Les résultats : Une victoire en trompe l’œil des indépendantistes
Qui a réellement gagné cette élection ? Si on se fie au seul décompte des voix, la réponse est claire : c’est la liste du parti Ciudadanos, formation anti-indépendantiste de centre-droit, menée par Inés Arrimadas qui arrive en tête avec 25,37% des suffrages et qui est majoritaire d’une courte tête à Barcelone. Arrivent ensuite la liste Junts per Catalunya, formation indépendantiste de centre-droit, menée depuis la Belgique par M. Puigdemont avec 21,65% des suffrages et la liste Esquerra Republicana Catalana, formation indépendantiste de gauche, dont le leader Oriol Junqueras est actuellement emprisonné pour sécession. Suivent ensuite le Parti Socialiste de Catalogne avec 13,88%, la liste Cat en Comú, soutenue par Podemos avec 7,45% des voix, les anticapitalistes indépendantistes de Convergencia y Unidad Popular (CUP) avec 4,45% des voix et enfin le Parti Populaire avec seulement 4,24% des suffrages.
En résumé, cela nous donne une majorité de suffrages pour les trois listes indépendantistes qui obtiennent ensemble 47,49% contre 43,49% aux trois listes anti-indépendance. Reste la liste soutenue par Podemos qui n’a pas affirmé de position claire sur l’indépendance.
Cependant, le mode de scrutin proportionnel d’Hondt au Parlement de Catalogne, qui donne beaucoup de poids à la ruralité, donne une majorité absolue en sièges aux indépendantistes avec 70 sièges sur 135 malgré la perte de deux élus par rapport à la précédente législature et le fait que le premier groupe parlementaire soit celui de Ciudadanos, anti-indépendance avec 37 élus.
Une Catalogne ingouvernable ?
Le leader des indépendantistes a réagi à ces résultats en affirmant qu’il s’agissait d’un résultat que personne ne pouvait discuter, résultat qui donne la victoire à la République catalane contre Madrid. Toutefois, il est à l’heure actuelle peu probable de voir Carlos Puigdemont devenir Président de la Généralité de Catalogne. En effet, même si le mandat d’arrêt international lancé contre lui par Madrid a été levé, on peut aisément imaginer que le Gouvernement de Madrid sanctionnera pénalement Carlos Puigdemont s’il décide de revenir défier Mariano Rajoy en Catalogne.
On peut éventuellement imaginer une alliance entre les partis indépendantistes, mais cela est improbable puisque seule la CUP prône encore l’indépendance unilatérale et que les deux autres grands partis indépendantistes, alliés dans la précédente législature, ne vont peut-être pas vouloir s’allier à cette formation d’extrême gauche qui a perdu six sièges par rapport à la dernière législature, payant sans doute son attitude jusqu’au-boutiste dans cette crise. Les partis anti-indépendantistes vont-ils pour autant pouvoir gouverner ensemble ? Cela est tout aussi improbable puisqu’ils sont minoritaires en sièges et qu’il est difficile d’imaginer les élus de gauche radicale soutenus par Podemos, gouverner dans une majorité de centre-droit. A court terme, la situation semble bloquée.
La balle dans le camp de Mariano Rajoy ?
S’il s’agissait d’un match de football, le choc entre le Real Madrid et le FC Barcelone ce samedi promettant d’être électrique, on pourrait dire que les partisans de l’indépendance catalane ont repris les devants au score ce jeudi, mais qu’ils sont désormais contraints de défendre leur avantage face à la riposte du gouvernement espagnol qui reste pour l’instant prudent. Une telle prudence peut être analysée comme une volonté de gagner du temps et de ménager sa fragile majorité au Parlement de Madrid, majorité qui repose en partie sur les élus du Parti Nationaliste Basque (PNV) dont le leader Iñigo Urkullu affirmait que cette élection montrait que le problème catalan nécessite des solutions politiques et non judiciaires pour éviter la crise.
En résumé, à l’heure où sont écrites ces lignes, la situation est extrêmement floue, une amie catalane m’expliquait ce matin que les indépendantistes avaient perdu leur plébiscite, mais que la victoire des anti-catalanistes n’était que symbolique. Cela peut symboliser le sentiment qui règne ce matin au sud des Pyrénées où l’incertitude règne quant à l’évolution des relations entre la Catalogne et le reste de l’Espagne.
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