Capitales européennes de la culture : une nouvelle réforme prometteuse

, par Harold Cottin

Capitales européennes de la culture : une nouvelle réforme prometteuse

Le 16 avril 2014, le Parlement européen approuvait de nouvelles règles afin de rationaliser la procédure de sélection des futures Capitales européennes de la culture. Des sources de financement supplémentaires, des investissements d’infrastructures qui devront être plus durables, la désignation des futures Capitales par les États-membres et non plus par le Conseil…autant de mesures secondaires qui font de cet accord conclu avec le Conseil des ministres une réforme a minima. Pourtant, deux mesures apparemment mineures pourraient marquer le renouveau de ce programme culturel phare de l’Union européenne.

Dans ces mêmes colonnes , nous soulignions en novembre dernier le bilan controversé de Marseille et Košice 2013, deux Capitales ambitieuses et globalement félicitées pour leurs réalisations, mais confrontées aux limites et aux ambiguïtés du programme ECOC (Capitale européenne de la culture). Plusieurs événements avaient alors traduit un décalage entre les valeurs que souhaite promouvoir ce programme, les discours de campagne des villes candidates, et la réalité.

Pour répondre aux critères de sélection, les villes candidates devaient ainsi « faire ressortir la richesse de la diversité culturelle en Europe » et « mettre en évidence les aspects communs des cultures européennes. » Plus largement, elles devaient promouvoir « l’identité européenne », fondée sur la devise de l’Union, « l’Unité dans la diversité » et le concept hautement controversé de multiculturalisme. Dans son dossier de sélection, Marseille avait ainsi insisté sur « son expérience du partage et de l’intégration » qui devait lui permettre de « servir l’Europe mieux que d’autres », avant d’être rattrapée l’année du titre par ses violences urbaines et par les critiques fustigeant un programme élitiste. De la même manière, Košice, en affirmant sa volonté d’assurer un développement social par les communautés et d’intégrer l’ensemble de ses habitants aux festivités, avait tendu la main à sa large minorité Rom. Malheureusement, la construction d’un mur « anti-Rom » quelques mois plus tard avait entaché ces belles promesses.

Marketing urbain VS identité européenne

Plus largement, ces deux Capitales très médiatisées avaient laissé une question en suspens : leurs programmes culturels mettant en valeur les spécificités locales au profit d’un véritable marketing urbain, réussissaient-ils à remplir les objectifs initiaux de la politique culturelle de l’Union ? En d’autres termes, ces Capitales avaient-elles fait progresser d’une manière ou d’une autre le sentiment d’appartenance à l’Europe, la conscience d’une culture et éventuellement d’une identité communes ?

Faute d’indicateur précis au niveau européen, mais aussi d’une définition claire de ce que pourrait être une « identité européenne », il reste très difficile de répondre à cette question. Néanmoins, alors qu’une proposition adoptée en juillet 2012 avait déjà reconduit le programme ECOC après 2019, cette nouvelle réforme deux années plus tard sonne comme un aveu d’échec. Si elle continue à s’appuyer sur la seule mise en valeur de cultures locales, qui ne trouvent dans le programme ECOC qu’un moyen de se promouvoir à l’étranger, la politique culturelle de l’Union européenne n’atteindra pas ses objectifs.

Deux mesures discrètes mais prometteuses

Deux mesures contenues dans cette réforme pourraient cependant pallier ces lacunes et permettre aux prochaines Capitales de mieux incarner « l’Unité dans la diversité » :

  • La possibilité de faire désormais des propositions à caractère régional : en élargissant l’attribution du titre à une région plutôt qu’à une seule ville, les programmes culturels des candidates pourraient favoriser une culture moins urbaine et élitiste, plus inclusive et diversifiée. Les retombées du titre pourraient profiter à l’ensemble de la région et avoir un écho au niveau européen plus important, à l’échelle du territoire titré. Dans la pratique, cette réforme pourrait permettre d’accorder le titre à une région transfrontalière, comme cela est déjà arrivé avec la Grande Région en 2007 (voir photo). Célébrer les échanges transfrontaliers et la coopération culturelle entre des villes d’États voisins serait une manière efficace de promouvoir une culture déterritorialisée et européenne par essence. Globalement, cette mesure pourrait permettre de mieux rendre compte des formes modernes de multiculturalisme et de l’évolution des villes européennes : les phénomènes de migration proche, les travailleurs frontaliers, l’émergence des macro-régions, l’interconnexion des villes entre elles et avec leurs périphéries, l’explosion des réseaux de communication et la région comme nouvelle unité de vie et d’emploi.
  • Par ailleurs les villes désignées pour la même année sont désormais fortement encouragées à établir des liens entre leurs programmes culturels : si ces échanges faisaient déjà partie des critères de sélection, l’insistance de la Commission est un signe positif. Ces échanges entre villes pourraient permettre d’atténuer le sentiment que les Capitales promeuvent de manière unilatérale leurs spécificités locales. Une plus grande coopération entre les heureuses élues donnerait au programme ECOC une véritable portée européenne et permettrait de renforcer le dialogue interculturel. Dans certains cas, le double-titre pourrait permettre de mieux prendre en compte les liens très forts préexistant entre certaines villes européennes, du fait de jumelages ou d’importantes migrations, et qui pourraient être autant de relais d’une culture européenne fondée sur l’échange et la pluralité.

En théorie, grâce à ces deux mesures, le programme ECOC mettra donc en valeur la diversité culturelle européenne et les éléments communs aux différentes cultures de manière plus efficace, s’appuyant sur son niveau de médiatisation déjà unique parmi les initiatives de la Commission. Il reste cependant à confronter cette réforme à la réalité.

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