Le 9 mai est une date aux multiples facettes, comme le 9 novembre. Si l’Union européenne célèbre le 9 mai la déclaration Schuman, dans le salon de l’Horloge au Quai d’Orsay, certains pays de l’Europe voient la célébration - officielle ou non - de la Grande Victoire patriotique de l’URSS sur les nazis.
Cette fête nationale russe est en effet l’objet de toutes les attentions à Moscou, bien entendu, où pour la première fois les Polonais, les Français et les Britanniques ont défilé avec les Russes sur la Place rouge, mais aussi à Tallinn, Riga ou Kiev, où les vétérans défilent dans les rues à cette occasion. Ce qui fait grincer des dents dans les États baltes.
Une date, de multiples significations
À Vilnius, les gens s’étonnent que l’UE ait choisi cette date qui marque le début de 50 ans d’occupation inhumaine par un régime vainqueur des nazis, mais totalitaire lui-même. Le résultat ? On trouve assez peu de gens pour fêter l’Europe dans ce bout du continent, le 9 mai.
En effet, comment ne pas comprendre que les Russes fêtent cette victoire titanesque qui selon la propagande leur aura coûté 23 millions de vies ? Chaque famille russe a perdu un père, un frère, un fils dans la lutte contre le fascisme.
D’un autre côté, comment ne pas honorer ceux qui se sont battus bien après la fin de la guerre, enterrés dans les forêts baltes, pour leur liberté volée en vertu d’un accord entre Staline et Hitler en 1939 ? Et sur lequel l’Europe a largement fermé les yeux pendant 50 ans. Les Suédois avaient même reconnu l’occupation de jure !
Chaque poumon de l’Europe a la légitimité de célébrer joyeusement ou tristement cette date. Mais pour la fêter ensemble, il faudrait peut-être que les Européens de l’Ouest montrent enfin qu’ils connaissent et comprennent l’histoire de leurs compatriotes européens.
Un pas de deux
Avec la claire condamnation du régime stalinien par le Président russe, et l’invitation des Polonais et des Européens aux manifestations du 9 mai, il semble que Moscou soit entré dans une nouvelle ère de réflexion sur son passé. Les archives du massacre de Katyn devraient enfin être ouvertes et cet acte barbare a déjà été condamné par le Kremlin.
D’ailleurs, la présence des Présidents estoniens et lettons aux manifestations semble ouvrir la voie à un appaisement des relations entre Europe post-soviétique et Russie. De son côté, la Présidente lituanienne dit aussi vouloir avancer beaucoup plus pragmatiquement avec Moscou.
Mais, à l’Ouest, avançons-nous ?
Il semble que non. Les manifestations du 9 mai semblent incroyablement ouesto-centrées. Pas un mot à Paris sur ce qui se passait le 9 mai 1950 de l’autre côté du Mur. Nous demandons à nos amis européens d’adopter notre mémoire comme une sorte de nouvel acquis communautaire. Mais est-ce ainsi que nous ferons l’Europe ?
Six ans après l’adhésion de dix nouveaux États membres et au moment où les Russes semblent faire un pas vers une nouvelle Europe de la mémoire, aucun signal ne semble venir des vieux États membres vers les nouveaux ... La députée européenne lettone Sandra Kalniete vient de créer un groupe parlementaire à Bruxelles sur l’histoire européenne et il semble qu’elle aura du travail à convaincre ses collègues de l’Ouest, bien peu enclins à remettre en cause le paradigme cinquantenaire de la victoire sur les Nazis et la réconciliation franco-allemande.
Rendre hommage à Robert Schuman tout en soulignant le « mouvement européen » qui va du 9 mai 1950 au 9 novembre 1989 et au 1er mai 2004, voilà ce qui permettrait à chacun de se sentir chez soi dans l’histoire européenne. Enfin.
1. Le 10 mai 2011 à 17:36, par Azabu En réponse à : Repenser le 9 mai comme une date vraiment européenne
Et si le Taurillon ou Nouvelle Europe lançait une pétition ?
2. Le 11 mai 2011 à 10:54, par Fabien En réponse à : Repenser le 9 mai comme une date vraiment européenne
Je ne suis pas d’accord avec Philippe, même s’il a tout à fait raison de rappeler la dimension « soviétique » du 9 mai. Cependant, on peut en rester aux vieux schéma d’hier ou avancer. Or, au-delà du fait que le 9 mai concerne avant tout une déclaration touchant des pays de « l’Ouest », c’est avant tout l’une des bases fondatrices de notre construction européenne.
Il n’y a aucun californien pour reprocher à l’état fédéral américain de marquer la fête nationale le 4 juillet 1776 alors que l’Etat de Californie n’existait pas encore à l’époque...
Il faut dépasser cela et faire du 9 mai une date de la construction européenne et non plus l’apanage de la 2de guerre mondiale. Il serait donc bon d’en faire un jour férié pour tous les Européens, anciennement de l’Ouest et de l’Est.
Il y aura toujours des gens pour critiquer une telle initiative. En France, les anciens combattants vont hurler. Dans les pays baltes aussi. Doit-on ne rien faire pour autant ?
3. Le 14 mai 2011 à 16:32, par HERBINET En réponse à : Repenser le 9 mai comme une date vraiment européenne
Chroniqueur lucide de la construction européenne, Pierre-Franck Herbinet s’attriste de l’hésitant fédéralisme de l’Europe politique. Le politique résiste, le politique anticipe. Soyons des responsables lucides et dépassons-nous ! Oscillant entre la peur du déclassement et la perte de l’identité nationale, le populisme instrumentalise depuis fort longtemps les masses populaires. L’Europe est originale, puisque les frontières résultent de choix politiques et non de choix dictés par la géographie et par l’histoire. Les arts, la chrétienté et l’universalité sont au confluent de l’histoire européenne. Le 9 Mai est une date européenne, une date riche de sens pour l’histoire européenne, une date mettant en lumière la vision millénaire de Schuman, celle de l’Europe humaniste !
Pierre-Franck Herbinet
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