Traité de Lisbonne

Robert Toulemon : « Le rejet du traité plongerait l’Europe dans une crise d’une extrême gravité »

, par Fabien Cazenave

Robert Toulemon : « Le rejet du traité plongerait l'Europe dans une crise d'une extrême gravité »

Alors que le processus de ratification parlementaire du traité de Lisbonne suit son cours, le Taurillon ouvre ses colonnes à plusieurs personnalités, politiques ou de la société civile. Aujourd’hui, Robert Toulemon, qui est notamment l’auteur du livre « Aimer l’Europe ».

Le Taurillon : Le traité de Lisbonne va bientôt être proposé à la ratification par voie parlementaire en France. Si vous étiez député ou sénateur, que voteriez-vous et pourquoi ?

Robert Toulemon : Je voterai la ratification sans la moindre hésitation. Non que ce traité soit sans défaut mais son rejet plongerait l’Europe dans une crise d’une extrême gravité. L’essentiel des réformes institutionnelles est préservé. Les défauts du traité : dualité des présidences avec les risques de conflit et d’incohérence qui en résultent, composition de la Commission avec rotation égalitaire désavantageant les « grands » pays, maintien de l’unanimité en matière fiscale et pour la création de ressources propres étaient déjà dans le traité constitutionnel. La renonciation à inscrire les symboles dans le texte ne signifie évidemment pas leur abandon mais donne un signal négatif alors que tout devrait être fait pour conforter le sentiment d’une identité européenne.

Quant à la demande d’un nouveau referendum, elle est absurde car elle obligerait Gordon Brown à en organiser un dont l’échec serait certain. L’expérience montre que soumettre des textes compliqués à des électeurs qui ne peuvent en apprécier la portée est une caricature de démocratie. Il faut réhabiliter la démocratie représentative. On oublie que certains électeurs ont voté non ou se sont abstenus par refus de se prononcer sur des questions qu’ils estimaient relever de l’appréciation de leurs représentants.

Le Taurillon : Quelles sont les principales avancées du texte selon vous ?

Robert Toulemon : L’extension du champ des décisions relevant de la majorité qualifiée et de la codécision du Parlement, la création d’un haut-représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune qui sera vice-président de la Commission et présidera le Conseil des ministres des Affaires étrangères, enfin l’extension des compétences partagées de l’Union en matière d’énergie, d’espace et des compétences dites d’appui ou de complément dans divers domaines ( protection civile, propriété intellectuelle, tourisme, coopération administrative, sport) sont les avancées principales.

Peut-on ranger la création d’un président stable et à temps complet du Conseil européen parmi les avancées ? L’avenir le dira. Ou bien ce nouveau président coopèrera étroitement avec celui de la Commission en attendant une fusion éventuelle des deux fonctions que le traité n’interdit pas, ou bien il se considèrera comme le défenseur de l’approche intergouvernementale et entrera inévitablement en conflit avec la Commission et le Parlement. En tout état de cause, la coopération entre les deux présidents, le haut-représentant, le président de l’eurogroupe et le chef d’État ou de gouvernement du pays exerçant la présidence tournante, qui subsiste pour les Conseils spécialisés, n’ira pas sans poser des problèmes délicats. Déjà la composition, la dimension et les attributions du service diplomatique prévu par le traité fait apparaître des divergences. Il semble que l’Allemagne ait renoncé au service diplomatique étoffé qu’elle envisageait si le traité constitutionnel avait été ratifié.

Le Taurillon : Peut-on en rester au Traité de Nice qui régit actuellement l’Union européenne ?

Robert Toulemon : En rester au traité de Nice ne condamnerait pas l’Union à l’impuissance. Elle fonctionne aujourd’hui dans ce cadre. Mais tout progrès de l’intégration deviendrait impossible, notamment dans les domaines nouveaux (énergie, espace, environnement, sécurité intérieure et extérieure, affaires étrangères). Plutôt que les mécanismes, c’est le dynamisme de l’ensemble qui serait brisé.

Le Taurillon : Est-ce que ce texte est un traité "sarkozyste" comme le disent nos médias français ?

Robert Toulemon : Le mérite de Sarkozy est d’avoir réussi à convaincre les Allemands de renoncer au traité constitutionnel auquel ils étaient très attachés et d’avoir eu le courage d’annoncer avant l’élection présidentielle qu’il ne ferait pas de nouveau referendum mais opterait pour la ratification parlementaire d’un nouveau texte, ce qui sauve la procédure du point de vue de la démocratie. En revanche, c’est à la Convention présidée par Valéry Giscard d’Estaing que l’on doit les avancées contenues dans le traité ainsi d’ailleurs que ses lacunes et imperfections. Enfin c’est à Angela Merkel et à la présidence allemande du premier semestre 2007 que revient le mérite de l’accord détaillé et complet obtenu au Conseil européen de juin à Berlin. Quant à l’appellation de traité simplifié, il faut s’empresser de l’oublier car la caractéristique du nouveau texte est sa complication puisqu’il est composé d’amendements aux traités antérieurs.

Espérons qu’un jour viendra où les peuples de l’Europe, ou certains d’entre eux, voudront se doter d’une constitution fédérale et démocratique sans laquelle ils devraient renoncer à contribuer à un ordre mondial meilleur et seraient inéluctablement condamnés à devenir des sujets d’une Histoire qui leur échapperait pour toujours.

Illustration : photographie de Robert Toulemon, issue de son blog

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