Coup d’œil juridique : la vaccination contre la Covid 19, une réussite européenne

, par Charles Arcillon

Coup d'œil juridique : la vaccination contre la Covid 19, une réussite européenne
Un des premiers vaccins administrés, ici à Nicosia en Italie. Crédit : Union européenne 2020 / Commission européenne

Le 21 décembre dernier, la Commission européenne a donné, après l’avis favorable de l’Agence européenne des médicaments, son autorisation à l’entrée sur le marché européen du vaccin de Pfizer et BioNtech. Une autorisation qui donne de l’espoir aux Européens dans leur lutte contre la Covid 19 et qui concrétise, pour la première fois, la stratégie initiée par l’Union européenne et les États membres en juin 2020.

La volonté politique en faveur d’une réaction commune et inédite

En juin dernier, en appliquant le règlement (UE) 2020/521, l’Union européenne a activé le mécanisme financier de l’aide d’urgence dans le but d’acquérir des doses de vaccin contre la Covid 19. Ce règlement, adopté en avril 2020 par le Conseil, a également modifié le règlement (UE) 2016/369 afin d’étendre son champ d’application aux financements des besoins urgents des États membres pour lutter contre la pandémie.

L’intérêt de ce mécanisme est très concret puisque l’aide d’urgence est une notion juridique qui traduit la mise en œuvre d’un financement, propre au budget de l’Union européenne. Cette aide peut être accordée sous différentes formes, dont celle énoncée à l’article 4 paragraphe 5, point b), qui offre la possibilité à la Commission de mener une passation de marché pour le compte d’États membres, sur la base d’un accord préétabli entre les États membres et la Commission. De ce fait, c’est en visioconférence, le 12 juin 2020, que les ministres de la Santé des États membres, réunis pour le compte du Conseil de l’UE, se sont entendus pour coordonner leur effort dans la lutte contre la Covid 19. Plus précisément, ils se sont alignés sur la volonté de communautariser l’effort financier pour la recherche et développement des vaccins, puis de se coordonner pour les distribuer équitablement. Puis, la Commission a approuvé l’accord final établissant les modalités procédurales de passation des contrats ainsi que l’étendue du pouvoir de négociation qui lui est conféré. Par conséquent, elle est compétente pour signer des contrats de pré-achats avec des laboratoires, pour le compte des États membres, depuis le 18 juin 2020.

Ainsi, il est possible de constater la volonté des États membres de se coordonner afin d’optimiser le développement de plusieurs vaccins. L’action de l’Union européenne est alors fondée sur un mécanisme économique et financier qui a été adapté en urgence, par le Conseil, pour répondre efficacement à la crise sanitaire. La réaction a été très rapide et inédite puisqu’elle ne connaît pas de précédent.

Cette réaction rapide transcrit concrètement et parfaitement la citation de Jean Monnet à la situation que nous vivons : « L’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises ». La course internationale au vaccin est si effrénée et nécessaire que notre continent se devait d’être uni.

Coopération et solidarité, deux piliers de la stratégie européenne

En adoptant le règlement (UE) 2020/521, l’Union européenne s’est donnée la possibilité d’accorder une aide d’urgence par le biais d’une passation de marché “menée par la Commission pour le compte des États membres”. Par conséquent, en appliquant l’article 4 paragraphe 5, point b), de ce règlement, la Commission et les États membres ont établi une procédure unique et centralisée de passation de marché, pour précommander des doses de vaccin auprès de différents laboratoires. Toutefois, une telle procédure ne peut fonctionner que dans la mesure où les États membres coopèrent et restent solidaires.

La coopération est fondamentale dans le cadre des négociations pour l’achat anticipé des doses de vaccin puisqu’elles résultent d’une action commune et concertée, mise en œuvre par un comité de pilotage. Il s’agit alors pour les États membres de se conformer aux modalités procédurales établies par la décision de la Commission du 18 juin 2020. En outre, les États doivent être loyaux et transparents à l’égard de la communauté concernant les actions concomitantes qu’ils entreprennent. C’est d’autant plus important que la Commission préside ce comité de pilotage, au sein duquel des représentants des États membres siègent, et dont la principale mission est d’accompagner les négociations menées par l’exécutif européen.

Par ailleurs, en déléguant ce pouvoir à la Commission, les États membres se sont assistés mutuellement pour surmonter la pandémie. Un corollaire du déclenchement de l’aide d’urgence puisqu’il existe une disparité de moyens dans les financements alloués au système de Santé public dans chaque État. En réalité, à travers ces achats anticipés, l’Union européenne a investi dans des programmes de recherche et développement de vaccin. L’objectif était double : d’une part d’accélérer le processus de découverte et de fabrication du vaccin, et d’autre part, de mutualiser l’effort d’investissement par réduction des coûts. En effet, en se répartissant l’effort financier, les États ne se sont pas livrés, entre eux, à une concurrence infructueuse.

Puis, il ne faut pas occulter que cette stratégie, bien que technique, vise à prémunir les citoyens de l’Union de ce coronavirus. En effet, il est important de souligner que la répartition des vaccins s’effectue de manière équitable et proportionnée en fonction du nombre d’habitants de chaque État.

Actuellement, nous observons la contrepartie de ces investissements puisque moins d’un an après le début de la pandémie, les doses précommandées ont été distribuées dans chaque État membre et la vaccination a débuté.

Ainsi, les deux piliers sur lesquels repose la stratégie européenne d’acquisition des vaccins caractérisent parfaitement la singularité de la forme juridique de l’Union. En effet, il est préférable d’appréhender l’Union européenne comme une entité juridique unique et de s’écarter des formes étatiques préétablies. Par ailleurs, cette action commune traduit l’expression de la souveraineté européenne.

La nécessité d’établir une souveraineté européenne dans le domaine de la Santé

La souveraineté européenne est une notion fonctionnelle et récente dont les contours restent assez flous, en raison de la prédominance de la notion, plus classique, de souveraineté étatique. De plus, le discours des politiques tend davantage à brouiller les contours de la notion en les confondant avec ceux du concept de la puissance. Néanmoins, il est possible d’appréhender la souveraineté européenne comme l’expression par les États membres d’une indépendance par rapport aux autres puissances de ce monde, et qui est élevée, par nécessité, au rang de l’Union européenne.

En procédant à l’activation de l’aide d’urgence en matière sanitaire, les États membres se sont donnés les moyens financiers et économiques, à travers l’Union, d’investir dans la recherche pour le vaccin et de protéger les intérêts des européens. Ainsi, l’avènement d’une Europe stratégique en matière de santé est nécessaire pour recouvrer notre indépendance et tourner la page de la Covid 19, tout en se préparant aux futures épidémies.

Finalement : « Continuez, continuez, il n’y a pas pour les peuples d’Europe d’autre avenir que dans l’union », Jean Monnet.

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