Contre le retour de la circonscription nationale aux élections européennes

Débat sur la forme des ou de la circonscription(s) en France aux prochaines élections européennes de 2019

, par Vincent Doillet

Contre le retour de la circonscription nationale aux élections européennes

Les élections européennes de 2019 approchent, et les débats ont eux déjà commencé, notamment au sein de notre rédaction. Faut-il revenir à une circonscription nationale, garder celles de 2014, ou bien en former de nouvelles sur la base des nouvelles régions françaises ? Voici l’opinion de Vincent sur le sujet.

Lors des prochaines élections européennes, les règles du jeu électoral pourraient être modifiées. En effet, le Président de la République souhaite revenir à une circonscription nationale unique, scrutin qui prévalait jusqu’en 2004. Ce retour en arrière, au-delà de l’intérêt politique national évident pour le parti présidentiel qui espère fracturer l’opposition de droite sur la question européenne présente trois inconvénients majeurs. Pour que les élections européennes de l’an prochain soient politiquement utiles, il faut en venir à un découpage des circonscriptions respectant la nouvelle carte administrative des régions françaises.

Un vote sur des enjeux nationaux

Le retour à la circonscription nationale unique présente tout d’abord le risque d’une nationalisation accrue du scrutin par les partis politiques français, qui ne s’en privaient déjà pas, et risque d’axer la campagne davantage encore sur des questions de politique nationale. Imaginons qu’au moment de la campagne électorale en mai 2019, la popularité d’Emanuel Macron soit à un niveau proche de celle de son prédécesseur. L’opposition ne se priverait pas d’instrumentaliser ce scrutin pour le transformer en vote sur la politique du Président de la République. On serait alors bien loin de tenir compte des préoccupations des citoyens français et européens. Les élections européennes sont trop souvent un moyen de sanction des gouvernements nationaux et ce scénario serait favorisé par la mise en place d’une cirsconscription nationale unique.

Un scrutin verrouillé par les partis politiques

Ce retour à l’ancien mode de scrutin présente un autre risque pour la démocratie : celui du verrouillage des listes par les appareils politiques. En effet, il est tout à fait probable que les candidats en position éligible soient choisis non pour ce qu’il pourraient apporter au Parlement européen mais bien pour leur loyauté au chef de leur parti. Avec des listes de 79 noms fixées par les partis politiques, il est hélas possible que les élus ne soient pas responsables devant leurs électeurs mais uniquement auprès du chef de leur parti.

De plus, il est probable que certains poids lourds de partis qui ont souffert aux dernières élections législatives tenteront de se reconvertir en députés européens. Cela était déjà le cas avec l’ancien système qui avait permis à des battus des élections législatives de se faire élire députés européens sans être impliqués par la suite dans les travaux parlementaires. Ainsi, Nadine Morano (LR-PPE), battue aux élections législatives de 2012 et élue députée européenne en 2014 a produit en tout et pour tout cinq propositions de résolutions, la dernière en mars 2015 et n’a été ni rapporteur ni rapporteur fictif. Il est en revanche probable qu’elle soit récompensée de sa loyauté envers le président de son parti en obtenant une place avantageuse sur la liste des Républicains en mai 2019. Il ne s’agit nullement d’une attaque contre la personne de Nadine Morano mais elle est un symbole de cette pratique qui aura probablement lieu au sein du Parti Socialiste, l’autre grand brûlé des dernières élections législatives. Ce verrouillage est contraire aux attentes des citoyens qui vont élire des députés pour qui l’Europe est plus un gagne-pain qu’un engagement personnel.

Un scrutin qui coupe les citoyens de l’Europe

En outre, la renationalisation du scrutin accentuera la fracture entre élus et citoyens, déjà très présente avec le système actuel. Le retour à la circonscription nationale provoquera l’élection de députés hors-sol, n’ayant pas conscience des enjeux des territoires français et incapables de les défendre au Parlement européen. Il sera très difficile aux régions françaises, pourtant reconnues comme autorités de gestion des fonds structurels européens, de se faire entendre auprès du législateur principal de l’Union européenne, le Comité des Régions n’ayant qu’un rôle consultatif. Si un tel découpage serait problématique pour les régions métropolitaines, il le serait encore plus pour les DOM-TOM qui ont grandement besoin de défenseurs au Parlement européen au vu des problèmes spécifiques qu’ils rencontrent.

Pour des élections à échelle régionale : les nouvelles régions à taille européenne doivent servir à rapprocher l’Europe des citoyens

Pour remédier à ce défaut démocratique, il faudrait passer à un scrutin par circonscription régionale. Cela sera plus facile avec les régions françaises actuelles dont le découpage a été prévu pour leur donner une taille européenne. Un tel redécoupage permettrait d’élire des députés européens plus proches des réalités des citoyens et mieux à même de faire prévaloir l’intérêt de ces derniers. En outre, un découpage par régions obligerait les partis politiques à désigner des personnalités connues pour un engagement associatif local. Par exemple, à l’échelle de la Nouvelle Aquitaine, le parti Les Républicains pourrait choisir un représentant des propriétaires de vigne dans le bordelais, La France Insoumise un militant de l’association Droit au Logement et La République En Marche un professeur de droit européen. Ce ne sont là que des exemples qui montrent la possibilité de présenter des personnalités dont l’engagement peut apporter une expertise au Parlement européen, loin du verrouillage par les appareils politiques.

En somme, si Emanuel Macron souhaite respecter son engagement de rapprocher l’Europe des citoyens, il doit renoncer à instaurer une circonscription nationale et en venir à des circonscriptions à échelle régionale pour que les députés européens soient plus proches de leurs électeurs.

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