Défense : le Danemark se rapproche de ses voisins européens

, par Alexis Vannier

Défense : le Danemark se rapproche de ses voisins européens
Source : Pxfuel

Nous le voyons bien : la guerre en Ukraine a des répercussions dans le monde entier, surtout sur le vieux continent. Raidissements diplomatiques, augmentations des prix, ruptures et pénuries, disqualifications en tout genre… La folie poutinienne n’a plus de limite. L’Ukraine et ses habitants agissent dans l’urgence pour sauver leur vie. Les autres Européens réagissent diversement, pour garantir leur protection, comme les Danois concernant leur politique de défense.

Les Danois resserrent les rangs

En disant « oui » à 67% lors du référendum de mercredi 1er juin (avec 66% de participation) les Danois ont mis fin à leur option de retrait ([opting-out]) s’agissant de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Une clause de sortie négociée par Copenhague il y a 30 ans pour limiter la portée du droit de l’UE sur ses compétences nationales. Ainsi, par peur de la guerre, les citoyens danois se rapprochent de Bruxelles. Le gouvernement prévoit en outre de consacrer 2% de son PIB à la défense (objectif inscrit dans le Traité de l’OTAN) d’ici à 2033.

Ce n’est pas vraiment un hasard si le Danemark a rejoint les Communautés européennes en 1973 en même temps que l’Irlande et le Royaume-Uni. Ce premier élargissement a de facto inventé l’Europe à plusieurs vitesses. C’est lors du Sommet d’Edimbourg de 1992 que Copenhague clarifie ses exigences : pas d’harmonisation dans les domaines de la citoyenneté, de la justice, des affaires intérieures, de la défense et de la monnaie. Concrètement, le représentant danois quitte la salle de réunions des ministres des affaires étrangères quand des questions de défense sont abordées. C’est la complexité de l’élaboration de la politique étrangère danoise qui avait justifié ce choix : un comité parlementaire spécialisé, le [nævet] exerce un contrôle strict sur l’action gouvernementale en la matière, en tenant compte de tous les groupes politiques du Parlement pour les « décisions étrangères majeures » ; exigence constitutionnelle.

Ces multiples clauses de sortie illustrent les réticences traditionnelles des pays nordiques qui entretiennent une certaine méfiance vis-à-vis de l’Union européenne dans son aspect supranational, centralisateur, lui reprochant également une trop grande politisation et une transparence critiquable. Par contraste avec la consultation populaire de ce mercredi, les Danois (à 53%) avaient refusé la fin) de leur [opt-out] concernant la justice et les affaires intérieures en 2015. Cependant, le contexte international exceptionnel de guerre en Europe a poussé la Première ministre de centre-gauche Mette Frederiksen à chercher un compromis avec les autres formations politiques et soumettre la question à référendum. Juridiquement hors de l’Union européenne, les électeurs Groenlandais et féroïens ne participaient pas au vote.

Une évolution incontournable dans les politiques nationales que l’on retrouve dans les rapprochements finlandais et suédois vers l’OTAN, le financement direct par l’Union européenne d’armes destinées à une zone de conflit, l’envoi par l’Allemagne d’armes létales à un pays en guerre… Même la Suisse s’est -en partie- défaite de sa légendaire neutralité en s’associant au régime de sanctions élaboré par Bruxelles !

La défense continentale, un serpent de mer dont on commence à voir la queue

Après la Seconde Guerre mondiale, la construction européenne s’est imaginée principalement autour de l’économie. Néanmoins la défense n’a pas été écartée. Dès 1948, la Belgique, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Royaume-Uni s’accordent sur une alliance défensive autour de l’Union de l’Europe occidentale (UEO). Les États-Unis d’Amérique se positionnent dès l’année suivante avec l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), véritable parapluie défensif américain sur les États du Vieux continent alliés à Washington. Craignant un réarmement d’une Allemagne tout juste pacifiée, le Parlement français met cependant un coup d’arrêt à l’approfondissement de l’union défensive en votant contre la Communauté européenne de défense en 1954. La superpuissance rassurante des Étasuniens favorise l’élargissement de l’OTAN (30 membres aujourd’hui) au détriment d’une défense commune à l’Europe.

Cependant, les conflits issus de la dislocation de la Yougoslavie dans les années 1990 redonnent une certaine vigueur aux débats. C’est le Traité de Maastricht de 1992 qui crée la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) dont l’UEO devient le bras armé. Pour plus d’efficacité et de transparence, l’UEO est dissoute par le Traité de Nice de 2001, au profit de la Commission européenne qui crée un organe compétent en la matière. Les chefs d’État et de gouvernement approfondissent encore les compétences supranationales avec la création d’une politique de sécurité et de défense commune, instituant le poste de Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, avec le Traité de Lisbonne de 2007. Autre nouveauté, les textes prévoient désormais explicitement l’élaboration d’une défense commune : la base juridique est donc prête et n’attend plus que la volonté politique.

Et ces dernières années, les mentalités évoluent. L’élection d’Emmanuel Macron à la présidence française en 2017 a amorcé un changement de cap, le quasi-tabou de la défense est tombé. Le marché de l’armement se porte à merveille depuis que les régimes autoritaires se sont rendus compte de leur vulnérabilité avec les Printemps arabes : l’Europe veut donc sa part du gâteau. Les projets de coopérations industrielles militaires ont fleuri comme le projet "New Generation Fighter". De plus, c’est en 2018 qu’est née l’Initiative européenne d’intervention qui concrétise le partage de renseignements et d’analyses et jette les bases de futures interventions militaires décidées conjointement. Elle regroupe actuellement 13 États dont le Royaume-Uni, l’Estonie ou encore le Danemark. Le rapprochement de la défense danoise avec Bruxelles était déjà amorcé.

Une guerre est un acte criminel. La guerre que mène Moscou contre l’Ukraine est criminelle, le régime russe a le sang de milliers de personnes sur les mains. Ces crimes méritent des réponses judiciaires. En attendant la résolution du conflit, les États occidentaux ont répondu dans l’urgence en accueillant des réfugiés, en soutenant les Ukrainiens sur place ou en envoyant des armes. Cependant, le temps long -ou du moins le temps moyen- commence à apparaître et des changements politiques profonds sont décidés, qui marqueront l’histoire. Des analyses, débats et critiques sont nécessaires. Il reste cependant fondamental de garder à l’esprit les citoyens Ukrainiens -et les soldats russes- qui continuent de mourir au nom des passions tristes de Vladimir Poutine.

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