Il y a quelques mois, une campagne propagandiste visant à « dissuader » les étrangers de venir travailler en Hongrie a été mise en place. [1] Un peu plus tard, une consultation nationale aux accents populistes et propagandistes flagrants a été lancée. [2] Pour terminer, le gouvernement hongrois vient d’ériger une clôture de 174km de long et de quatre mètres de haut à sa frontière avec la Serbie et de punir de trois ans de prison le franchissement illégal de la frontière. [3] Le réseau des proches du pouvoir développe un discours de plus en plus agressif à l’égard des migrants, confinant presque à l’incitation au génocide. Cette haine est parfois traduite en actes. Impuni en Hongrie, un comportement pareil le sera-t-il en Europe ?
Certes, la crise des réfugiés est un problème particulièrement complexe, sans solution simple. La Hongrie est particulièrement touchée par la crise en cours, et la pression que le pays supporte est indéniable. [4] La décision de l’Allemagne d’assouplir son régime d’asile en faveur des réfugiés syriens a pris de court les autorités autrichiennes et hongroises. Cependant, l’instrumentalisation politique de la crise des migrants par Viktor Orbán et son parti conservateur au pouvoir depuis 2010, le Fidesz, est frappante.
Une telle politique serait cautionnable, si elle ne s’appliquait pas en sus d’un passif déjà très lourd et d’une propagande xénophobe et nauséabonde, digne des épisodes les plus sombres de notre histoire. De ce point de vue, Viktor Orbán est un orateur redoutable, maniant son don extraordinaire de faire passer les pires mesures et les comportements les plus effarants pour des actions tout à fait légales et justifiées.
En outre, les récents évènements laissent à penser que la Hongrie est un Etat où la population cautionne sans broncher la politique lamentable du gouvernement. Cependant, les alternatives politiques et citoyennes existent. De nombreux Hongrois se sont portés volontaires pour venir en aide aux milliers de migrants. Sur la scène politique, des forces d’opposition existent bel et bien. Contrairement aux apparences, la majorité des Hongrois ne vote pas pour le Fidesz par réelle idéologie, mais davantage par manque d’alternative et de sources secondaires d’informations crédibles.
« Hungary, no money. Orbán Viktor. »
C’est ainsi qu’il y a quelques semaines, un policier hongrois résumait à un migrant la situation en Hongrie pour le convaincre de poursuivre son chemin vers l’Autriche. Pourtant, le discours officiel laisse à penser que tout va pour le mieux en Hongrie. En se promenant dans les districts de Budapest, on peut voir à intervalles réguliers des affiches officielles du gouvernement sur lesquelles un citoyen souriant déclare que les réformes fonctionnent en Hongrie, dont l’économie se porte mieux que celle de l’Union européenne dans son ensemble.
L’amélioration des indicateurs économiques de base est trompeuse : elle masque en réalité un accroissement grandissant des fractures sociales et une paupérisation rampante de la classe moyenne inférieure. Les réformes controversées s’enchaînent les unes après les autres : révision liberticide de la Constitution ; réforme des impôts accentuant les inégalités ; nationalisation des caisses privées de retraites, puis de la totalité des bureaux de tabacs pour être réattribués à des proches du pouvoir... [5]
Cette série de mesures hétéroclites n’offre à la nation magyare aucune perspective sérieuse, encore moins une alternative crédible à l’Union européenne. Le Fidesz souhaite-t-il réellement s’apparenter à la Chine ou à la Russie, pays que son leader a ouvertement encensés il y a un an en faisant l’apologie des « démocraties illibérales » ? Une fraction de ce que le gouvernement Orbán a accompli depuis son installation aurait dû suffire à déclencher le signal d’alarme en Europe. Malheureusement, aux indignations initiales a succédé l’apathie des discours.
