Vers une fin des subventions européennes aux exportations agricoles ?

Ilse Aigner, ministre allemande de l’agriculture, plaide en faveur !

, par Ingrid Aymes

Vers une fin des subventions européennes aux exportations agricoles ?
Ilse Aigner, Ministre allemande de l’Agriculture Services audiovisuels de la Commission européenne

Il était temps que la problématique des subventions aux exportations agricoles s’immisce au sein des débats actuels portant sur la réforme de la Politique agricole commune (PAC). Alors que les propositions de l’Union européenne sur la réforme de la PAC en 2014 ont été rendues publiques au courant du mois d’Octobre, [1] [2] peu de mentions ont été faites en ce qui concerne les restitutions financières faites aux agriculteurs face à la volatilité du marché agricole mondial. Tandis que l’essentiel des termes du changement porte sur le verdissement et le plafonnement des aides directes, l’Union européenne projette de se constituer une « réserve d’urgence » de 3,5 milliards d’euros destinés au financement d’interventions sur les marchés agricoles à l’instar des restitutions à l’exportation [3].

Le dumping agricole des pays développés et la concurrence déloyale que cette pratique engendre vis-à-vis des pays du Sud est un sujet récurrent au sein de l’espace public. Face au renforcement de la volatilité des prix agricoles, le budget de l’Union européenne consacré à ces subventions en 2011 était de 164 millions d’euros. Assurant ainsi à l’agriculteur européen un prix minimum quelques soit l’évolution des prix agricoles, ces mesures d’aides se font au détriment des pays en développement puisque ces derniers tendent naturellement à se tourner vers ces denrées bon marché. Situé à contre-courant d’une démarche développementaliste, ce processus de dépendance a pour conséquence de détruire toute initiative de production locale et sensibilise ces pays à la forte flambée des prix mondiaux.

Face à ces critiques, la Commission européenne affirme son volontarisme en la matière puisque l’orientation générale des réformes de la Politique agricole commune qu’elle a initiée, allait en ce sens. Afin de pallier à cette concurrence déloyale, ces restitutions aux exportations dites « aides indirectes » ont progressivement été redéployées à travers des « aides directes » visant à garantir un revenu minimal aux agriculteurs indépendamment de leur production. C’est ainsi qu’en 2003, les prix garantis pour le lait et le beurre ont baissé de 25%.

Certes, il est indéniable que ces efforts ont été réels puisque le montant de ces prix garantis a considérablement baissé depuis le début des années 90. Mais face à une telle distorsion des prix du marché agricoles, la solution est-elle seulement circonscrite à une baisse de ces subventions ? Le défi de la lutte contre la pauvreté auquel l’Union européenne a souscrit d’elle-même, ne nécessite-t-il pas, en réalité, une abrogation pure et simple de ces subventions ?

Une Europe solidaire en déclin

En effet, l’évolution de la relation commerciale entre l’Union européenne et les 76 pays ACP (Afrique Caraïbes Pacifique) témoigne du comportement ambigu de l’Union. Cette relation symbolisait l’Europe solidaire puisque qu’elle était régie par les conventions de Lomé et de Cotonou dont l’objet était d’éradiquer la pauvreté dans ces pays par le biais de leur intégration dans le commerce international. Le mécanisme était l’ouverture du marché européen aux produits ACP contre le maintien des droits de douane des marchés de ces pays. Mais depuis l’avènement de l’Organisation mondiale du commerce, la direction de la concurrence de la Commission européenne a subi de nombreuses pressions vis-à-vis de cette relation asymétrique puisqu’elle n’est pas en cohérence avec les règles de l’OMC. En guise de réponse, cette direction a engagé la réforme de ces conventions au cours des années 2000 via les accords de partenariats économiques (APE).

Cependant, à l’image des économies nationales, l’autorégulation du marché est la croyance dominante de ces nouveaux accords. Dans la théorie de cette croyance, l’autorégulation est possible seulement si aucune interférence de la part des autorités publiques n’intervient. Or, les restitutions à l’exportation ne se définissent pas autrement que par des perturbations du marché agricole mondial.

