Roumanie et liberté de la presse

Rapport « Good Bye to Freedom 2008 »

, par Traduit par Pauline Gessant, Ruxandra Ana

Roumanie et liberté de la presse

Le rapport sur la liberté de la Presse en Europe « GoodBye to Freedom » vient d’être publié par l’Association des Journalistes Européens. Le Taurillon a décidé de publier le résultat de cet énorme travail. Aujourd’hui, voici la situation en Roumanie.

Présentation générale

Le panel de médias roumains a augmenté en taille et en diversité ces dernières années et les lois fournissent des garanties formelles d’indépendance. Mais en pratique la liberté et l’indépendance de la presse sont un espoir lointain à cause de la forte concentration des médias dans quelques mains et de l’implication directe des médias dans les querelles partisanes et les luttes de pouvoir entre les figures politiques rivales ces dernières années.

Les medias de masse en Roumanie souffrent vivement d’un manque d’indépendance politique, qui a ébranlé la confiance publique et a encouragé la suspicion envers les personnalités puissantes de la vie publique qui auraient utiliser leur influence dans les médias pour atteindre des fins politiques partisanes ou orchestrer des campagnes délibérées de diffamation contre les opposants. Les niveaux journalistiques professionnels sont inégaux ou pauvres. Les reportages sans source ou les attaques personnelles sont communs et il y a une tendance globale grandissante au sensationnalisme et à la banalisation des sujets.

A l’époque de l’écriture de cet article, des législateurs essaient de voter un certain nombre de nouvelles infractions de presse, y compris une interdiction de filmer secrètement, qui pourrait empêcher les investigations des médias sur les corruptions à un haut niveau. Les infractions proposées pourraient être passible d’une peine maximale de 7 ans de prion. La vie politique roumaine a récemment été gâchée par des arguments au sujet d’enquêtes sur des affaires de corruption impliquant un ancien Ministre de l’Agriculture ainsi que l’ancien Premier Ministre, Adrian Nastase et d’autres personnes. Une personnalité qui a fait beaucoup pour établir un système judiciaire indépendant et éliminer la corruption de haut niveau, en tant que Ministre de la Justice, Monica Mocei, a été évincée lors d’un conflit politique en janvier 2007.

Les préoccupations de longue date au sujet de l’influence politique et de la mauvaise gestion au sein de la Télévision Publique Roumaine (TVR) persistent encore. Une nouvelle loi conçue pour répondre aux critiques à la fois en Roumanie et à l’étranger a été différée longuement au Parlement. La faiblesse principale du système est qu’il permet aux partis politiques de nommer les membres des conseils de direction à la fois pour la radio et la télévision publiques et que ce défaut n’a pas été corrigé. La contestation s’est particulièrement accrue en rancœur à cause de l’importance de la télévision et de la radio publique dans l’influence sur l’opinion publique à l’époque d’une confrontation violente et durable entre des camps politiques rivaux représentés par le Président Traian Băsescu et le Premier Ministre Calin Popescu Tariceanu.

Les medias de masse en Roumanie souffrent vivement d’un manque d’indépendance politique

Les medias audiovisuels sont inclus dans une étude continue menée par l’EUMAP (EU Monitoring and Advocacy Program) de l’Open Society Institute en partenariat avec le Network Media Program de l’OSI. Son premier rapport « Television across Europe : regulation, policy and independence » est disponible sur http://wwww.eumap.org .

Depuis la chute du régime communiste en 1989, les médias roumains ont traversé des changements radicaux, comme les autres nouvelles démocraties de la région. Les médias ne sont plus obligés de faire ce que leur dit un parti communiste tout puissant, et la censure a été abolie. Pourtant, de nouvelles formes plus subtiles de contrôle des médias se sont rapidement développées, au sein desquelles la propriété du secteur commercial des médias a été souvent utilisée comme un outil pour atteindre une influence politique. Aujourd’hui quelques très rares acteurs privés dominent le marché des médias et servent les groupes d’intérêts rivaux autour du Président, du Premier Ministre ou de l’un ou l’autre des partis politiques au pouvoir. Il y a un manque général de transparence, puisque les lois anti-monopoles sont faibles et inefficaces, et les propriétaires des entreprises de médias sont capables d’éviter la divulgation d’informations sur leurs finances.

La bataille politique roumaine s’est intensifiée cette année avec la décision du Parlement en avril de suspendre le Président Băsescu de ses fonctions pour avoir usurpé le rôle du Premier Ministre et la ré-installation ultérieure de M. Băsescu en mai suite au soutien manifesté par un référendum populaire. La polarisation des médias pendant cette période et le manque de retenus ou de qualité dans les reportages politiques ont surligné le besoin des règles beaucoup plus strictes pour assurer un minimum de niveau d’information publique et de décence. Le cas d’étude suivant de l’incident le plus médiatisé impliquant le Président Traian Băsescu et une journaliste le jour du référendum illustre le manque d’impartialité ou de standards professionnels fiables au sein des médias roumains.

