Troy Davis : L’Europe unie contre la peine de mort

, par Stéphanie Khoury Lattouf

Troy Davis : L'Europe unie contre la peine de mort
Manifestation de soutien à Troy Davis, Bordeaux - par Amnesty International, certains droits réservés

Le refus de la peine de mort est devenu un symbole de l’identité européenne, à l’autel des droits de l’Homme, dans la seconde moitié du 20e siècle ; alors qu’aux États-Unis, hier dans la nuit, après 20 années de doutes quant à sa culpabilité, Troy Davis était exécuté. Cet événement a déclenché une grande mobilisation d’organisations en Europe, du Vatican jusqu’à Amnesty International, démontrant une fois de plus l’importance du principe abolitionniste dans la construction européenne.

Mercredi soir, pendant que l’Histoire s’écrivait de l’autre côté de l’Atlantique, on pouvait la lire sur Twitter en temps réel. C’était une histoire digne de Claude Gueux, avec Amnesty International dans le rôle de Victor Hugo et Troy Davis dans celui du condamné.

Troy Davis : un symbole de la lutte abolitionniste

Depuis la première condamnation pour peine de mort, en août 1991, et surtout les doutes très vifs sur sa culpabilité, des organisations sur le continent européen se sont érigées en soutien de Troy Davis. Très rapidement, celui-ci est devenu le symbole même de la lutte abolitionniste. Ainsi, avec sa mise à mort, au-delà du combat d’un seul homme, il a été question plus vivement qu’autrefois de reparler de la peine capitale et de sa légitimité dans le système judiciaire d’un État démocratique.

Sur Twitter, service de micro-blogging, les militants les moins épuisés ont veillé jusqu’à l’exécution, prévue initialement à 1h00, heure de Paris. Deux minutes avant, rebondissement : recours de la Cour Suprême, il est donc question d’attendre si la décision sera la grâce ou la mort. Trois longues heures passent, pendant lesquelles Troy Davis demeure attaché à sa dernière chaise, puis la réponse tombe : le recours en grâce est refusé. Injection létale. Rideau.

Une Europe unie dans le refus de la peine de mort

Le protocole 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme interdit la peine de mort dans son premier article : «  La peine de mort est abolie. Nul ne peut être condamné à une telle peine ni exécuté. » Ce texte, signé par les États membres du Conseil de l’Europe en novembre 1950 et entré en vigueur le 3 septembre 1953, a été depuis ratifié par 47 États. Ainsi, le Conseil de l’Europe a été précurseur dans le domaine de l’abolition de la peine de mort, sur le principe, puisque l’ONU a attendu décembre 2007 pour adopter une résolution appelant à un moratoire sur les exécutions.

Alors que tous les pays européens (exceptée la Biélorussie) ont voté en faveur de cette résolution internationale, les États-Unis se sont exprimés contre ce texte. Cela n’est pas surprenant : en 2011, la peine de mort est toujours appliquée au niveau fédéral et n’est abolie que dans 16 États (sur 50). L’exécution de Troy Davis aura eu comme effet collatéral d’aborder à nouveau le sujet de la peine de mort ; et pour une fois, l’Europe aura parlé d’une seule voix, en faveur la dignité de l’être humain.

La dignité humaine, valeur fondatrice de l’Europe

Plus tard, dans la nuit, un autre condamné a été exécuté. Il n’y avait aucun doute quant à sa culpabilité, et coupable parfait il l’était : aucun regret d’avoir tué un homme dont le crime était la couleur de peau, pour cet ancien militant du Ku Klux Klan. C’est que l’abolition vaut aussi bien pour les innocents que pour les coupables, comme le rappelait Robert Badinter lors de son discours à l’Assemblée nationale française le 17 septembre 1981 : « Il s’agit bien, en définitive, dans l’abolition, d’un choix fondamental, d’une certaine conception de l’homme et de la justice. Ceux qui veulent une justice qui tue, ceux-là sont animés par une double conviction : qu’il existe des hommes totalement coupables, c’est-à-dire des hommes totalement responsables de leurs actes, et qu’il peut y avoir une justice sûre de son infaillibilité au point de dire que celui-là peut vivre et que celui-là doit mourir. »

« Une certaine conception de l’homme et de la justice », largement partagée sur le continent européen et sans doute un des principes qui rassemble le plus, au niveau des membres de l’Union européenne en particulier. Impossible de conclure sans évoquer les derniers mots de Troy Davis, dans sa lettre à ses proches : « Ce combat pour mettre fin à la peine de mort n’est pas gagné ou perdu à travers moi [...]. N’arrêtez jamais de lutter pour la justice et nous vaincrons ! »

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