Brexit - La loi scélérate

, par Rémi Laurent

Brexit - La loi scélérate
Image : DANIEL DIAZ / Pixabay

En pleine pandémie de Covid-19 et tandis que les négociations relatives à un futur accord commercial entre le Royaume-Uni et l’Union européenne sont au point mort, le Gouvernement britannique mené par Boris Johnson a décidé de soumettre au Parlement britannique un projet de loi dénoncé de tous bords qui lui permettrait de violer légalement le droit international.

« Un filet de sécurité »

Après le 7e cycle de négociations sur l’accord commercial entre l’Union Européenne et le Royaume-Uni, Michel Barnier s’était montré pessimiste sur les perspectives de conclusion d’un accord dans les temps pour permettre d’enclencher les procédures nécessaires. Du côté britannique, on accusait comme d’habitude « Bruxelles ».

Voilà le moment choisi par le Gouvernement britannique pour présenter l’option nucléaire comme qualifiée par certains observateurs : le projet de loi permettant au Gouvernement britannique de violer le droit international. Brandon Lewis, secrétaire d’État à l’Irlande du Nord a en effet indiqué que le texte « pourrait violer d’une manière limitée et sélective les traités internationaux ». Un euphémisme puisqu’il revient à mettre à mal des siècles de tradition juridique.

Prenant la posture de la victime, Boris Johnson a présenté le texte comme un mal nécessaire pour garantir « l’intégrité de notre pays » et la possibilité pour le Gouvernement britannique de légiférer unilatéralement sur la situation en Irlande du Nord comme « filet de sécurité ». Une sorte de « backstop » inversé après avoir fait des pieds et des mains pour que la proposition européenne soit amendée l’année dernière. Les Européens avaient alors accepté de faire un pas et de faire confiance aux Britanniques qui auraient à effectuer les contrôles douaniers sur les marchandises à destination d’Irlande du Nord.

Du « hooliganisme législatif »

Pour l’opposition, Keir Starmer - leader du parti travailliste - a laissé la place à Ed Miliband qui a enfilé les gants massacrant littéralement le Premier ministre en place, dont la posture physique sur le banc du Gouvernement traduisait la brutalité de l’attaque. Insistant sur la responsabilité de Boris Johnson qui avait parlé de l’accord de retrait comme d’un accord « prêt à mettre au four », Ed Miliband a multiplié les flèches : « Il [Boris Johnson] est le seul responsable de cela. C’est son accord, son foutoir, son échec. Pour la première fois dans sa vie, il est temps qu’il en assume la responsabilité. »

«  Quelle incompétence ! Quel échec de gouvernance ! Comment ose-t-il blâmer tous les autres ?  » Pointant les contradictions du Premier ministre, Ed Miliband a même proposé d’offrir une partie de son temps de parole à Boris Johnson pour qu’il puisse expliciter où sont les problèmes qu’il dénonce, ce dernier déclinant l’offre et préférant hocher la tête en signe de désapprobation.

Des débats animés donc mais sans les réactions bruyantes des députés de chaque camp, distanciation sociale oblige. Des débats qui n’ont pas pour autant empêché le texte d’être adopté, Boris Johnson disposant d’une majorité écrasante de 80 sièges à la Chambre des Communes. Seuls 16 députés conservateurs « rebelles » ont voté « contre » auxquels s’ajoutent quelques abstentions. Pas suffisant pour empêcher au Gouvernement de l’emporter pour ce premier vote (340 voix « pour », 263 voix « contre » soit une majorité de 77 voix).

Les réjouissances ne font cependant que commencer puisque le texte sera examiné article par article à partir de mardi prochain avant de possibles amendements et un passage devant une Chambre des Lords particulièrement remontée contre l’idée même que la parole du Royaume-Uni puisse être remise en cause, le droit international actuel remontant pour partie à la Magna Carta de 1213.

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