Notre séjour de 18 jours en Slovaquie fut remarquablement complet. Trois grandes villes (Bratislava, Banska Bystrica et Kosice), 14 interventions dans les écoles et 7 familles qui nous ont offert l’hospitalité.
La fameuse hospitalité slovaque...
Arrivés à Bratislava le 12 janvier, en fin d’après-midi, nous dormirons le premier soir dans notre camionnette. Mais dès le lendemain, et jusqu’à la fin de notre séjour en Slovaquie, nous bénéficierons de l’hospitalité des élèves devant lesquels nous intervenons ou de celle de lecteurs français présent dans les lycées bilingues.
En effet, tous les professeurs qui nous reçoivent font preuve d’une rare gentillesse et se font un devoir de nous trouver des élèves prêts à nous héberger. Nous en sommes d’autant plus satisfaits que nous échapperons ainsi à la terrible vague de froid venu de Sibérie qui a fait descendre les températures en dessous des -20°. De ma vie je n’ai pas souvenir d’avoir eu aussi froid !
En logeant dans ces familles nous réalisons le « voyage humain » auquel nous aspirons. Par exemple, à Bratislava, nous logerons dans la famille d’Aléna, dans un petit village, Most pri Bratislava (le pont avant Bratislava) à une dizaine de kilomètres de la capitale.
Le week-end, nous rendrons visite, tour à tour, à ses quatre grands parents. Seront présent également des oncles et tantes et les parents d’Aléna. Par deux fois nous aurons plus de trois heures de discussion.
Apprendre au contact d’autrui...
Nous voulons tout savoir. Ont-ils encore des souvenirs de la Seconde Guerre mondiale ? Quel était leur travail ? Quels souvenirs gardent-t-ils de leurs années passées ? Comment ont-ils vécu les événements de 1989, lors de la chute du communisme ? Ceux de 1993, lors de la séparation de la Tchécoslovaquie ? Que pensent-ils de l’adhésion à l’Union européenne ? Se sentent-ils Slovaques, Européens ?
Nous récolterons une foule d’informations et parmi elles certaines seront inattendues. Durant nos deux interviews, avec ces trois générations réunies, le cliché des temps infâmes du communisme tombe. D’ailleurs pour les quatre grands parents « c’était mieux avant ! ». Les parents d’Aléna n’iront pas jusque là, mais il est très clair que les temps présents sont chargés de nouveaux problèmes qui n’existaient pas avant.
Nous les interrogeons sur 1989. Qu’ont-ils éprouvé à ce moment là ? Nous répéterons une bonne dizaine de fois la question, en l’expliquant sous tous les angles possibles, pour finalement constater l’évidence : ils n’ont absolument RIEN ressenti. Ni joie, ni tristesse, ni espoir... Tout juste savaient-ils ce qui se passait. Une seule chose les inquiétaient : qu’allait-il se passer maintenant ? Et qu’allons nous faire sans les Russes ?
Nous sommes bluffés ! Pour nous Européens de l’ouest (dans les pays que nous avons traversés on nous appellent aussi les « Occidentaux »), il est tellement évident que la chute du Mur de Berlin, qui entraîne dans son sillage celle du communisme, est une grande victoire de l’humanité, de la démocratie sur la tyrannie.
Déboussolés, les Slovaques ?
Pour eux, ils ont avant tout perdu beaucoup de sécurité. Ils se fichent pas mal de la démocratie, ce n’est qu’une autre forme de gouvernement. Nous leur parlons de l’idéal européen d’union entre les peuples. On nous répond que l’URSS avait le même idéal, mais ils conviennent que cela ne se fait pas de la même manière... Ouf !
Il n’empêche, aujourd’hui il y a énormément de chômage, des inégalités beaucoup trop importantes, scandaleuses, les possibilités théoriques de faire beaucoup de choses, sauf que la nouvelle tyrannie de l’argent empêche cette possibilité de se réaliser pour la majorité.
Enfin nous terminons sur la séparation de 1993. Verdict ? « Ce sont deux imbéciles de politiciens qui ont décidé cela ! ». Apparemment les Slovaques ne voulaient pas franchement cette séparation, en tout cas pas ceux que nous avons rencontrés.
Nous constatons une fois de plus le décalage entre toutes les belles théories du « monde intellectuel » et les attentes du « monde réel ». Des repères identitaires, ne pas subir la domination d’une autre culture ou d’un autre pays, une certaine égalité entre les hommes et de quoi vivre décemment, dans une certaine stabilité, en SECURITE, voilà ce que semble avant tout rechercher les êtres humains. Le bon système est celui qui saura assurer ces priorités.
Les défis qui attendent l’Union européenne
Et ce n’est pas ce que fait l’Union européenne aujourd’hui, même si, dans les livres et dans la réalité, c’est une réalisation humaine fantastique que j’affectionne particulièrement.