Face au discours populiste de la haine, la diplomatie policée ne suffit plus
Orbán prétend défendre la Chrétienté en repoussant les réfugiés et en les envoyant marcher sur des centaines de kilomètres en leur refusant l’accès aux trains et aux bus, avant de rétropédaler sous le coup de l’ire générale. Il affirme que l’Europe court un grave danger du fait de la masse de musulmans qui s’abat sur elle. Le vrai danger est probablement Viktor Orbán lui-même, qui joue la surenchère droitiste pour éviter de perdre ses électeurs au profit des extrémistes fascisants du parti Jobbik.
Que fait encore le Fidesz au sein du Parti populaire européen ? Pourquoi le gouvernement hongrois n’a-t-il pas davantage suscité l’attention de l’opinion publique européenne ? Les ONG hongroises, les médias indépendants et les partis d’opposition ont-ils reçu tout le soutien qu’ils méritaient ? Autant de questions auxquelles il est aujourd’hui urgent de répondre.
Les réactions qui s’imposent envers le Fidesz et son leader ne relèvent plus de l’indignation ou de la condamnation. Bien plus est nécessaire et pour cause : l’Europe fait aujourd’hui face à un régime clientéliste, autoritariste et pitoyablement électoraliste. Chacun de ces adjectifs pourrait paraître une exagération : chacun peut être prouvé à l’épreuve des faits. L’argument selon lequel l’Europe de l’Ouest est trop ignorante des réalités hongroises pour donner des leçons de démocratie n’est plus valide : d’autres pays de la région, comme la République tchèque, la Pologne ou la Slovénie, ont une situation démocratique tout à fait satisfaisante, voire meilleure que celle de la vieille Europe à bien des égards.
Jour après jour, l’élite au pouvoir bafoue le respect de la dignité humaine et bien d’autres droits avec un sentiment d’impunité croissante et une arrogance lamentable. En choisissant la voie de la haine et d’un nationalisme populiste, Viktor Orbán et sa clique d’oligarques foulent aux pieds l’immense potentiel qui est celui de la Hongrie. Ne laissons pas cette vague de folie se déverser plus longtemps.
1. Le 15 septembre 2015 à 15:09, par Xavier En réponse à : Carton rouge à Viktor Orbán, le point de non-retour est sur le point d’être franchi
Comme chaque article en rapport à la Hongrie : c’est choquant, on est choqué, l’auteur est choqué, on revient « aux heures les plus sombres de notre histoire » (cette formulation devrait d’emblée disqualifier l’article tellement ça a été cuisiné à toutes les sauces)... Ok, c’est alarmant, c’est une honte, on est offusqué, l’Europe est molle, on ne fait rien, on s’apitoie... et.... et.... pas l’ombre d’une solution.
Ça ne sert à rien de dire que la diplomatie policée ne suffit plus, si on n’a aucune alternative à proposer.
2. Le 15 septembre 2015 à 23:56, par William Boggis En réponse à : Carton rouge à Viktor Orbán, le point de non-retour est sur le point d’être franchi
« Ça ne sert à rien de dire que la diplomatie policée ne suffit plus, si on n’a aucune alternative à proposer. »
« Ne suffit plus » ne veut pas dire que l’on a besoin d’une alternative mais que l’on doit employer plus de moyens différents en plus de la simple diplomatie interétatique.
Aller sur place, nouer des contacts hors journalistiques avec les hongrois, observer les moindre failles du rapport de forces politiques, analyser, patienter en cherchant des opportunités de bouleverser la donne, s’investir localement, multiplier les jumelages associatifs, garder des contacts internationaux, transmettre ses idées, apprendre à communiquer en hongrois afin de comprendre et de faire mieux que de déplorer, expliquer la situation aux autres Européens soucieux du même problème, inciter les étudiants hongrois parlant anglais (même si la Hongrie est le pire pays d’Europe pour la maîtrise de cette langue) à fonder une antenne Jeunes Européens Hongrie si elle n’existe pas déjà, etc...
C’est un travail de fourmi, cela n’apporte pas énormément, mais ce n’est clairement pas négligeable pour autant. Il y a-t-il déjà des initiatives du MEF/des JEF en ce sens ou est-il temps de les initier ?
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