix mentionner des mots tels que « nationaliste », « insurgés », « soulèvement », « insurrection » ?

    Voyant la nulle extension du texte et l’absence d’une argumentation quelconque... on croierait que lancer ces « insultes » ? est le seul but...

  • Le 1er juin 2008 à 12:21, par Ronan En réponse à : Ratification du Traité de Lisbonne : tous les regards tournés vers l’Irlande

    A quoi bon vouloir à tout prix mentionner des mots tels que « nationaliste », « insurgés », « soulèvement », « insurrection » ?

    RE : Ce n’était pas à tout prix, mais il s’agissait là juste de rappeler le contexte historique auquel ces affiches faisaient très clairement là référence (sans que leurs adversaires politiques ne leur en demandent tant).

    Et ce dans le cadre d’une vision falsifiée de l’histoire : l’Irlande autonome qui voit le jour en 1921-1922 n’était qu’un « Free State » (et un système de monarchie parlementaire) dont les députés devaient prêter serment d’allégence au roi britannique (pour la République, il faudra attendre 1949).

    Egalement, en finir avec la vision apologétique et unanimiste des "combattants tombés pour la liberté" : en avril 1916, plutôt que cette République attivement proclamée (et - de toute façon - sans suite immédiate), les insurgés songeaient surtout (1) à enfin obtenir le « Home Rule » (l’autonomie) de la part de Londres, (2) à éventuellement confier le trône de cette « nouvelle Irlande » à un prince Habsbourg, (3) à gagner la sympathie d’une population irlandaise dont l’immense majorité les prenait alors encore pour des traîtres et des fous furieux complètement incontrolables (puisque seule la cruauté de la répression britannique pu faire basculer l’opinion en leur faveur...).

    Et beaucoup d’entre eux devaient finalement se satisfaire de stipulations "minimalistes" du traité de Londres de décembre 1921 (pas de République, maintien d’une allégence formelle aux rois Britanniques, partition de l’île...). Ce qui aura d’ailleurs alors provoqué la guerre civile de 1921-1923. Alors ceux qui parlent des « combattants de la Libertés » me font doucement rigoler : lequel d’entre eux a assassiné un vrai patriote comme Michaël Collins ?

    Il s’agit là d’un rappel historique. Où voyez-vous des insultes ?

  • Le 1er juin 2008 à 15:24, par NingúnOtro En réponse à : Ratification du Traité de Lisbonne : tous les regards tournés vers l’Irlande

    Le contexte historique... d’accord. Il s’agit neaumoins d’une vision trés unilaterale celle que vous exposez. Tout comme on peut évidemment dire que la vision dans les affiches était aussi unilaterale vue de leur coté.

    Avec la différence que eux... ils défendent la des valeurs positives (pour eux, je vous l’accorde volontiers) comme leur lutte pour la liberté du « British Rule »... et le danger réel de tomber maintenant sous l’« European Rule ».

    Et vous vous en faites des voyous parce que cela convient à vos stratégies pour faire passer le OUI.

    Moi, au moins, j’ai mis le grand mot controversiel entre « guillemets ». Je savais qu’il était trop chargée pour percoler anonimement dans les pensées, ou je vous savais trop intélligent pour vous laisser influencer par trop de mots à lourde charge émotive.

    Dans le contexte historique... les anglais et les paramilitaires n’étaient pas des anges non plus... alors, oublier d’équilibrer la balance... cela donne du froid au dos.

  • Le 1er juin 2008 à 20:02, par Fabien Cazenave En réponse à : Ratification du Traité de Lisbonne : tous les regards tournés vers l’Irlande

    Les valeurs positives dont vous parler, c’est bien le retour sur soi parce que s’ouvrir sur les autres, c’est « rejeter la liberté » ? C’est sur que nous sommes tellement plus forts les Irlandais chez eux, les Français et les autres aussi...

    Regardons comment les Chinois ont fait pour nous faire plier diplomatiquement en « organisant » (ou en laissant faire) un boycott de nos produits, danger suffisamment grand pour que nous nous excusions derrière.

    Alors, dire que l’Europe, c’est perdre sa liberté, oui, ce n’est pas objectif. On a le droit de penser que le mieux pour son pays est de n’être pas associé aux autres. C’est un choix politique.

    Mais sous-entendre que l’Europe, c’est perdre sa liberté, cela veut dire a contrario que c’est l’autre choix est de vivre dans une dictature.

    Ce genre de message, c’est bidon et dangereux de mon point de vue. Et ce n’est pas une question de « stratégie du Oui » (comme si nous étions des grands manitous, bref)... d’ailleurs personne n’a dit que les autres étaient des « voyous » comme vous dîtes.

  • Le 1er juin 2008 à 20:38, par Ronan En réponse à : Ratification du Traité de Lisbonne : tous les regards tournés vers l’Irlande

    Autrefois, il y avait effectivement un « British rule » en Irlande, oppressif au besoin (ais-je jamais dit le contraire ?!). Mais ceux qui prétendent qu’il existerait aujourd’hui un "European rule" un temps soit peu oppressif en Irlande sont des menteurs. Et ceux qui instrumentalisent les souffrances du passé pour le prétendre sont des voyoux.

    Si les Irlandais ont envie de dire « merde » à tout (et à l’UE, au passage...) par la voie des urnes (et dans le secret des isoloirs) rien ne le leur interdit fondamentalement. Mais, franchement, le nihilisme électoral : à quoi ça sert ?!

    L’expérience franco-néerlandaise de 2005 devrait pourtant avoir servie de leçon à tous : les votes « Non » étaient tellement contradictoires les uns des autres qu’il a donc été impossible d’en présenter quelque "synthèse revendicative" lisible. Le seul résultat des votes négatifs de 2005 c’est d’avoir laborieusement accouché d’un traité européen "rabotté" qui est encore moins satisfaisant que le TCE...

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