Censure inédite du gouvernement en Suède

, par Alexis Vannier

Censure inédite du gouvernement en Suède
Drapeau de la Suède. Photo : Pixabay

Dans son édition du 16 juin, Courrier international s’interrogeait sur l’avenir de la gauche en Europe, questionnant les différentes voies qui s’ouvrent à elles afin de reconquérir une partie de son électorat (virage à la gauche de la gauche, tournant communautaire, voie verte) et tentant la comparaison avec les mesures économiques fortes prises par l’Étasunien Joe Biden à destination des ménages modestes notamment. Mais visiblement, dans l’un des derniers bastions de la social-démocratie, la Suède, la gauche aussi est en peine.

Un gouvernement déjà minoritaire

Les élections législatives de septembre 2018 dans le royaume n’ont pas été une partie de plaisir pour les partis traditionnels. Avec une participation toujours impressionnante et même en hausse (87,18%), les deux partis majoritaires reculent au profit des nationaux-conservateurs des Démocrates suédois (Sverigedemokraterna, SD). Ainsi les Sociaux-démocrates (Sveriges socialdemokratiska arbetareparti, S) tombent sous la barre des 30% des voix et reculent de 13 sièges au Riksdag pour en conserver 100, quand les Modérés (Moderata Sarmlingspartiet) passent, eux, sous la barre de 20% et perdent 14 strapontins pour en totaliser 70. 17,5% des électeurs ont décidé de faire confiance au SD (+4,7%) en leur offrant 62 sièges. Suivaient ensuite le Parti du centre avec 31 sièges et le Parti de Gauche (Vänsterpartiet, V) avec 28 députés. Le Parti de l’environnement- Les Verts, en perte de vitesse, obtenaient eux péniblement 16 sièges, avec 4,4% des voix.

Ni le bloc de gauche, ni le bloc de droite, ni la droite radicale ne réunissaient alors de majorité absolue sur les 349 sièges du Parlement. Les négociations ont donc été particulièrement âpres pour former un gouvernement. Pas moins de quatre tentatives, à droite comme à gauche, et 131 jours ont été nécessaires pour parvenir à une coalition qui permettait de sortir le royaume de l’impasse. C’est finalement le Premier ministre social-démocrate sortant Stefan Löfven qui s’associe avec Les Verts pour former une coalition minoritaire, soutenue sans participation parfois par la Gauche, parfois par de petites formations centristes, libérales.

Cette situation a logiquement entrainé de nombreuses discussions et dissensions dans le processus législatif de pays, notamment dans des domaines aussi clivants que le droit social ou la fiscalité. Le gouvernement tenait bon, et Stefan Löfven réussissait à louvoyer entre les lignes rouges de chacun, mais c’était sans compter une réforme sur le logement.

Un coup de tonnerre politique

Finalement, une proposition de réforme aura été la goutte d’eau. La Suède est connue pour ses appartements payés à un loyer raisonnable parce qu’encadré, mais au prix d’une attente interminable : en 2021, en moyenne, il faut attendre 11,3 ans pour obtenir un appartement avec un loyer encadré ! Si Stefan Löfven lui-même n’était pas favorable à la réforme proposée par les libéraux, c’est pour satisfaire ces partenaires essentiels que la loi a été soumise. Or, vent debout, la Gauche a fustigé le projet et prix le prétexte du dépassement d’un délai de 48 heures pour négocier avec les syndicats concernés pour voter une motion de défiance déposée contre le gouvernement. Les Démocrates, sentant sa proie flancher, retire son soutien au projet de loi pour abonder la motion de défiance, finalement votée par 181 voix contre 349, soutenue par les Modérés, les Démocrates, les chrétiens-démocrates et donc la Gauche. C’est la première fois dans l’histoire du royaume scandinave qu’un gouvernement chute à la suite de l’adoption d’une motion de censure.

Le Premier ministre démissionnaire a deux solutions : soit il remet sa démission permettant une période de négociations pour former une nouvelle coalition majoritaire, soit il convoque des élections législatives anticipées qui, particularité du système politique suédois, se rajouteraient au scrutin prévu en septembre 2022.

Quelque soit sa réponse, le climat politique reste profondément divisé. Après un fort soutien au gouvernement en place durant la crise sanitaire, que l’on a pu voir sur tout le continent, les sondages montrent de nouveau un trio de tête (gauche, droite, droite radicale) entre 25 et 19% dans les intentions de vote. La récente création du parti musulman Nyanset participera à coup sûr de la balkanisation en cours de la politique suédoise, avec l’émiettement de la gauche et l’érosion des partis traditionnels.

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