Sûreté nucléaire, un pas dans la bonne direction ou une arnaque de l’Union européenne ?

, par Olivier Jossinet

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Sûreté nucléaire, un pas dans la bonne direction ou une arnaque de l'Union européenne ?

La première directive européenne sur la sûreté nucléaire vient juste d’être publiée. C’est un document profondément limité, qui manque même de fondement juridique international. Son utilité est défendable, tout au mieux. Néanmoins, parce que c’est une problématique importante et transfrontalière, ceux qui agissent pour la promotion d’une intégration européenne devraient voir dans cette directive un cas d’école illustrant jusqu’à quel point les choses peuvent tourner mal si l’on n’y prend pas garde.

Depuis le début, les Etats ont été extrêmement protecteurs de leurs droits souverains sur leurs installations nucléaires. Ce n’est qu’à partir de 1994 que la communauté internationale s’est mise d’accord sur un traité régulant la sûreté nucléaire. Et même depuis, le traité ne comportait que des obligations très générales (bien qu’importantes) que les Etats pouvaient interpréter différemment et il n’y avait aucun mécanisme astreignant les Etats à ces obligations.

L’Europe a légiféré tôt

Au sein de l’Union européenne, nous avons depuis longtemps une réglementation détaillée sur la protection radiologique, sur la sécurité du personnel médical exposé aux radiations, sur le transport des substances et des déchets radioactifs, sur la sécurité des sources radioactives scellées, etc. Mais malgré l’implication de la Communauté européenne de l’énergie atomique (CECA) depuis 1957, il n’y a jamais eu de réglementation sur la sécurité des installations nucléaires. Durant un certain temps, des Etats ont en effet argumenté que l’Union européenne ne pouvait pas légiférer dans ce domaine, mais la Cour européenne de justice a réglé le problème.

Lorsqu’il s’agit de la sécurité des réacteurs nucléaires (et d’autres installations nucléaires), il y a nul doute que des tests subsidiaires sont validés et que l’Union européenne doit intervenir pour assurer la protection de tous les Etats membres. Un incident dans le réacteur nucléaire d’un Etat membre nous concerne tous.

La Commission européenne a d’abord proposé une directive de sûreté nucléaire en 2002. La proposition initiale était plutôt modeste, mais laissait entendre que de nouvelles directives allaient être adoptées pour inclure une réglementation plus spécifique. Cela aurait permis à la Commission de créer progressivement des lois européennes qui iraient au delà des obligations générales internationales et qui garantiraient un niveau supérieur de sécurité pour l’ensemble des citoyens européens. La Commission européenne aurait notamment eu le pouvoir de vérifier le fonctionnement des autorités nationales dans ce domaine.

Cependant cette proposition a été démolie jusqu’à ce qu’elle soit complètement dénuée de mérite et d’utilité. Même depuis, elle était considérée comme inacceptable pour une minorité bloquante et a du être abandonnée.

Les Etats nucléarisés bloquent les discussions

Le projet a refait surface en 2007, mais la minorité de blocage, composée de la plupart des Etats membres de l’Ouest ayant des centrales nucléaires, était toujours en place. Ces Etats ont résisté à l’adoption de toutes réglementations plus spécifiques que celles auxquelles ils étaient déjà soumis par les lois internationales. Il est ainsi clair, qu’ils ne laisseraient pas la Commission superviser leur sûreté nucléaire.

Cela est choquant pour plusieurs raisons. Tout d’abord, comment un Etat peut-il justifier son refus de voir l’Union européenne s’assurer de la sûreté de ses installations nucléaires ? Deuxièmement, les Etats de l’Ouest ont, une fois de plus, fait preuve d’une contradiction dans leurs principes, car ils ont exigé que les nouveaux membres, entrés entre 2004 et 2007, devaient être soumis à une réglementation spécifique pour leurs installations nucléaires et qu’elles devaient être contrôlées par la Commission avant leur adhésion.

Comment avons nous pu en arriver là ? Comment pouvons nous désormais avoir une directive sur la sûreté nucléaire qui en dit moins que les conventions internationales déjà existantes ? Peut-être parce que personne n’en parle. Il n’y a rien aux informations. Même les ONGs environnementalistes n’ont pas réussi à suivre correctement l’affaire.