Les APE ne peuvent donc aboutir à des résultats concluants que dans la mesure où aucune interférence n’est tolérée sur le marché des produits agricoles. C’est pourquoi ces subventions doivent avant tout être abrogées. Auquel cas ces accords structureront peut être une relation symétrique dans les termes « OMC » mais avant surtout une « réelle » mise en concurrence asymétrique entre les produits agricoles européens et ceux issus de l’agriculture vivrière.

C’est ainsi que la ministre allemande de l’agriculture, Ilse Aigner, a opéré un revirement total de sa ligne stratégique en la matière. Alors que le gouvernement allemand, au même titre que la France, était en faveur d’une reconduction systématique des restitutions aux exportations, la ministre allemande a affirmé début décembre que « les subventions aux exportations sont aujourd’hui dépassées » et qu’elle mobiliserait Bruxelles pour aboutir à leur suppression.

Il ne reste plus à espérer que cette position ait des effets d’entraînement non seulement auprès des autres gouvernements mais surtout auprès de la Commission européenne. Mais pour se faire, il est nécessaire que la Commission prenne ses décisions de manière nettement plus coordonnée entre ses directions. En effet, la décision d’entreprendre les APE a résulté d’une décision quasi unilatérale de la direction de la concurrence sans conciliation de la part de la direction du développement. Ainsi, en plus d’alimenter le débat sur la politique agricole commune, la position d’Ilse Aigner suscite également des questions quant à l’efficacité de la gouvernance européenne.

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Vos commentaires
  • Le 5 janvier 2012 à 18:06, par Giroud Bernard En réponse à : Vers une fin des subventions européennes aux exportations agricoles ?

    « L’autorégulation du marché est la croyance dominante de ces nouveaux accords. Dans la théorie de cette croyance, l’autorégulation est possible seulement si aucune interférence de la part des autorités publiques n’intervient » Que n’a-t-on jamais entendu pareille folie, come si la sécurité journalière de l’alimentation ne nécessitait pas de la part de ceux qui connaissent les caprices et variations de la nature de veiller sans cesse a avoir une large marge de sécurité, et de bien y veiller. A qui peut-on faire croire, sinon les imbéciles, que le seul appât du gain, de l’enrichissement, ou du commerce peut servir de protecteur contre la famine. « Les conventions de Lomé et de Cotonou dont l’objet était d’éradiquer la pauvreté dans ces pays par le biais de leur intégration dans le commerce international ». Comme si le seul appât du gain, de l’enrichissement, ou du commerce international pouvait éradiquer la pauvreté

    Laissons les casseurs, les vandales sauvages arriérés, et leurs complices cupides construire leur précipice ; Laissons les sots aller se prendre à leur piège. On entendra leurs voix, c’est sur, mais ce sera celles de la peur de ceux qui brulent à la folie qui les fait disparaitre. Car à la fin, c’est bien de cela qu’il s’agit de cette « croyance dominante », ou plutôt de ces quelques orgueilleux, chanceux éphémères sans mérites, qui voudraient installer ce « tintamarre philosophique dominant ». Nous n’avons pas besoin de cette toute puissance orgueilleuse qui marche seulement à la règle de l’esbrouf ou de la cupidité incapable de comprendre, et d’assumer la sécurité d’un devenir humanitaire. Celui-ci, au contraire, a besoin des règles de la sagesse ; Il a besoin de la diversité des règles qui intègrent la richesse du phénomène humain. Il a besoin bien plus surement des qualités d’humilité, d’intelligence, de bienveillance et de dynamisme, qui sert dans un contexte de groupes et d’équipes de travail ou financiers ; C’est un socle beaucoup plus solide pour vivre et durer. L’image sociale de ce groupe assuré, cohérent, permet bien plus surement le développement, que l’inconnu d’un poker commercial sans cesse changeant, qui n’a jamais été capable de remettre un boiteux sur ses pieds. ..

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