CumEx : quelle responsabilité pour l’Union européenne dans la lutte contre la fraude fiscale ?

L’Europe, impuissante face à la fraude fiscale ? Comprendre simplement l’affaire du CumEx et du CumCum

, par Sergio Camachetty

CumEx : quelle responsabilité pour l'Union européenne dans la lutte contre la fraude fiscale ?

Evasion ou optimisation fiscale ? Entre légalité et manipulations frauduleuses, la limite peut être parfois difficilement perceptible. Après les Panama Papers et les LuxLeaks, l’affaire du CumEx ébranle une nouvelle fois la fiscalité européenne. L’alliance de 19 médias européens a permis de mettre à jour un système de fraude fiscale plus élaboré que celui de la simple évasion fiscale.

Décryptage d’un complexe système de fraude qui utilise la loi à son avantage. 

Quelle coopération en matière de fraude fiscale en Europe ? 

La coopération entre administrations fiscales est définie en matière de TVA et d’impôts direct par un règlement européen et une directive. Cette directive et ce règlement prévoient en outre une assistance et une coopération entre les administrations nationales. C’est dans ce cadre que les services administratifs procèdent à leurs investigations. Ces textes constituent le fondement des échanges d’informations et peuvent être complétés par des conventions fiscales binationales. 

Par exemple, entre la France et l’Allemagne, une coopération se fait, notamment dans le cadre des sociétés « boite aux lettres ». Il s’agit d’une société domiciliée dans un Etat membre mais pour laquelle l’activité pourra être réalisée dans un autre pays. L’entreprise peut alors bénéficier de la fiscalité propre à son activité dans le pays où son entreprise est domiciliée. Si la pratique est légale, la Commission avait affirmé vouloir lutter contre les pratiques abusives visant à changer de pays afin de contourner les règles fiscales et payer simplement moins d’impôts. Localement, c’est la convention fiscale franco-allemande de 1959, la déclaration commune de Schwetzingen et l’entente de Berlin qui permettent de régler les échanges entre les Länder allemands et les départements français limitrophes.

Pourtant, s’il existe entre Etats membres, notamment transfrontaliers, des systèmes de contrôle de la fraude fiscale, il n’existe pas aujourd’hui d’agence européenne de lutte contre la fraude.

Comment fonctionnent le CumEx et le CumCum ?

En octobre dernier, le quotidien français Le Monde, associé à dix-huit autres médias européens, a participé à la révélation de ce qui est présenté comme le « casse du siècle ». Ils révèlent ainsi que « 55 milliards d’euros ont été subtilisés, en 15 ans, à plusieurs Etats européens par des financiers opérant en bande organisée sur les marchés. » Ces révélations, appelées « Cumex Files » ont choqué et mis en lumière une fois de plus les pratiques d’évasion fiscale et le besoin, urgent, de lutter efficacement contre.

Dans le cadre de cette affaire de fraude, ce sont deux pratiques qui ont été identifiées : l’une illégale, le CumEx et l’autre légale, le CumCum. Petites explications sur ces mécanismes bien rodés qui, selon les estimations des médias, ont fait perdre près de 55 milliards d’euros aux administrations fiscales.

Le CumEx, est une pratique illégale et frauduleuse car elle a permis à des sociétés de se faire rembourser un impôt sur les dividendes qu’elles n’ont pas payé. L’État a donc indûment remboursé les sociétés. En pratique, les dividendes sont versés à la personne détentrice d’actions. Par un habile système d’achat/revente d’un grand nombre d’actions entre sociétés au moment du versement des dividendes, les sociétés ont demandé aux administrations fiscales le remboursement d’un crédit d’impôt lié au versement des dividendes. Ne pouvant clairement identifier le véritable propriétaire, l’administration peut être amenée à rembourser plusieurs fois le même crédit d’impôt. C’est là que se fait la fraude. 

Le CumCum est une pratique légale d’optimisation fiscale. Contrairement au CumEx, le CumCum utilise la loi à son avantage. Les investisseurs étrangers revendent pour une courte durée leurs actions aux banques nationales et ce avant le versement de leurs dividendes. Ainsi, ils récupèreront après le versement du dividende à la banque, leurs actions et les dividendes associés. En prenant une commission au passage, c’est un jeu gagnant/gagnant entre la banque et la société qui n’aura pas été taxée sur les dividendes. 

Vers une pénalisation de la fraude fiscale en Europe ?

En France, le choix n’est pas à la pénalisation. Pourtant, pour lutter efficacement contre la fraude et entrer dans le schéma de la dissuasion, ne faudrait-il pas affirmer clairement une pénalisation forte de ce genre de pratiques ? 

Suite à l’affaire du CumCum, les sénateurs français ont récemment proposé un dispositif pour lutter contre la fraude révélée par le quotidien « Le Monde ». 

Dans le cadre du Projet de Loi de Finances 2019, les sénateurs veulent faire échec aux opérations d’ « arbitrage de dividendes », en soumettant à une retenue à la source de 30% sur tous les flux financiers correspondant à la rétrocession d’un dividende à un actionnaire non-résident. Cette réponse est une première étape dans le processus de lutte contre l’optimisation et la fraude fiscale. Pourtant elle n’est pas satisfaisante si seule la France prend des mesures dans ce sens. Il faudrait en effet qu’il y ait un consensus au sein des Etats afin que cette mesure ait un réel impact et que ce genre de pratiques soit mieux encadré.

Il serait intéressant que cet encadrement soit législatif et qu’il prévoit une pénalisation de la fraude. Aussi, il devient évident que le Parlement européen devrait légiférer sur cette question. En imaginant un dispositif plus approfondi que la simple coopération fiscale, l’Union européenne se doterait d’une vraie législation relative aux différentes pratiques dommageables et ne se contenterait pas simplement d’agir contre la fraude liée au budget européen. On peut alors aisément penser que la Cour de Justice de l’Union européenne serait aussi en mesure de juger des cas de fraude, ce qui donnerait un réel pouvoir aux institutions européennes pour lutter contre ces pratiques. Alors, les institutions ont-elles un rôle à jouer dans cette lutte ?

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