Changements en série parmi les exécutifs européens

Mini-série sur les mutations politiques en Europe : épisode 2

, par Thomas Arnaldi

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Changements en série parmi les exécutifs européens
Au Conseil européen des 22 et 23 juin 2017, conférence de presse du nouveau Premier ministre irlandais, Leo Varadkar CC Flickr / Conseil européen

Depuis le début de l’année 2017, on ne compte plus les démissions, élections déterminantes et/ou anticipées qui façonnent les têtes des exécutifs européens. Pour y voir plus clair, le Taurillon revient sur six mois de changements politiques dans l’Union européenne.

Aujourd’hui, nous analysons l’Irlande face au Brexit, la République Tchèque avant les élections d’octobre et tirons un bilan électoral pour la France.

Irlande : Leo Varadkar, à 38 ans, plus jeune chef de gouvernement européen

Depuis un an, l’Irlande est bouleversée par la question du Brexit qui domine la politique intérieure et inquiète face aux incertitudes qu’elle provoque. Lassé, le Premier ministre Enda Kenny a démissionné laissant place au plus jeune Premier ministre de l’histoire de l’Irlande, Leo Varadkar, choisi pour le remplacer.

Mercredi 17 mai 2017, le Premier ministre irlandais Enda Kenny (Fine Gael, centre-droit), jette l’éponge et démissionne de la tête du parti. Depuis 15 ans à sa tête et donc très fin connaisseur du système politique irlandais, il avait été réélu à une courte majorité en mai 2016 au poste de taoiseach, qualification locale du Premier ministre irlandais. Toutefois, moins d’un an après la prise de fonction de son deuxième mandat, il fait face à de nombreuses critiques, notamment dues à sa gestion approximative d’un scandale au sein de la police. Un policier lanceur d’alerte a été accusé à tort d’agressions sur des enfants et le gouvernement aurait ruiné sa réputation.

Début juin, c’est donc Leo Varadkar qui prend la tête du Fine Gael et devient le 14 juin 2017, à 38 ans, le plus jeune Premier ministre du pays. D’abord médecin, ce jeune politique ouvertement homosexuel est aussi dans la même mouvance qui se dessine en Europe depuis la victoire d’Alexander van der Bellen en Autriche en décembre 2016 : rassembler autour d’un programme pro-européen en étant « et de droite, et de gauche ». Soucieux de préserver l’unité, il intègre même au gouvernement son concurrent lors de l’élection à la tête du parti, Simon Coveney, en le chargeant des Affaires étrangères.

A Leo Varadkar incombent désormais des tâches complexes que son prédécesseur a laissées en suspens. Tout d’abord le Brexit et l’épineuse question des deux Irlande. Le Premier ministre a ainsi rencontré en juin les chefs des partis nord-irlandais, le Sinn Fein (nationaliste pour la réunification des deux Irlande) et le DUP (unioniste, allié au gouvernement de Theresa May). La fragilité de l’actuel gouvernement pose également question : son élection à une courte majorité et avec l’abstention d’environ le tiers des députés ne suppose pas d’appuis viables au sein du Parlement. Enfin, la question fiscale sera dans les priorités du programme économique du nouveau Premier ministre.

République Tchèque : la grande confusion avant les élections

Alors que les élections législatives d’octobre se préparent, le Premier ministre Sobotka a décidé au mois de mai de démissionner avec l’ensemble de son gouvernement. Quelques jours après cette annonce, il a retiré sa démission. Explications.

Il fallait être bien aguerri en droit constitutionnel pour comprendre ce qu’il s’est passé dans la tête du Premier ministre social-démocrate, Bohuslav Sobotka, en mai dernier : en l’espace d’une semaine, il a démissionné puis retiré sa démission. Il faut dire que deux scrutins importants se préparent en République Tchèque : les législatives du 20 octobre prochain et l’élection présidentielle au mois de janvier 2018. Aussi, les tensions au sein même de la coalition gouvernementale entre le CSSD (centre-gauche, parti du Premier ministre), le parti ANO (populiste, mouvement contestataire antisystème) et le KDU-CSL (chrétiens-démocrates) sont fortes.

De plus, le ministre des finances, Andrej Babis, créateur et chef du parti ANO (Action des citoyens mécontents) depuis 2011 est non seulement le meilleur ennemi politique du Premier ministre social-démocrate Sobotka, mais également un milliardaire très populaire en Tchéquie, deuxième personnalité plus riche du pays. Soupçonné de baigner dans un système de transactions douteuses et d’évasion fiscale avec son entreprise agroalimentaire Agrofert, premier employeur du pays, le Premier ministre veut l’écarter du gouvernement. Or, le ministre concerné refuse de démissionner, Bohuslav Sobotka annonce donc le 2 mai qu’il démissionne avec l’ensemble de son gouvernement pour contraindre et limoger de facto le vice premier ministre et ministre des finances.

La situation se complexifie avec la lecture de la Constitution tchèque lors de la démission d’un gouvernement. En effet, il est fait la distinction entre la démission du chef du gouvernement - le Premier ministre - et celle des autres membres du gouvernement – les ministres. Ainsi, textuellement, il est possible que la démission du Premier ministre n’entraine pas la démission totale du gouvernement mais seulement de sa propre personne. Telle a en tout cas été l’interprétation faite par le Président de la République, Milos Zeman, chargé de nommer et renvoyer les membres du gouvernement. En conséquence, le Premier ministre Bohuslav Sobotka a retiré sa démission, qui n’aurait pas eu l’effet escompté. Il a en revanche demandé au Président la révocation du ministre concerné, révocation qui a été entérinée le 25 mai dernier.

