République Tchèque et liberté de la presse

Rapport « Goodbye to Freedom 2008 »

, par Traduit par Florent Lardic, Tomas Vrba

République Tchèque et liberté de la presse

Le rapport sur la liberté de la Presse en Europe « Goodbye to Freedom » vient d’être publié par l’Association des Journalistes Européens. Le Taurillon a décidé de publier le résultat de cet énorme travail. Aujourd’hui, voici la situation en République Tchèque.

Situation générale

Les médias tchèques jouissent d’un niveau de liberté et d’indépendance comparativement haut. Cela se reflète dans la relative maturité de la scène médiatique et dans l’absence de violations notable de la capacité des médias à rapporter un événement de la vie publique. Reporters sans frontières, dans son index de la presse libre de 2006, a classé la République tchèque à la cinquième place sur 168. Toutefois, les récentes attaques faites par le Premier Ministre aux médias indiquent l’existence de tensions significatives. L’étude de cas sur les possibles pressions politiques et commerciales qui suit examine un certain nombre d’enfreintes dans le domaine des médias tchèques et des questions relatives à la liberté de la presse.

Un grand nombre de média ont désormais des chartes éthiques ou professionnelles, largement inspirés en cela par les lignes directrices de la British Broadcasting Corporation. L’organisation principale de journalistes, le syndicat des journalistes tchèque, n’est pas parvenue à compter parmi ses membres la majorité des travailleurs du domaine. Pourtant, elle offre une aide légale gratuite et son Jury éthique rend des jugements pertinents sur des cas controversés.

La « loi générale sur la presse » (N° 46/2000, révisée) garantit aux journalistes le droit à une protection raisonnable de leurs sources. La loi sur la télévision tchèque et celle sur la radio tchèque régulent le service public audiovisuel. Il n’y a pas de loi pénale couvrant la diffamation, seulement une procédure du code civil. De nombreux cas de politiciens attaquant des journalistes pour diffamation ont eu lieu, parfois avec des motifs apparents, mais ces atteintes ont généralement eu peu de succès. Une loi faisant de l’insulte aux autorités publiques un délit a été abolie il y a déjà plusieurs années. Désormais, une loi sur la liberté de l’information permet aux citoyens tchèques de poursuivre les autorités en cas de refus de délivrance d’information demandée.

Il y a une variété substantielle de médias papiers, notamment quatre quotidiens nationaux - Dnes, Hospodarske noviny, Lidove noviny, et l’anciennement communiste Pravo – et plusieurs journaux à sensation, un journal sportif et une presse régionale. Le journal le plus populaire est un journal à sensation, Blesk, avec un tirage d’un demi million d’exemplaires et un lectorat de 1, 3 million de personnes. Trois journaux gratuits sont apparus à Prague. Il y a trois hebdomadaires d’opinion (Reflex, Respekt, Tyden) et des centaines d’autres périodiques, dont des publications locales et les versions tchèques de magazines internationaux. Le Prague Post est une version anglophone hebdomadaire et il y a plusieurs journaux russophones d’affaire.

La République Tchèque a deux chaînes télévisées de service public, CT1 et CT2, et deux chaînes privées nationales – Nova et Prima – ainsi que des chaînes régionales. Nova a la plus large audience (environ 40 %), tandis que CT1 compte 20 % de part de marché. Un changement national de la transmission analogique vers la transmission digitale a commencé en septembre 2007 et doit être achevé dans les cinq ans. Prague accueille Radio free Europe – Radio liberté, qui émet dans des langues étrangères, principalement à destination des pays de l’ex-Union soviétique et en Asie.

De nombreux cas de politiciens attaquant des journalistes pour diffamation ont eu lieu, parfois avec des motifs apparents, mais ces atteintes ont généralement eu peu de succès

L’Agence de presse tchèque CTK est une institution publique ; elle est de ce fait éligible à une subvention de l’Etat. Elle a néanmoins évité de la réclamer de manière à protéger son indépendance.

Les portails web d’information connaissent un succès croissant, tant les versions électroniques de journaux imprimés que les portails dédiés, à l’instar de aktualne.cz. Plus de 40 pourcent des Tchèques ont accès à Internet, 75 pourcent parmi eux utilisent Internet comme source d’information.

