Conférence sur l’avenir de l’Europe : vers une convention citoyenne au niveau européen ?

, par Théo Lecarpentier

Conférence sur l'avenir de l'Europe : vers une convention citoyenne au niveau européen ?
Image : Gerd Altmann via Pixabay

Alors que le 29 juin, le président Emmanuel Macron a reçu les 150 membres de la Convention Citoyenne pour le Climat, la Conférence sur l’avenir de l’Europe, promise par la présidente Ursula von der Leyen, n’a pas encore débuté. Sera-t-elle aussi participative et inclusive qu’annoncée en 2019 ? Comparaison rapide avec l’initiative française.

Une convention citoyenne historique en France ?

Débutée le 4 octobre 2019, la convention citoyenne pour le climat a été l’une des principales réponses apportées par le gouvernement à la suite du Grand Débat national lancé début 2019. Son but était de trouver des solutions à la contestation sociale des « gilets jaunes », après l’instauration de la taxe carbone en 2018. Ainsi, 150 citoyennes et citoyens ont été tirés au sort selon six critères afin d’obtenir une représentation descriptive de la population française.

Une fois sélectionnés, les participants se sont rencontrés au sein des locaux du Conseil Economique Social et Environnemental (CESE), pendant trois jours, à sept reprises, avec pour objectif de répondre à la question suivante : comment réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 40% d’ici à 2030 dans une logique de justice sociale ?

Pour ce faire, les participants ont travaillé ensemble d’octobre à juin (reporté à cause de la crise sanitaire du coronavirus) lors des différentes sessions et en groupes de travail sur cinq grandes thématiques que sont : se déplacer, consommer, se loger, produire/travailler et se nourrir.

Il est aussi important de noter que les volontaires ont été épaulés par un comité de gouvernance, d’animateurs, d’experts juridiques, économiques et de sociologues reconnus dans leur domaine, ainsi que par un groupe de « Fact Checkers » composé de scientifiques et d’universitaires engagés dans la réflexion autour de la transition écologique afin de veiller à la neutralité et à la sincérité des débats.

Ainsi, en s’emparant des sujets abordés, en développant leurs connaissances et en discutant des solutions à apporter, les citoyennes et citoyens ont élaboré et voté pour que 149 propositions de lois (sur les 150 initialement présentées [1]) soient reprises par les pouvoirs publics et/ou soumis au peuple français par référendum afin de réduire les émissions de GES.

Et maintenant …

C’est après 9 mois de travaux intenses et la remise du rapport final de 600 pages à l’ancienne ministre de la Transition écologique et solidaire Elisabeth Borne le 21 juin 2020, que le chef de l’Etat a reçu les 150 membres de la Convention Citoyenne pour le climat à l’Elysée lundi 29 juin. Lors de leur première rencontre en janvier, le président de la République avait émis la possibilité d’utiliser des « jokers » sur les propositions de lois émanant des discussions entre les participants. C’est ce qu’il a choisi de faire dans les jardins du palais présidentiel en retoquant 3 propositions, à savoir :
 La taxe de 4% sur les dividendes des entreprises au-dessus de 10 millions d’euros,
 La modification du préambule de la constitution dont l’objectif était de la soumettre à un référendum,
 Ainsi que la réduction de la vitesse à 110 km/h maximum sur l’autoroute dont le débat est reporté ultérieurement.

Les 146 propositions restantes seront présentées et feront l’objet d’un projet de loi spécifique « multi-mesures », ou intégrées au plan de relance à la fin de l’été. De plus, la demande d’un référendum pour introduire la lutte contre le réchauffement climatique dans la Constitution et la création d’un crime « d’écocide » a été entendue et devrait être mis en place d’ici 2021.

S’ajoute une aide supplémentaire de 15 milliards d’euros sur deux ans avec l’instauration d’un fonds de transformation écologique selon Emmanuel Macron. Il en est ainsi pour les mesures et le format, mais qu’en ressort-il pour les participants ? Comment leur participation à cette convention pourrait leur être bénéfique à court et long terme ?

Pour la majeure partie d’entre eux, l’approfondissement de connaissance sur le sujet s’est fait lors des sessions d’échanges, par des rencontres avec divers acteurs tels que des experts, des élus, des associations et des entreprises du domaine de l’environnement. Ce processus de sensibilisation s’est instauré en addition aux connaissances et compétences professionnelles spécifiques des participants sur certains domaines. Ainsi, cette collaboration pour tenter de trouver des solutions aux problématiques spécifiques des secteurs concernés a été favorisée. Ce format de convention a donc démontré que la collaboration et l’échange était un atout fondamental pour que la justice sociale soit respectée dans le processus de décision politique.

