Pourquoi, pour l’instant, nous n’y arrivons pas ?
Aujourd’hui, ce que nous appelons “Europe de la Défense” se concrétise essentiellement par la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC), créée en 2007, dans le cadre du Traité de Lisbonne. Ce dispositif se limite à l’élaboration d’une stratégie commune et tente de faciliter les coopérations entre les États-majors. Seuls quelques outils opérationnels ont pu émerger, comme le Fond européen de défense, la Force rapide d’intervention (onze opérations militaires et quatorze civiles en cours) ou encore des incitations à des achats communs de munitions.
Cette politique a minima souffre d’une absence de volonté politique et d’une insuffisance abyssale de moyens. Même si les Etats-membres ont rarement des stratégies profondément divergentes en matière de sécurité, certains sont farouchement attachés à leur souveraineté nationale et sont réticents à l’idée d’avancer vers la création d’une grande armée commune, craignant le transfert d’une partie de leurs forces militaires à un commandement européen.
Du reste, de nombreux pays européens dépensent peu dans la défense. Ils comptent sur leurs voisins, ou sur l’OTAN, pour assurer leur sécurité. La création d’une Europe de la défense nécessiterait de la part de certains pays des investissements financiers plus conséquents.
Le couple franco-allemand, souvent considéré comme le moteur de l’intégration européenne, n’a pas réussi à imprimer une dynamique significative dans ce domaine. Côté français, disposer d’une armée forte est considéré comme un avantage compétitif, pour des raisons politiques mais aussi industrielles et commerciales. Côté allemand, l’importance de l’OTAN reste primordiale. On craint qu’une armée européenne affaiblisse l’alliance transatlantique et compromette les relations avec les États-Unis.
Au-delà des obstacles pratiques, des freins philosophiques et institutionnels subsistent. A quel pouvoir commandement obéirait une vraie armée européenne ? La prise de décision au sein de l’Union est complexe, nécessitant la formation de consensus entre les États. L’idée d’une armée devant servir l’ensemble de l’Europe bute sur l’absence d’un gouvernement européen capable de prendre des décisions stratégiques rapidement et efficacement.
Ce que l’Europe de la Défense changerait pour notre sécurité et pourquoi il faut plaider POUR
Le principal bénéfice d’un développement, à l’échelle européenne, de capacités de défense et de dissuasion (forces conventionnelles, nucléaire, cyberdéfense…) serait de disposer d’une armée puissante, avec des capacités d’intervention plus importantes que n’importe quelle armée nationale. De plus, l’intégration des capacités militaires des États membres permettrait d’éviter les redondances, de rationaliser les dépenses et d’améliorer l’efficacité des opérations.
Cette grande armée européenne renforcerait notre autonomie stratégique, nous permettant de prendre des décisions indépendantes, sans dépendre des États-Unis. Cela renforcerait la crédibilité de l’UE en tant qu’acteur de sécurité mondial, et consoliderait son rôle dans la gestion des crises et conflits mondiaux. La coopération avec d’autres acteurs (OTAN, ONU…) serait plus fluide, permettant d’élaborer plus efficacement des stratégies communes de sécurité.
Alors, que faire ?
On le sait, l’Europe grandit en réaction à des crises. Nous traversons aujourd’hui une crise sécuritaire et l’UE doit répondre au besoin de protection exprimé par ses concitoyens. Cette approche permettrait à l’Europe de s’affirmer comme un acteur de sécurité autonome et efficace sur la scène internationale, garantissant la protection et la défense des Européens et de leurs intérêts.
Pour construire une défense européenne crédible, une volonté politique forte est essentielle. Les armées nationales pourront coexister avec cette armée européenne, chacune apportant des capacités complémentaires. Cependant, il est clair que le simple renforcement des structures existantes et qu’une coopération accrue entre les armées nationales ne suffiront pas.
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