Mais il ne faut pas confondre théorie et réalité. L’Union européenne peine à se forger une identité, faute de quoi elle favorise le repli identitaire. Elle donne l’impression de ne pas jouer son rôle en ce qui concerne la protection du citoyen mais plutôt de défaire les règles établies et de se plier au diktat de l’économie mondiale, ce qui est tout de même en partie la vérité.
Les inégalités n’ont jamais été aussi grandes et l’instabilité mêlée de précarité est toujours plus importante. Bref, dans ces conditions, les demandes de stabilité et de sécurité minimale ne sont pas remplies. Et faute de projet clair et cohérent, le futur est incertain, il fait peur, il facilite le repli sur soi, l’individualisme et le nationalisme.
Il ne faut donc pas s’étonner que l’Union européenne ne réussisse pas à faire chavirer le cœur des Européens. Ces populations qui ont fait tant d’efforts pour devenir des « membres officiels » sont aigries, déçues. Pourtant une touche positive subsiste : tous nous disent que « plus tard, puisque nous faisons parti de l’Union européenne, ce sera mieux ! ». Il faudra prendre garde à ne pas décevoir ce dernier espoir !
Un rapport complexe au voisin tchèque
Les interventions que nous réalisons semblent toujours, pour la majorité d’entre elles, beaucoup plaire aux lycéens comme aux professeurs que nous rencontrons. Nous n’apprendrons rien de particulier si ce n’est l’attraction majeure qu’exerce sur eux aussi la ville de Prague pour aller y étudier.
Rien ne les distingue fondamentalement de leurs voisins Tchèques desquels, d’ailleurs, ils se sentent encore très proches.
Une élève nous avouera même qu’elle se sent « tchécoslovaque » entraînant l’indignation bruyante de ses camarades de classe. Nous leur demandons immédiatement « pourquoi une telle réaction ? » Vous l’aurez deviné, personne ne sera capable de nous répondre !
La brûlante question magyare
Au sujet des problématiques identitaires, il faut évoquer la « question hongroise ». Sur une population de 5 millions d’habitants, la Slovaquie compte une minorité de 600 000 hongrois, pour la grande majorité d’entre eux localisés dans le sud du pays.
Il faut savoir que la Slovaquie a toujours été une partie de la Hongrie jusqu’au démantèlement de cette dernière après la première guerre mondiale et le fameux « Traité de Trianon ». L’histoire de ce petit pays est donc très récente et le rapport avec les Hongrois difficile, en particulier avec la minorité qui vit dans le pays. Nous n’avons pas senti de réelle haine à leur encontre mais une certaine animosité.
Les Slovaques nous ont souvent fait part des droits trop élevés, à leurs yeux, dont bénéficient la minorité hongroise. Ces derniers deviendraient même parfois discriminants à l’encontre des Slovaques, toujours selon eux.
Quant au grand-père d’Aléna il nous avouera qu’il n’aime pas les Hongrois, mais il a l’intelligence d’ajouter que c’est normal car il a toujours appris, à l’école, que les Hongrois ont dominé les Slovaques pendant 1000 ans. Quoi qu’il en soit, les rapports entre ces deux nationalités restent tendus !
L’explosive question tzigane
Enfin nous terminerons par la « question tzigane ». Celle-ci est réellement explosive ! Même si nous ne l’avons pas ressenti directement, les nombreux témoignages de nos amis lecteurs rencontrés dans le lycée bilingue de Kosice semblent confirmer que le racisme à l’encontre des tziganes reste omniprésent, normal, même parmi les plus jeunes.
La « question tzigane » concerne plusieurs millions d’individus, 5 millions me semble-t-il, présent avant tout en Slovaquie, Hongrie et Roumanie. Nous pourrons y revenir prochainement.
Reste que notre séjour fut donc, néanmoins, très complet, ponctués d’excellents souvenirs (voir les notes « Bratislava », « Banska Bystrica » et « Kosice » dans la rubrique « Où sommes nous ? » de notre blog). Mais, une fois de plus, 18 jours restent bien peu de chose pour se faire une idée précise du pays.
Nous repartons néanmoins très satisfaits de tous ces visages, ces familles, ces discussions, ces villes et ces interventions dans les écoles, dont regorge notre boîte à souvenir.
1. Le 10 mars 2006 à 05:57, par Ronan Blaise En réponse à : « Rêve d’Europe » en Slovaquie
Prochaines échéances électorales en Slovaquie :
Les élections législatives (anticipées) du 17 juin prochain, suite à la dissolution de l’actuelle coalition gouvernementale (le 6 février dernier) avec le départ des chrétiens-démocrates (KDH) de la coalition au pouvoir menée par le Premier ministre Mikulas Dzurinda (SDKU).
2. Le 10 mars 2006 à 13:56, par Fabien En réponse à : « Rêve d’Europe » en Slovaquie
La coalition au gouvernement a explosé ces dernières semaines suite à un accord signé avec le Vatican. Certains analystes voient un pôle conservateur se former entre la Pologne, la Slovaquie, la Tchéquie et peut-être la Hongrie (suivant les élections qui vont se dérouler)...
