De nombreux pas en avant ont été effectués vers une gouvernance efficace de l’eurozone afin de garantir la stabilité financière à travers le Pacte budgétaire, le Six-Pack et le Two-Pack. Il y a maintenant un consensus général concernant l’obligation pour chaque pays de rembourser sa propre dette accumulée par le passé. La voie est ouverte pour garantir que chaque Etat membre au sein de l’eurozone poursuit une politique de stabilité financière, sous strict contrôle européen.
Cependant, la consolidation budgétaire sera difficile à réaliser si un fort rétablissement de l’économie européenne n’est pas amorcé. D’autre part, il n’y a pas de voie nationale pour sortir de la crise. Des mesures expansionnistes sont maintenant impossibles au niveau des Etats membres et dans tous les cas, elles seraient inefficaces, dans la mesure où la plupart de leurs effets seraient annulés par des importations accrues auprès des autres marchés européens. Des réformes structurelles urgentes sont nécessaires dans les pays lourdement endettés pour améliorer la productivité et accroître la compétitivité, mais elles ne produiront des résultats qu’à moyen ou long terme.
Pour lancer une nouvelle phase de développement et promouvoir une augmentation de l’emploi, la consolidation budgétaire de chaque Etat membre doit être liée à la création d’un Fonds pour la croissance et l’emploi. Deux questions majeures devraient d’abord être traitées : les moyens financiers à mettre à disposition et les dépenses qu’il devrait promouvoir.
Proposition
Le revenu de la Taxe sur les transactions financières (TFF) –basée sur la proposition de la Commission européenne du 14 février 2013 et qui sera bientôt introduite par le Conseil européen ne doit pas être entièrement utilisée pour les budgets nationaux, mais plutôt pour financer le Fonds européen pour la croissance et l’emploi, au bénéfice des Etats membres participants.
Le revenu de la TFF estimé, seulement pour les 11 pays qui l’ont adopté à travers une coopération renforcée (mais qui doit être ensuite étendue à tous les Etats membres de l’eurozone), pourrait atteindre 31 à 33 milliards d’euros par an. Si ces ressources étaient allouées au nouveau Fonds, il serait possible de lancer une émission d’euro-project bonds, en impliquant la Banque européenne d’investissements (BEI) dans l’étude et la gestion des interventions pour les investissements, en trouvant des ressources financières dans le secteur privé et/ou en les finançant par la BEI elle-même. Ainsi, 200 à 300 milliards d’euros pourraient être alloués au Fonds, pour être versés sur une période de trois à cinq ans aux économies des pays participants.
L’objectif principal des investissements financés devrait consister à compléter les réseaux d’infrastructures (énergie, transport, haut débit) et à promouvoir l’innovation technologique dans une économie européenne qui a besoin d’un nouvel élan pour soutenir la concurrence sur le marché mondial.
Le Fonds pourrait aussi préparer un plan qui serait mis en oeuvre pour améliorer la compétitivité de l’économie européenne à travers des investissements pour élever le niveau d’éducation et de la recherche. Un montant moindre du revenu de la TFF pourrait être utilisé pour soutenir les réformes structurelles dans les Etats membres qui souhaitent conclure des accords contractuels avec les institutions de l’UE, à travers des incitations financières, limitées, temporaires, flexibles et ciblées – l’Instrument de convergence et de compétitivité suggéré par la Commission dans « Un plan pour une union économique et monétaire réelle et profonde » publié le 30 novembre 2012.
Importance politique
Si la proposition ci-dessus mentionnée était mise en oeuvre, la perspective d’alimenter le Fonds européen par des ressources propres additionnelles pourrait être renforcée par des mesures telles qu’une Taxe carbone européenne pour intensifier la lutte contre le changement climatique et réduire les émissions de CO2.
Dans la mesure où cette Taxe carbone pourrait rapporter un revenu d’au moins 50 milliards d’euros par an (comme l’a estimé la Commission elle-même), la capacité financière d’investissement du Fonds européen serait augmentée d’une manière significative. Cependant, si une « capacité budgétaire adéquate » est créée au sein de l’eurozone à travers la mise en oeuvre de la TTF et, en perspective, à travers l’introduction d’une Taxe carbone, le contrôle démocratique de l’utilisation de ces ressources devrait être garanti, comme cela a été reconnu dans le Plan de la Commission et approuvé par le Rapport présenté par le Président Van Rompuy au Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012.
La Commission a souligné que « à moyen terme, des progrès vers une union économique et monétaire réelle et profonde exigeraient la création d’une structure similaire à un Trésor de l’UEM au sein de la Commission pour organiser les politiques communes adoptées à travers la capacité budgétaire commune, dans la mesure où cela implique des ressources et/ou des emprunts communs ».
Cependant, cette nouvelle autorité budgétaire responsable pour la gestion de l’économie européenne devrait être contrôlée par le Parlement européen et le Conseil, avec une configuration limitée aux Etats membres de l’eurozone : « no taxation without representation ». La voie sera alors ouverte pour l’évolution de l’UEM vers une véritable fédération, limitée au début au seul domaine économique et monétaire, mais qui doit graduellement inclure aussi des compétences en matière de politique étrangère et de défense.
Conclusion
La décision d’allouer la TTF à un Fonds européen pour la croissance et l’emploi est d’une importance stratégique pour le rétablissement de la croissance économique et pour le renforcement et l’achèvement du processus d’unification fédérale de l’Union européenne.
L’impact sur l’économie des différents Etats serait bien plus grand en raison du supplément d’efficacité de la dépense de l’UE, au contraire de la dépense nationale, et du « levier » qui pourrait être mis en oeuvre au niveau européen (étant donné la disponibilité importante de capital financier privé qui pourrait être utilisé), plutôt que d’allouer leurs revenus respectifs aux budgets nationaux (au risque d’évasion).
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