La possession des médias principaux est partagée entre entreprises locales tchèques et étrangères, notamment Axel, Hearst, Hachette, Readers Digest et Ringier. Les intérêts français sont présent dans la radiodiffusion, à l’image de Europe 2. Une entreprise basée aux Bermudes – CME (Central European Media Enterprise) détient une grande part de la chaîne populaire Nova. En général, les propriétaires ne cherchent pas à influencer le contenu, ils sont à la recherche du profit.

Les médias tchèques représentent un marché d’une taille suffisante pour la publicité, qui a représenté 4 milliards de couronnes tchèques (140 millions d’euros) par mois durant l’année dernière. Parmi cela, la moitié est allée à la publicité à la télévision, Nova ayant reçu le plus gros, quand la presse en recevait 40 %.

En 2006, la BBC a arrêté de diffuser en République tchèque. Ce développement a été accueilli avec déception par les experts des médias et le public, parce que la BBC avait représenté pendant longtemps un rare exemple de professionnalisme et de décence dans le journalisme.

Etude de cas : les pressions politiques et commerciales

Les médias tchèques semblent libres d’une excessive ingérence du pouvoir politique ou commerciale en matière de choix éditoriaux. Aucune plainte pour violence ou pour intimidation contre les journalistes n’est apparue ces dernières années. Pourtant, les personnalités politiques et du monde de l’entreprise exercent une pression de manière plus ou moins subtile. Récemment, le Premier Ministre, Mirek Topolanek, a publiquement accusé les médias d’avoir pris parti contre lui et a menacé d’écrire un projet de loi limitant la liberté de presse. Les journalistes tchèques échouent parfois à démontrer la liberté de pensée et la rigueur professionnelle nécessaire à relater de manière adéquate les sujets sensibles. Les exemples suivants illustrent les risques de parti pris et d’autocensure.

Les médias ont échoué à livrer une lecture franche et minutieuse des implications des décisions du gouvernement à accepter les plans états-uniens concernant la localisation des bases radar dans le pays pour le futur bouclier anti-missile états-unien. La couverture médiatique a généralement été peu encline à rapporter les importants détails techniques et pratiques, mettant au contraire lourdement l’accent sur les opinions divergentes de divers groupes politiques.

Les journalistes tchèques ont aussi fait montre d’un manque d’indépendance et de détermination en questionnant les hommes politiques et leurs décisions dans d’autres domaines. Le quotidien Lidove noviny a été accusé d’agir comme un porte-parole des idées et des politiques du parti du Premier Ministre, l’ODS (Parti démocratique civique).

Une réticence à questionner l’autorité est montrée par l’échec des médias à enquêter sur le cas extraordinaire de Yekta Uzunoglu, un entrepreneur turc d’origine kurde basé à Prague. Il a été arrêté et emprisonné pendant plus de deux ans, de 1994 à 1997, pour un motif qui s’est révélé être fabriqué par la police. L’affaire a jeté de sérieux doutes sur le sens de la justice du système judiciaire tchèque, et les événements de l’affaire demeurent troubles plusieurs années après.

Fin 2006, il a été découvert, par une fuite sur un dossier secret concernant les liens entre le crime organisé et des membres du gouvernement, que la ligne téléphonique de plusieurs journalistes, dont Jan Hrbacek de la Radio tchèque, avaient été écoutées dans le cadre d’une enquête de police. Le Syndicat des journalistes tchèques a vigoureusement protesté.

La télévision publique tchèque a essuyé l’année écoulée une forte critique pour avoir échoué à produire des programmes d’information indépendants sur des sujets d’actualité. Les programmes prévus ont été repoussés, voire annulés à plusieurs occasions, provoquant des accusations d’autocensure.

Le danger de l’affaissement de l’éthique des journalistes est accru par d’autres caractéristiques de la vie politique et sociale, qui tend à encourager la passivité et l’acceptation du statu quo plutôt que la vigilance. Le débat politique est marqué par le populisme et une concentration excessive sur les personnes. Les journaux télévisés nationaux, souvent présentées de manière spectaculaire, tendent à se généraliser partout dans le monde, y compris en Europe. La télévision publique tchèque fait aussi l’objet de lourdes critiques au motif qu’elle a été tentée d’abaisser le niveau intellectuel afin d’augmenter son audimat.