Une autre proposition de la Commission en 2002, sur la gestion des déchets nucléaires, n’a pas été ressuscitée. Il n’y a pas encore de lois européennes sur ce sujet. Dans l’ensemble de l’Union européenne, seul un Etat membre a commencé la création d’un lieu de stockage définitif pour les déchets nucléaires.

Initier une prise de conscience publique

La question du nucléaire possède un réel potentiel pour attirer l’attention du public. La sûreté nucléaire est vraiment un sujet autour duquel l’ensemble des citoyens européens peuvent s’allier. Si nous voulons vraiment promouvoir l’intégration européenne à un niveau supérieur, alors nous devrions saisir cette opportunité pour initier une prise de conscience du public. Les citoyens doivent sentir qu’ils peuvent influencer la politique de l’Union européenne, et que la politique européenne compte. Dans le cas présent elle compte, et nous pouvons y faire quelque chose. Les citoyens belges, britanniques, finlandais, français, allemands et suédois doivent savoir que leur gouvernement les prive d’une plus grande sécurité, en évitant qu’une législation européenne soit adoptée pour garantir un niveau minimum de sûreté nucléaire pour l’ensemble de l’Union européenne.

Tchernobyl s’est produit dans un contexte de souveraineté nationale flou. Lorsqu’il s’agit de sûreté nucléaire, nous devrions tous vouloir que quelqu’un surveille nos gouvernements pour s’assurer qu’ils nous protègent correctement.

Image : symbole du nucléaire. Source : google images

Vos commentaires
  • Le 20 septembre 2009 à 06:19, par Martina Latina En réponse à : Sûreté nucléaire, un pas dans la bonne direction ou une arnaque de l’Union européenne ?

    Maintenant que les Etats-Unis viennent de renoncer à leur bouclier anti-missile sur le sol européen et relancent délibérément le processus de paix au Proche-Orient, il est non seulement possible, mais surtout nécessaire, que les Européens prennent en main, avec autant d’audace que de prudence, leur sécurité nuclaire et leur défense commune :

    L’EUROPE a les moyens de mener la concertation scientifique, technique et politique indispensable à la sauvegarde de ses citoyens, de l’environnement et à la dynamique de la paix, si elle travaille dans l’esprit de respect et d’innovation greffé sur son NOM par la fille à la VASTE VUE. Que cet envoi devenu habituel au bas de mes réponses ne nous agace ni ne nous décourage : il nous rappelle le long chemin parcouru depuis l’Antiquité, depuis les Phéniciens, et nous renvoie à la responsabilité « de longue portée » que nous a confiée l’énergie d’EUROPE.

  • Le 20 septembre 2009 à 11:01, par Ronan En réponse à : Sûreté nucléaire, un pas dans la bonne direction ou une arnaque de l’Union européenne ?

    Je pense qu’il y a là un cruel malentendu : les Etats-Unis n’ont aucunement renoncé à leur projet de bouclier anti-missile sur le sol européen : ils ont renoncé à le placer en Pologne et République tchèque pour mieux le redéployer au Kosovo (base de Camp Bondsteel) et en FYROM-Macédoine (la Serbie et l’Albanie seraient également associées dans l’affaire...).

    Malentendu cruel dans la mesure où cette base de Camp Bondsteel (qui sera bientôt le principal site militaire du Kosovo, sinon des Balkans tout entiers...) n’est placée ni sous le contrôle de l’ONU, ni de l’UE, ni de l’OTAN. Mais sous seul contrôle étasunien. Ce qui n’aurait pas été le cas dans l’ancienne configuration prévue...

    (Cf. « Un bouclier dans les Balkans » éditorial publié in « Courrier International » n°984, page 6).

  • Le 20 septembre 2009 à 12:18, par Martina Latina En réponse à : Sûreté nucléaire, un pas dans la bonne direction ou une arnaque de l’Union européenne ?

    Merci pour cette précision, d’importance et de poids : sans aucun doute à diffuser pour une prise de conscience politique et citoyenne en espérant qu’elle fera bouger à temps, dans le bon sens, les divers responsables de la défense, des affaires étrangères et européennes ; il y va de notre sécurité, de nos perspectives, bref de notre intégrité européennes.

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