Brexit : le cas de l’Irlande

, par Mathilde Helleu

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Brexit : le cas de l'Irlande
Enda Kenny, premier ministre d’Irlande, s’est dit pour un référendum sur une réunification de l’Irlande. CC Flick

Avait-on seulement envisagé les conséquences du Brexit sur le territoire irlandais ? Il est ironique de constater que dorénavant, la seule frontière terrestre du Royaume-Uni avec le reste de l’Union Européenne sera celle entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord.

Pourtant bien avant l’apparition de l’Union Européenne et de l’Espace Schengen, une Zone commune de voyage avait été mise en place entre l’Irlande et le Royaume Uni en 1923. Ces accords, signés après l’indépendance de l’Irlande, permettaient une libre circulation entre ces deux pays. Mais après le résultat de ce 23 juin, comment la libre circulation et l’accès au marché unique pourraient-ils perdurer entre la République d’Irlande et un pays extérieur à l’Union européenne ? L’érection de nouvelles frontières menace l’économie irlandaise : en effet, pas moins de 16% des exportations irlandaises est à destination de Belfast ou du Royaume-Uni.

Les Nord-Irlandais en faveur du "remain"

Un autre problème se pose concernant le peuple nord-irlandais. Si les Britanniques ont voté en faveur du Brexit, ce n’est pas le cas des Nord-Irlandais. Ces derniers étaient favorables au «  remain  » à 56%. Or, selon une clause des accords du Vendredi Saint signés en 1998 entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord, les peuples britanniques et irlandais se doivent de reconnaître «  la légitimité du choix librement consenti par la majorité du peuple nord-irlandais concernant son statut, qu’il préfère continuer à soutenir l’union avec la Grande-Bretagne ou qu’il choisisse une Irlande unie souveraine   ». Ces accords de paix ont mis fin aux affrontements entre nationalistes catholiques et unionistes protestants. Cette période de trouble, encore douloureuse aujourd’hui, a fait plus de 3600 morts. Néanmoins, les dirigeants irlandais et britanniques post-Brexit ont rappelé qu’ils ne remettraient pas en cause ces accords et qu’ils s’opposeraient fermement à une «  frontière rigide  » entre les deux parties du territoire irlandais. Theresa May a même précisé que «  la paix et la stabilité en Irlande du Nord seront toujours l’une des priorités de (son) gouvernement  ».

Par ailleurs, Raymond McCord, un militant des droits des victimes des «  Troubles  », terme employé pour qualifier le conflit entre partisans de l’Union avec le royaume et partisans d’une Irlande unie, a lancé un recours en justice en vertu des accords du Vendredi Saint. Ce recours en manquement, appuyé par une coalition de militants et d’hommes politiques, serait fondé sur l’incompatibilité du Brexit avec les accords de 1998. La procédure est en cours, affaire à suivre…

Une hausse des passeports pour la République d’Irlande

Au lendemain des résultats du référendum du 23 juin, le bureau de poste centrale à Belfast en Irlande du Nord a dû faire face à une montée fulgurante des demandes de passeports pour la République d’Irlande. Une montée telle que le bureau a été dans l’obligation de suspendre quelques jours ses demandes du fait d’un manque de formulaires de renseignement. L’explication de ce phénomène tient au fait que l’on peut demander automatiquement la nationalité de la République d’Irlande dès lors que l’on est né sur un territoire irlandais ou que l’on a un parent de nationalité irlandaise.

Or, on estime à plus de six millions le nombre de personnes d’ascendance irlandaise résidant en Grande-Bretagne. Les ressortissants britanniques, à l’instar des Nord-Irlandais, l’ont bien compris. Depuis le vote en faveur du Brexit, l’ambassade d’Irlande à Londres a en effet reçu plus de 4 000 dossiers par jour alors qu’avant, on en comptait que 200.

La délicate question d’un référendum sur l’unification de l’Irlande

Enda Kenny, chef du gouvernement irlandais, s’est prononcé en faveur d’un référendum sur la réunification des deux Irlande. Une proposition audacieuse qui pourrait écrire un chapitre de l’Histoire entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord. Selon le premier ministre irlandais, la clause des accords du Vendredi Saint, signés en 1998, pourrait être engagée. L’article 1.1 dispose que le peuple nord-irlandais a le droit à l’auto-détermination et l’article 1.4 que ce choix s’imposera d’office aux dirigeants irlandais et britanniques.

Exemple historique à l’appui, Enda Kenny fait un parallèle avec l’ex-RDA, rejoignant l’Union Européenne à l’issue de la réunification avec la RFA. Selon le premier ministre, l’Irlande du Nord intégrerait l’Union Européenne «  de la même façon que l’Allemagne de l’Est, après la chute du mur a pu être absorbée par l’Allemagne de l’Ouest et n’a pas eu à passer par un long et tortueux processus d’adhésion  ».

Bien que la République d’Irlande et l’Irlande du Nord soient entrées dans un processus de paix depuis 1998, les tensions inter-communautaires sont encore présentes. Il est donc légitime que la question irlandaise nécessite un «  traitement spécial  » dans les négociations sur le Brexit. Cependant, le compromis devra être approuvé par l’ensemble des Etats membres de l’Union Européenne.

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