L’intérêt persistant des médias pour la vie et les affaires personnelles de l’ex-Premier Ministre, Jiri Paroubek, ainsi que pour celui actuellement en fonction, Mirek Topolanek, a contribué à détériorer les relations entre médias et le gouvernement. M. Paroubek, un social-démocrate, s’en est pris aux médias quand il a perdu les élections l’an dernier. En septembre 2007, Mirek Topolanek a lancé une attaque plus dure encore contre les médias, les accusant de calomnie, de parti pris et de corruption. Le Syndicat des journalistes tchèques a répondu en avançant qu’aucun des dirigeants politiques nationaux n’avaient jamais fourni de preuves évidentes pour appuyer leur plainte et que, dans un pays démocratique, la liberté de parole ne doit pas être « régulée ». Un des commentateurs fit remarquer que les politiciens sentent que leurs fautes et leurs scandales sont tellement à l’abri de la couverture médiatique qu’ils n’ont même pas besoin de faire pression sur les journalistes ou de les menacer pour s’assurer de leur silence.

Conclusion et actions à venir

Il convient de résister fermement aux pressions politiques et commerciales indésirables et la loi doit continuer de protéger la liberté de presse d’intrusions injustifiées. De plus, les journalistes tchèques ont trop souvent été rendus responsables d’erreurs factuelles et de leur échec à rendre compte d’enjeux politiques controversés. L’inévitable conclusion est que trop de journalistes tchèques préfèrent éviter la confrontation plutôt que de d’affronter les conséquences d’un travail d’enquête rigoureux et minutieux. Globalement, cette tendance représente également un danger potentiel pour la liberté de presse.

Mise à jour de février 2008

La fin de l’année 2007 et la première partie de 2008 ont été la continuation d’une vaste période de relation inamicale entre les médias et les personnalités politiques nationales. Le Premier Ministre Mirek Topolanek a lui-même déclaré avoir été « choqué » par la manière avec laquelle la télévision publique tchèque a couvert le premier tour des

élections présidentielles qui ont eu lieu récemment. La chaîne a vivement rejeté l’allégation d’avoir échoué à demeurer impartiale dans la couverture de l’événement. En dépit de l’atmosphère tendue, aucun cas éhonté de pression politique sur des journalistes n’a été à déplorer, dans les mois couverts par cette mise à jour.

Les derniers résultats du sondage Eurobaromètre en République tchèque ont révélé un déclin sensible de la confiance du peuple dans les institutions politiques du pays, à un niveau bien plus bas que la moyenne communautaire. Dans le même temps, ces résultats ont confirmé le degré stable et relativement haut de confiance accordée par le peuple aux médias nationaux, qui est bien au dessus de la moyenne communautaire. Ainsi, 70 % des Tchèques ont confiance en la radio (60 % dans l’UE), suivie par la télévision (68 % contre 52 % dans l’UE), et les sites Internet (55 %, à comparer aux seuls 33 % en Europe).

Le Taurillon remercie l’Association des Journalistes Européens pour l’autorisation de publier cet article issu du rapport « Goodbye to freedom » et de sa mise à jour du mois de février 2008.
Illustrations :

 le drapeau de la République Tchèque ; source Wikipedia

 le logo de l’AEJ

 le logo du rapport « Goodbye to freedom »

Vos commentaires
  • Le 8 novembre 2008 à 15:00, par Possémé Charlène En réponse à : République Tchèque et liberté de la presse

    Bonjour,

    Je suis étudiante en licence professionnelle ADIE (Attachée au Développement International des Entreprises) à l’IUT de Quimper. Je suis à la recherche des noms de revues et de magazines agricoles tchèques et slovaques. Or, j’ai dû mal à trouver des informations. Si vous pouviez me donner des noms, cela m’aiderais beaucoup. Je vous remercie par avance.

    Cordialement,

    Melle Possémé Charlène

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