3. Le 10 mars 2006 à 14:48, par Ronan Blaise En réponse à : « Rêve d’Europe » en Slovaquie
Plus exactement, il semblerait en fait que ce soit le rejet d’un accord de Concordat avec le Vatican (par l’actuel PM Mikulas Dzurinda...) qui ait provoqué le départ des chrétiens-démocrates (favorable à cet accord) du gouvernement et qui ait donc fait ’’exploser’’ l’actuelle coalition au pouvoir...
(Ronan)
Slovaquie : le rejet d’un traité avec le Vatican mène à des législatives mercredi 8 février 2006
AFP 07.02.06 | La décision du Premier ministre slovaque Mikulas Dzurinda de rejeter un texte, qui aurait notamment permis aux médecins catholiques de refuser de pratiquer des avortements, a provoqué mardi une grave crise gouvernementale dans ce petit pays d’Europe centrale.
A huit mois des élections législatives, la coalition gouvernementale de centre droit formée après les élections de 2002 vient en effet d’éclater à cause d’une clause dite « de conscience » inscrite dans un traité signé avec le Vatican en 2002. Le texte aurait permis aux catholiques de refuser certains actes au nom de la clause de conscience, comme, pour les médecins de pratiquer des avortements, les enseignants de professer le darwinisme ou les salariés de travailler le dimanche.
Lundi, le Premier ministre avait fait savoir qu’il s’opposait à la ratification de ce texte qu’il a jugé « mauvais » parce qu’il « risquait de donner un poids très important à l’Eglise catholique dans le processus des décisions séculières ». Les chrétiens-démocrates du KDH qui soutenaient vigoureusement la clause ont alors décidé de se retirer de la coalition gouvernementale et annoncé mardi leur décision d’« entrer dans l’opposition ».
Leur retrait a poussé Mikulas Dzurinda qui se retrouve désormais à la tête d’un gouvernement ultraminoritaire, à proposer d’organiser des législatives anticipées en juin, trois mois avant l’échéance normale. Consultés, les partis politiques se sont mis d’accord mardi soir sur la date du 17 juin. Le principe du scrutin anticipé doit encore être soumis au parlement jeudi, mais la majorité requise (90 voix sur 150) est d’ores et déjà assurée.
Jusqu’au scrutin, la coalition libérale et pro-européenne formée par quatre partis de droite et de centre droit se réduira à l’Union démocratique-chrétienne slovaque (SDKU) de M. Dzurinda et au Parti de la coalition hongroise (SMK), qui disposent de 53 députés et de l’appui ponctuel de plusieurs élus indépendants. « Nous voulons tout faire pour que la Slovaquie ne perde pas sa renommée, son image (...) et sa stabilité économique : nous voulons la stabilité et non le chaos », a affirmé M. Dzurinda mardi.
Jusqu’à présent, ce quinquagénaire libéral, démocrate et catholique avait multiplié les concessions pour préserver la cohésion de sa fragile coalition gouvernementale, à l’origine d’une série de réformes économiques et sociales radicales doublées d’un ambitieux programme de privatisation. Les chrétiens-démocrates du KDH, ouvertement opposés aux avortements et au partenariat des homosexuels, avaient ainsi obtenu gain de cause sur l’introduction du catéchisme au programme des écoles primaires.
Sur la clause de conscience, M. Dzurinda s’est finalement refusé à tout compromis en estimant que le texte « donnerait une situation différente aux catholiques de celle des autres croyants et du reste de la population ». « Je pense que le fait de poser des ultimatums, de faire pression ou d’utiliser la violence ne peut constituer un moyen pour trouver des accords », a-t-il dit mardi.
Les derniers sondages donnent un net avantage au jeune chef de l’opposition Robert Fico (Smer, centre gauche), alors que les dernières élections régionales de novembre avaient été marquées par une abstention très importante des électeurs slovaques.
4. Le 18 juin 2006 à 10:42, par Ronan Blaise En réponse à : « Rêve d’Europe » en Slovaquie
- Résultats des Elections législatives slovaques du 17 juin 2005 :
Ici, l’enjeu du scrutin était d’accorder à Mikulas Dzurinda un troisième mandat ou de donner sa chance à la gauche, qui promet de revenir sur les réformes libérales mises en oeuvre par l’actuel gouvernement.
Et, ce samedi, le parti « Smer » (parti d’opposition de gauche) aurait remporté les élections législatives en Slovaquie, arrivant en tête du scrutin avec 27,2% des voix d’après les sondages de sortie d’urnes.
Néanmoins le Premier ministre sortant, le réformateur Mikulas Dzurinda, pourrait rester au pouvoir s’il s’allie avec d’autres formations de centre-droit.
En effet, la formation de Dzurinda est quant à elle créditée de 19%. Mais avec l’aide de deux autres partis de centre-droit, le chef du gouvernement sortant pourrait totaliser 39,4% des suffrages...
Affaire à suivre...
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