Enfin, pour la campagne des législatives qui s’annonce, le Premier ministre Bohuslav Sobotka a annoncé qu’il ne sera pas le leader des sociaux-démocrates. La gauche tchèque semble en difficulté dans les sondages et laisse un très large boulevard au désormais ancien ministre des finances, le populaire Andrej Babis et son parti ANO, crédités de plus de 30% des intentions de votes pour octobre.

France : l’euroscepticisme en mode « off »

Avec pas moins de quatre week-end électoraux, la France vivait sur ce premier semestre 2017 une période électorale très intense. Entre fatigue démocratique et extrême-droite aux portes du pouvoir, le sujet européen a été au cœur des débats, plus que de coutume. Même si les électeurs ont choisi un Président résolument pro-européen, l’euroscepticisme à la française n’a pas disparu.

Longtemps jugé comme acquis, le fait que Marine Le Pen accède au second tour de l’élection présidentielle a été vécu comme un choc à l’échelle européenne. Même si les électeurs français sont restés bien divisés sur la question et qu’Emmanuel Macron n’a pas été élu aussi fortement qu’on pouvait l’espérer en termes de voix face à un duel avec l’extrême-droite, c’est sur un programme résolument pro-européen qu’il est largement élu.

Disposant également d’une majorité absolue confortable pour gouverner, il s’inscrit dans un cadre de renouveau politique, de transformation de la vie politique et de volonté d’approfondissement du projet européen. Au niveau européen justement, la crédibilité politique d’Emmanuel Macron n’est que donc renforcée, tant la peur du scénario catastrophe Le Pen a tiraillé certains. Toutefois, la très faible participation électorale lors du scrutin législatif montre la fatigue électorale des français et leur abnégation de plus en plus visible face au système politique actuel.

Après son débat de l’entre-deux-tours raté et une débâcle annoncée pour les élections législatives, le Front National peine à remobiliser. Avec plus de 10 millions de voix au second tour de l’élection présidentielle, le FN a connu un de ses plus mauvais résultats aux législatives et ne compte que 8 députés à l’Assemblée nationale. Parti de plus en plus divisé sur la question européenne, il est encore incertain de quelle manière il s’insérera dans l’opposition.

Calendrier électoral
Allemagne 12 février Présidentielle : la Bundesversammlung élit le Président fédéral, Frank-Walter Steinmeier
Irlande du Nord 2 mars Législatives régionales : les nationalistes et les unionistes n’arrivent pas à former un gouvernement
Hongrie 13 mars Présidentielle : l’Assemblée nationale de Hongrie reconduit Janos Ader (indépendant, soutenu par Victor Orban) au poste de Président de la République
Pays-Bas 15 mars Législatives : Wilders échoue lors de sa conquête du pouvoir, Mark Rutte peut former un nouveau gouvernement pro-européen
Bulgarie 26 mars Législatives : Boïko Borissov et les conservateurs reprennent le pouvoir
France 30 avril et 7 mai Présidentielle : Emmanuel Macron fait imploser le système des partis politiques et devient Président de la République
Malte 3 juin Législatives : Joseph Muscat remporte les élections législatives anticipées
Royaume-Uni 8 juin Législatives : Theresa May perd sa majorité absolue
France 11 et 18 juin Législatives : une abstention record et une majorité absolue pour Macron
À venir :
France 24 septembre Sénatoriales : la moitié du Sénat sera renouvelée
Allemagne 24 septembre Législatives : élections fédérales pour renouveler le Bundestag. Angela Merkel et Martin Schulz concourent pour le poste de Chancelier fédéral
Autriche 15 octobre Législatives : élections fédérales anticipées pour renouveler le Nationalrat (Conseil national, équivalent de l’Assemblée nationale)
République Tchèque 20 octobre Législatives : le populisme gagne toujours du terrain en la personne d’Andrej Babis, considéré comme le Berlusconi tchèque
Slovénie décembre Présidentielle
Et en 2018 :
République Tchèque janvier 2018 Présidentielle
Finlande 28 janvier et 11 février 2018 Présidentielle
Chypre février 2018 Présidentielle
Italie avant mai 2018 Législatives
Luxembourg juin 2018 Législatives
Chypre du Nord juillet 2018 Législatives régionales
Suède 9 septembre 2018 Législatives
Vos commentaires
  • Le 22 juillet 2017 à 18:46, par Lionel J. En réponse à : Changements en série parmi les exécutifs européens

    Quelques précisions et oublis...

    les Luxembourgeois voteront en octobre, non en juin.

    élections législatives en Hongrie en avril 2018

    élections législatives en Slovénie d’ici juillet 2018

    élections législatives en Lettonie d’ici octobre 2018

    élections présidentielles en Irlande en octobre également

    enfin, précision. les élections législatives en République Turque de Chypre ne peuvent être qualifiées de « régionales ». Elles se tiennent dans un pays indépendant de fait mais non reconnu par la communauté internationale (sauf par la Turquie)

    Bonne continuation

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