Qu’est-ce que le CANZUK ?
Cet acronyme tire son nom des pays concernés par le projet : une union entre le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni (CANZUK). Apparu pour la première fois dans un essai publié en 1967 (2), il faut attendre l’annonce en 2015 d’un référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE pour que l’idée regagne du terrain. James Skinner, un citoyen britannique devenu conseiller politique aux États-Unis, donne davantage d’écho au projet en créant l’Organisation de la Libre Circulation du Commonwealth renommée depuis en fondation CANZUK.
L’idée repose sur des principes qui paraîtront familiers à un Européen. Elle prévoit en effet d’instaurer une libre-circulation des biens et des personnes entre les pays, une coopération dans les domaines militaire et diplomatique ainsi qu’une collaboration institutionnelle. Le site de la fondation (3) présente l’accord de libre-échange entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande comme un modèle enviable, que le Royaume-Uni pourrait aisément intégrer. Ses partisans vantent les mérites d’une immigration libérée entre les pays appartenant au bloc, entraînant automatiquement une croissance et une solidarité entre les peuples. Ce rapprochement serait simplifié par les ressemblances culturelles et institutionnelles des pays concernés (héritage commun du Commonwealth, langue commune, etc.).
En matière de libre-échange, le projet prône une mutualisation des normes et une reconnaissance des diplômes pour permettre au bloc de « peser contre des partenaires commerciaux plus puissants comme les États-Unis, la Chine, l’Inde ou encore l’Union européenne ». Le même argument est de nouveau évoqué dans la section sur la politique étrangère, où « l’association des quatre pays permettrait d’entretenir une relation plus équilibrée avec les États-Unis ».
De quel soutien dispose-t-il ?
Le site de la fondation CANZUK recense les personnalités soutenant l’initiative à travers les quatre pays. Des acteurs politiques d’envergure apparaissent rapidement dans la liste : Tony Abbott, ancien Premier ministre australien, Erin O’Toole, leader de l’opposition au Canada, Simon Bridges, ancien leader de l’opposition en Nouvelle-Zélande ou encore Boris Johnson, l’actuel Premier ministre du Royaume-Uni. En creusant davantage, d’autres grands noms de l’euroscepticisme britannique apparaissent : Priti Patel, Steve Baker, Iain Paisley ou encore John Redwood. Ce dernier a milité pour le Brexit avant même que celui-ci ait eu un nom, Steve Baker est l’un des députés conservateurs les plus influents, notamment au sein du groupe parlementaire de recherche européen (ERG), tandis que Priti Patel est l’actuelle Secrétaire d’État à l’Intérieur.
Ce soutien de la droite n’est pas nouveau : Margaret Thatcher prônait en son temps l’Anglosphère, un projet unissant l’Australie, le Canada, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni. Il est toutefois intéressant de noter que l’idée séduit quelques personnalités eurosceptiques de gauche comme Kate Hoey et Thomas Docherty, issus du parti travailliste.
Au-delà du monde politique, la fondation indique à l’aide de sondages un haut degré d’enthousiasme parmi les populations des pays concernés. Selon l’institut, entre 64% et 83% des Britanniques sondés déclarent préférer une libre-circulation avec l’Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande. D’autres études citées par la fondation abondent dans le même sens, quel que soit le pays concerné. Au total, la fondation revendique plus de 340 000 signatures en faveur d’une union type CANZUK.
Est-il réalisable ?
Si le projet attire quelques personnalités politiques d’envergure, la plupart de ses partisans ne sont pas en position de force dans leur pays respectif. Beaucoup plus de leaders politiques australiens, canadiens et néo-zélandais se sont prononcés contre le Brexit qu’en sa faveur ; il est donc difficile d’imaginer davantage d’engagement au-delà des déclarations ponctuelles qui parsèment la vie politique des quatre pays.
De plus, nombre de ces propositions se heurtent à une réalité géographique : il est illusoire d’espérer un nouvel espace Schengen englobant des pays éparpillés sur trois continents. D’un point de vue économique, un projet d’union est en retard de plusieurs décennies. En effet, si certains membres du Commonwealth ont regretté l’adhésion du Royaume-Uni à la CEE en 1973, tous ont depuis évolué dans leur propre direction. Le Canada est ainsi pleinement investi dans le NAFTA ou dans le TPP avec les pays du Pacifique, incluant notamment l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
Quand bien même le projet réunirait assez de soutien politique et publique, le CANZUK ne ferait que perturber les flux commerciaux déjà établis sans pour autant bénéficier de ses avantages puisque la géographie contraint la libre-circulation. Même en mettant de côté les replis nationaux inhérents à la crise sanitaire actuelle, la mise en place d’un ersatz d’Union européenne semble voué à l’échec.
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