Cas d’étude : les niveaux faibles des politiques et des medias roumains révélés par l’histoire de “l’insulte présidentielle”

Le referendum s’est déroulé le 19 mai 2007 après qu’une majorité de parlementaires ait voté en faveur de la suspension du président Băsescu afin de l’empêcher de violer la Constitution en étendant ses pouvoirs pour intervenir dans les affaires intérieures. Le Président a été réinstallé quand 74 % des votants ont rejeté la proposition d’accusation, en accord avec une décision antérieure de la cour constitutionnelle selon laquelle il n’aurait pas abusé de ses pouvoirs.

Le jour du referendum, le Président fut suivi de l’école où il vota jusqu’à un supermarché par Andrea Pană, une journaliste de la chaine de télévision Antena 1. Là-bas elle utilisa son téléphone portable pour le filmer en train de faire des courses avec sa femme. La journaliste le questionna continuellement sur le référendum et M. Băsescu perdit son calme, arracha son téléphone et le mit dans sa poche. Il ne réalisa pas quand il quitta le parking du supermarché que le téléphone était toujours entrain d’enregistrer et sa voix fut enregistrée quand il fit remarquer à sa femme que « cette tzigane puante était tellement agressive ». Après être rentré chez lui, le Président donna le téléphone aux agents de sécurité présidentiels qui le rendirent à la journaliste sans effacer l’enregistrement de l’échange entre le Président et sa femme. Un scandale public éclata quand le contenu de l’enregistrement fut diffusé sur les chaînes de télévision roumaines.

La Roumanie, qui a rejoint l’Union européenne le 1er janvier de cette année 2007, a la plus importante population de Roms, qui sont parfois familièrement désignés comme tziganes bien que le terme soit reconnu comme étant offensif. L’UE a rappelé à plusieurs reprises à la Roumanie qu’elle devait faire plus pour stopper la discrimination envers les plus de deux millions de Roms, qui représentent la minorité ethnique la plus importante et la plus pauvre. Peu de mesures efficaces ont été prises, malgré plusieurs avertissements du Comité national contre la Discrimination et d’autres ONG représentant les minorités. De plus les médias eux-mêmes sont considérés communément comme jouant un rôle significatif en soutenant le climat social qui rend possible la discrimination. Pourtant après l’incident impliquant le Président et la journaliste Andreea Pană, de nombreux titres majeurs de presse, notamment ceux détenus par les critiques virulentes à l’égard du Président, se sont saisis du scandale pour exprimer leur indignation et pour conduire une nouvelle campagne de dénonciation du Président.

La plupart des critiques les plus véhémentes du Président sont venues des journaux commerciaux et des chaines de TV qui sont détenus par des personnalités qui sont connus comme opposants et critiques vis-à-vis de Mr Băsescu. Parmi ceux-ci, le journal Adevărul, propriété de Dinu Patriciu, un supporteur du Premier Ministre dans son affrontement avec le Président ; Impact Media Trust, comprenant les chaines de télévision Antena 1 et Antena 3,et détenu par Dan Voiculescu, leader du parti conservateur ; et le journal Ziua, dirigé par Sorin Roşca Stănescu, un journaliste qui s’identifie lui-même comme un opposant au Président et qui a reconnu son implication dans le passé avec la police secrète Securitate à l’époque communiste.

Le Président Băsescu a été publiquement réprimandé par le Conseil national roumain contre les discriminations, qui a qualifié ses remarques d’ « humiliantes ». Et quelques jours après l’incident, il s’excusa publiquement auprès de la journaliste qu’il avait

insultée. Le Club Roumain de la Presse a également déposé une plainte, déclarant « inacceptable et abusif » les mots du Président. Un appel du Club Roumain de la Presse pour un boycott par les médias de la réinstallation du Président à son poste eut peu ou pas d’impact.

Les partisans du Président maintiennent que l’attaque des médias contre lui était opportuniste et fut utilisé largement comme un prétexte pour affaiblir son autorité à un moment où il était déjà profondément embarrassé par sa propre perte de contrôle de soi. Le rapport 2006 de l’Agence roumaine de monitoring de la presse a enquêté sur l’image des Roms et des autres minorités présentée dans la presse locale et nationale et a conclu que de nombreux médias étaient eux-mêmes coupables de perpétuer une image négative des Roms.

Conclusion et Action future

Cet épisode fait du tord à toutes les personnes concernées. Les médias roumains sont liés aux factions politiques. Ils manquent de rigueur professionnelle et d’indépendance, nécessaires pour s’attaquer aux problèmes chroniques de corruption et de discrimination dans la société.

Les services audiovisuels publics roumains nécessitent des réformes urgentes pour renforcer leur véritable indépendance. Et les médias roumains dans leur ensemble ont besoin urgemment des conseils et de soutien d’organes extérieurs, y compris leurs collègues journalistes européens, pour les aider à augmenter leurs niveaux et à restaurer la réputation de la profession à l’intérieur de la Roumanie.

Le Taurillon remercie l’Association des Journalistes Européens pour l’autorisation de publier cet article issu du rapport "Goodbye to freedom et de sa mise à jour du mois de février 2008".
Illustrations :

 le drapeau de la Roumanie ; source Wikipedia

 le logo de l’AEJ

 le logo du rapport "Goodbye to freedom"

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