La conférence de presse qui suit le sommet européen du 15 et du 16 octobre est un autre moment fort de cette euro-story. Lors de la rencontre avec les journalistes le président de la Commission, impressionné par l’organisation et l’efficacité de la présidence française, fait une déclaration de soutien pour Nicolas Sarkozy au cas où celui-ci déciderait de se présenter pour un poste du Président de l’Union euroépenne. On dirait bien qu’on ne peut que reconnaitre l’existence d’une relation plus qu’amicale entre le président français et l’Europe.
Carrément futur président de l’Union Européenne ?
Il semble que Nicolas Sarkozy a été frappé par un coup de foudre. Il regrette déjà d’avoir à laisser les Tchèques prendre la présidence le 1er janvier 2009 et s’occuper de l’accord entre la Géorgie et la Russie, de la crise financière, de la récession en Europe et de tous les autres dossiers dont il parle avec une tendresse paternelle. Il annonce par avance qu’il ne se taira pas avec la fin de sa présidence. « J’espère que ce n’est pas parce qu’on est plus président de l’Europe qu’on a plus le droit de rien dire sur l’Europe quand même », a-t-il dit d’un ton abattu. Ce qu’on ressent quand on pense a la rentrée alors que les vacances continuent, c’est ce que Nicolas Sarkozy a du ressentir ce jour-ci : il veut en profiter tant que ce n’est pas encore fini mais il est bien désolé que cela se finisse aussi tôt.
Nicolas Sarkozy a commencé son mandat de président de la République en annonçant « le retour de la France en Europe ». Il a ensuite célébré le 14 juillet avec pour arrière plan le drapeau européen et en compagnie des armées des 27 Etats membres de l’UE qui ont défilé aux cotés des Français, du jamais vu dans la tradition du 14 juillet. Et nous voilà donc maintenant, 3 mois après le début de la présidence française, José-Manuel Barroso fait une déclaration du soutien politique pour Nicolas Sarkozy alors même que le poste du Président Européen n’existe pas encore.
Un livre sous le charme de l’empressement de Sarkozy
Le président de la Fondation Schuman, Jean-Dominique Giuliani, lui aussi sous le charme européen de Nicolas Sarkozy, chante la rupture dans la politique européenne française et décrit le Président comme un Européen convaincu qui révolutionne les relations de la France avec les institutions européennes et avec les autres Etats membres. Dans son livre, Un Européen très pressé, il dresse une image de Nicolas Sarkozy en tant qu’Européen dynamique et pragmatique qui ne se lance pas dans des débats doctrinaux inutiles sur la souveraineté et la subsidiarité.
Le président de la Fondation Schumann tache de nous convaincre de l’existence du profond sentiment de Nicolas Sarkozy pour l’Europe en 3 arguments :
– tout d’abord, en introduisant des relations amicales et régulières entre l’Elysée et les institutions européennes, Nicolas Sarkozy instaure, selon lui, un nouveau mode de gouvernance.
– le deuxième mérite du président est de créer des liens d’amitié et de coopération avec les pays de l’Europe Centrale et Orientale après les faux-pas de son prédécesseur (Jacques Chirac) à leur égard.
– enfin, il politise le fonctionnement de l’Union européenne en ressuscitant le débat et la transparence.
Il semblerait qu’on essaie de nous faire croire en une histoire d’amour entre le Président Français et l’Union Européenne… alors que leur relation est beaucoup plus ambiguë que cela.
Un homme pressé ?
La remise en question de la politique commune de pêche, la critique chronique vis-à-vis de la Banque Centrale Européenne et la stratégie derrière la ratification du Pacte Européen sur l’Immigration nous indiquent qu’il s’agirait plutôt d’un flirt et non pas d’un amour véritable pour l’Europe. Nicolas Sarkozy se laisse parfois emporter par le charme du drapeau européen, mais quand il parle aux pêcheurs de Boulogne-sur-Mer ou a la classe moyenne française dont le pouvoir d’achat baisse, l’Europe n’est plus qu’un amourette innocente dont il veut se distancer et qu’il utilise comme une justification de tous les maux qui peuvent venir entacher son mandat. Ce n’est plus l’Europe dont on a besoin, mais l’Europe dont la politique des quotas de pêche sont ridicules, et l’Europe dont la Banque Centrale joue en la défaveur des ménages français en essayant de maitriser l’inflation au lieu de viser la croissance et l’emploi.
Peut-être Jean-Dominique Giuliani a raison, M. Sarkozy est un Européen pressé… peut-être même trop pressé : pressé de ratifier le traité de Lisbonne sans qu’un débat citoyen et un référendum européen n’aient lieu, pressé de faire adopter par le Conseil européen le Pacte sur l’Immigration avant que ce domaine relève de la compétence communautaire et que le Parlement ait son mot a dire, voilà la précipitation européenne de Monsieur Sarkozy. Hors, le consensus permissif n’est plus d’actualité et les Irlandais ont fait la constatation la plus récente de sa mort. Les citoyens ne veulent plus laisser les élites décider de la politique européenne. Il va falloir désormais avancer autrement afin de permettre aux citoyens de se sentir impliqués et de retrouver leur place judicieuse dans l’espace publique européen.
Cependant, l’Europe ne cherche pas d’amant qui la célèbre sans lui porter de regard critique. Elle a besoin de quelqu’un qui la défende avec conviction aux yeux des citoyens dont le soutien et la confiance s’affaiblissent. Elle a besoin de quelqu’un qui la réconcilie avec les citoyens ordinaires, au lieu de lui envoyer des fleurs lors des rendez-vous technocratiques. Elle a besoin de quelqu’un qui parle d’elle aux pécheurs et aux classes moyennes, mais pour cela, encore faut-il dépasser le simple flirt.
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