Quid de la démocratie participative au sein de l’EU

Bien que certaines initiatives démocratiques puissent être critiquées et améliorées, il faut tout de même reconnaître que la Convention Citoyenne pour le climat est une expérience qui a suscité une certaine curiosité, notamment en-dehors des frontières. Loin d’être précurseur de la démocratie participative en Europe, cette initiative relance néanmoins le débat sur la participation citoyenne dans la prise de décision politique de l’UE.

Malgré l’existence d’instruments participatifs au sein de l’UE, tel que l’initiative citoyenne européenne (ICE), leur succès reste cependant très limité. En effet, l’ICE doit remplir certains critères spécifiques (réunir 1 million de signatures en provenance de 7 pays différents par exemple) pour espérer être transposée en proposition d’acte législatif par la Commission Européenne. Peu médiatisés et peu connus du grand public, ces instruments européens souffrent d’un déficit de notoriété en dehors des acteurs associatifs et sont très souvent refusés.

Pourtant, la présidente Ursula von der Leyen s’était engagée à donner une nouvelle impulsion à la démocratie européenne et au rôle des citoyens lors de son discours d’ouverture au Parlement européen en juillet 2019. Elle souhaitait par ailleurs lancer une grande conférence sur l’avenir de l’UE sur 2 ans et ainsi permettre aux citoyens européens de se saisir des enjeux du continent et de participer aux processus décisionnels européens.

La conférence sur l’avenir de l’Europe aujourd’hui …

LE lancement de la conférence était initialement prévu le jour de la fête de l’Europe le 9 mai. Mais avec la crise du coronavirus une nouvelle date est proposée pour septembre. Cependant des points de divergences sont apparus entre les trois institutions européennes, tant sur la forme que sur le fond de la conférence. Alors qu’elle représente une importante opportunité pour permettre aux citoyens de s’exprimer et ainsi d’améliorer la qualité démocratique au sein de l’UE, les récentes positions du Conseil de l’UE ont révélé des différences avec celles du Parlement et de la Commission.

En effet, la plupart des grandes orientations participatives avancées par le Parlement et la Commission ne sont pas reprises explicitement dans les positions du Conseil de l’UE, même si certaines portes restent ouvertes en période post-pandémique. C’est notamment le cas des listes transnationales et du processus des Spitzenkandidaten (« candidats en têtes de liste au parlement européen), ou encore la possibilité de modifier les traités si les citoyens le demandent. Par ailleurs, le rôle des organisations de la société civile est minorisé et aucune mention n’est faite sur les ‘agoras de jeunes’ ni la participation de représentants des pays candidats à l’adhésion à l’UE portées par le Parlement et défendues par l’association JEF Europe. Ces ‘agoras de jeunes’ permettraient à au moins 3 jeunes de 16 à 29 de chaque Etats membres de se rassembler pour discuter autour de thématiques qui seront aussi abordés lors des agoras rassemblant toutes catégories de citoyens. Le but étant de favoriser la participation des jeunes issus de milieux les plus divers afin d’avoir une représentation plus significative de la diversité européenne et de répondre plus efficacement aux attentes et aux propositions de la prochaine génération de l’UE.

Les trois institutions devront également présenter une proposition sur le suivi de la conférence. Alors que le Parlement européen souhaite que les résultats des consultations citoyennes bénéficient d’un suivi significatif en s’engageant à proposer des propositions législatives, le Conseil de l’UE a adopté une proposition moins ambitieuse même si elle laisse une marge de négociation pour le futur.

La position du Conseil ayant été approuvée, la seule étape manquante afin de lancer la conférence sur l’avenir de l’Europe est une déclaration commune interinstitutionnelle avec le Parlement et la Commission, reflétant leurs vues sur le contenu et le processus de la conférence. Les discussions entre les institutions européennes sont donc ouvertes.

On peut dire que la conférence sur l’avenir de l’Europe est une première avancée pour une meilleure implication des citoyens dans le processus décisionnel européen et par une démocratie plus participative. Cependant, force est de constater que de nombreux obstacles persistent entre acteurs européens. il serait donc très difficile de transposer le modèle de la convention française à l’échelle continentale ... Affaire à suivre.

Notes

[1Il s’agit de la proposition de baisse du temps de travail à 28 heures hebdomadaires (semaine de travail de quatre jours) qui a été rejetée à 65% par les participants

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