C’est une bonne nouvelle comme l’Europe en manque cruellement ces derniers mois. Les députés de la grande coalition au pouvoir à Berlin (le centre-droit de la CDU et le centre-gauche du SPD), et l’ensemble des autres partis à l’exception de la droite radicale de l’AfD, ont voté un amendement à la Constitution de ce Bundesland, l’un des trois Stadtstaaten (Ville-État) allemands (avec Hambourg et Brême). Désormais, l’article premier dispose que « le Land de Berlin reconnaît la nécessité d’une Europe unie, attachée aux principes démocratiques, d’État de droit, sociaux et fédératifs, comme la subsidiarité qui assure l’autonomie des villes et des régions d’Europe ainsi que leur rôle dans le processus décisionnel européen ».
Dans l’hémicycle berlinois, les déclarations fortes de tous les partis se sont enchaînées. Franziska Brychcy, vice-présidente du groupe de gauche radicale Die Linke, a loué « l’entente transpartisane » sur cette réforme, tout en critiquant l’AfD. « L’Europe fait partie de l’identité allemande » a pour sa part déclaré le député de la CDU Burkard Dregger, fils du député fédéral notoirement pro-européen, Alfred Dregger. Frank Zimmermann, représentant du SPD, a insisté sur la « composante européenne de Berlin », cependant que Stefan Förster a déclaré au nom des Libéraux du FDP que Berlin était « la ville la plus européenne d’Allemagne ».
Enfin, les Verts, par l’intermédiaire de Susanna Kahlefeld, ont loué le rôle déterminant des organisations de la société civile, à l’instar de la Europa-Union (l’équivalent de l’Union des Fédéralistes Européens) et le Junge Europäische Bewegung (la section locale des Jeunes Européens Fédéralistes).
Seul l’AfD a fustigé le vote du parlement régional. Hugh Bronson a ainsi minimisé le rôle de la construction européenne dans l’unité allemande. Pour lui, « les États-Unis et la Russie ont eu une importance décisive sur la réunification allemande, à l’inverse de pays comme la France et le Royaume-Uni ». Le garant pour la paix en Europe ne serait donc pas l’Union européenne, « mais l’OTAN ».
Ville européenne par excellence
Malgré la très faible répercussion médiatique de la nouvelle (en dehors des journaux berlinois et du réseau associatif pro-européen local), la mention de l’Europe dans le texte fondamental de Berlin est à la fois un acte très fort de symbole et une évidence dans l’Allemagne d’aujourd’hui.
Berlin est une métaphore de l’Europe contemporaine, divisée pendant plus de 28 ans et symbole de l’antagonisme profond entre deux modèles de civilisation qui déchiraient alors le continent : le bloc capitaliste à l’Ouest, le bloc communiste à l’Est. Malgré son enclavement en République Démocratique Allemande, Berlin-Ouest faisait figure de phare de l’Europe occidentale et de l’intégration européenne qui s’y développait (il serait pour autant erroné de penser que l’Europe communiste n’a entrepris aucun projet d’intégration – à l’instar de la CAEM. Toutefois, cette intégration se faisait sur des valeurs radicalement différentes de celles à l’Ouest). La chute du Mur de Berlin et la réunification allemande subséquente ont coïncidé avec le début de la réunification de l’Europe entière, couronnée par les adhésions successives d’anciennes démocraties populaires à l’UE.
Pourtant, la décision berlinoise est presque une évidence en Allemagne. Le pays dispose d’un système fédéral où les 16 Bundesländer ont chacun leur propre Constitution, leur propre gouvernement et parlement. Les régions ont ainsi tout le loisir de modifier leur texte fondamental. Berlin est le quinzième Land à mentionner l’Europe dans sa Constitution, et ce presqu’un an après la décision analogue en Rhénanie du Nord-Westphalie, la région la plus peuplée d’Allemagne. Au niveau national, Hambourg est la seule entité fédérée qui ne dispose pas d’une telle mention.
Mobilisation citoyenne gagnante
L’article 1 de la Constitution berlinoise ne doit pourtant pas se cantonner à l’Union européenne, mais à l’ensemble de « l’Europe unie, une Europe élargie à l’extérieur des frontières de l’UE », pour reprendre les mots du député Zimmermann. Une Europe où de nombreux citoyens sont en effet privés de libertés politiques, comme en Russie, au Bélarus ou encore en Azerbaïdjan.
En attendant, c’est bien à la société civile pro-européenne de Berlin que nous devons la décision du parlement régional. La campagne « #EuropaInBesterVerfassung » des mouvements transpartisans Europa-Union Berlin et Junge Europäische Bewegung Berlin/Brandenburg (JEB) a mobilisé les militants de tout âge durant des mois, notamment en taguant les trottoirs de la ville avec la mention « Europa in bester Verfassung – Sind Sie dabei ? » (« l’Europe dans la meilleure Constitution, vous répondez présent ? »), ainsi qu’en publiant une vidéo de présentation de la campagne sur le site internet des JEB.
La prochaine étape de cette reconnaissance européenne concerne les actions concrètes. Comme Franziska Brychcy l’a mis en relief, il faut « moins d’Europe pour les élites et plus pour les gens ». Et la députée de rajouter que ces actions pourraient consister en des échanges entre étudiants européens ou le développement des cours de langues, critiquant au passage le ministre berlinois des Affaires culturelles et européennes (Kultur- und Europasenator) pour son action peu concluante en la matière. Le combat pour un Berlin résolument plus européen ne fait donc que commencer.
1. Le 18 mai 2021 à 19:17, par Louis Gundermann En réponse à : A Berlin, l’Europe entre dans la Constitution régionale
Tu places l’Azerbaidjan dans la grande Europe ? ;-) Personnellement je le rattacherais plutôt au Turkestan.
2. Le 18 mai 2021 à 22:03, par Théo Boucart En réponse à : A Berlin, l’Europe entre dans la Constitution régionale
Oh tu sais l’Azerbaïdjan fait partie du Conseil de l’Europe héhé ;-)
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