Derrière les Six Nations, quelle dynamique pour le rugby en Europe ?

, par Jérôme Flury, Théo Boucart

Derrière les Six Nations, quelle dynamique pour le rugby en Europe ?

En dehors des sélections participant au Tournoi des Six Nations (France, Italie, Angleterre, Écosse, Pays de Galles, Irlande), les équipes européennes de rugby sont moins connues mais tentent de gagner du terrain. Le point à quelques mois d’une Coupe du monde prévue sur le sol français.

91,82 contre 90,47 ! L’Irlande demeure numéro 1 mondiale au classement de World Rugby du 13 mars 2023, pour moins d’un point devant la France.

Suivent un peu plus loin l’Écosse (5e), l’Angleterre (6e), le Pays de Galles (9e) dans ce top 10. Ces pays sont ainsi les meilleurs d’Europe et s’affrontent dans le Tournoi des Six Nations. Mais les suivants ne bénéficient pas de la même exposition médiatique… alors qu’ils existent ! Portugal, Roumanie, Espagne font aussi partie des 20 meilleures nations mondiales. Comme la Géorgie, qui se glisse même devant l’Italie.

Jamais à court d’idées pour parler de sport et d’enjeux politiques, le FC Geopolitic s’est distingué par un thread instructif sur Twitter le 24 février dernier mettant en lumière le championnat d’Europe de rugby et rappelant de nombreuses anecdotes historiques liées à ce sport. Ainsi, si le rugby est, comme bien d’autres disciplines sportives, codifié en Europe et plus précisément en Angleterre, un premier gros match entre institutions prend place en 1931.

À l’origine : un duel d’institutions

Exclue en 1931 du Tournoi des Cinq Nations auquel elle participait pourtant depuis 1910, la France s’associe avec l’Italie, la Roumanie, l’Allemagne, l’Espagne, la Belgique, le Portugal, les Pays-Bas et… la Catalogne pour créer la Fédération Internationale de Rugby Amateur (FIRA). Elle fait face à l’International Rugby Football Board. La FIRA réunit plus d’une soixantaine de sélections nationales à son apogée, issues de continents variés (Côte d’Ivoire, Chili, Chine, Israël…).

En 1999, cette fédération décide de se recentrer sur l’Europe. Six présidents français se sont succédé à la tête de l’institution mais c’est désormais un Roumain qui la préside depuis 2012, Octavian Morariu. La structure est devenue Rugby Europe en 2014 et compte 47 sélections. Elle organise notamment une épreuve appelée depuis 2016 le championnat international d’Europe.

La Géorgie, la meilleure des autres

À ce jeu-là, la Géorgie est presque sans rivale. La jeune nation a en effet remporté quatorze des seize dernières éditions, dont la dernière en date qui s’est soldée par une victoire 38 à 11 face au Portugal, dimanche 19 mars. Une domination liée en partie à des raisons de calendrier. L’organisation actuelle des compétitions fait que le championnat international d’Europe se déroule au même moment que le Tournoi des Six Nations. Ce qui exclut de fait la participation de ces dernières. Et favorise l’émergence d’autres sélections.

Autre facteur explicatif des bonnes performances géorgiennes : Une bonne partie des joueurs du XV géorgien évoluent dans le championnat français. En novembre, la Géorgie a même battu le Pays de Galles pour la première fois. Une belle forme sportive qui s’explique en partie par des raisons historiques : le lélo, un sport traditionnel du pays se jouant avec une balle, ressemble tant au rugby que les Géorgiens sont surnommés les “lélos” aujourd’hui. Il ne faut pas minimiser non plus l’importance du sport pour les jeunes républiques. Il permet d’exalter le patriotisme de la nation.

Un autre nation majeure européenne en rugby est la Roumanie. Avec la Géorgie, le pays est d’ailleurs qualifié pour la Coupe du monde 2023 qui se tient en France en octobre. Mais en ce début d’année 2023, c’est le Portugal qui affiche une progression intéressante, ayant atteint la 16e place mondiale et étant également qualifié pour le Mondial. “C’est une année assez riche et incroyable. L’engouement monte match après match”, constate l’international portugais Samuel Marques.

l’Allemagne, géant footballistique, nain rugbystique

En revanche, l’Allemagne, quadruple championne du monde de football, peine à ramener de bons résultats. Son succès poussif contre la Pologne cette année était sa première victoire dans ce tournoi depuis six ans et les Allemands se font régulièrement malmener par des nations bien plus solides, comme la Géorgie ou l’Espagne. Ils viennent de perdre contre les Pays-Bas, qui ont terminé 5e du championnat international d’Europe. En 2018 pourtant, les schwarze Adler (“Aigles noirs”) s’étaient classés troisièmes de ce tournoi, derrière la Géorgie et la Russie.

Actuellement 30e mondiaux, entre la Belgique et la Corée du Sud, mais devant des nations ayant déjà participé à la Coupe du Monde, comme le Zimbabwe et la Côte d’Ivoire, l’Allemagne n’est clairement pas un pays de rugby, à l’instar de son voisin d’outre Rhin. A vrai dire, les statistiques indiquant la popularité des sports en Allemagne le montrent clairement : selon ce classement des 28 sports classés en termes de popularité, le rugby n’y figure même pas. En revanche, le football américain pointe en 20ème position.

Malte, Chypre, Andorre, petits mais costauds

Derrière la première division qui se bat pour décrocher le championnat international d’Europe, un système de promotions et relégations existe entre les équipes européennes. Cette année, dans la seconde division, nommée “Rugby Europe Trophy”, la Suisse et son entraîneur français Olivier Nier ont dominé Lituanie, Suède, Ukraine (qui joue ses matchs à domicile en Croatie) et Croatie.

Ensuite, la troisième division est la “Rugby Europe Conference” et si la République tchèque et la Bulgarie sont en passe de s’imposer, certaines nations à la démographie relativement faible y font également bonne figure. C’est le cas du Luxembourg (moins de 700 000 habitants), Chypre (900 000), et dans une moindre mesure la Slovénie, la Lettonie et la Moldavie, qui comptent moins de 3 millions d’habitants.

Chypre et Malte épatent. Les premiers, malgré de bons résultats historiques, ne figurent pas dans le classement mondial du sport car ils ne sont pas membres de l’International Rugby Board. Seules 109 nations sont au tableau . Quant à Malte, le pays est au 45ème rang planétaire ! Malte est ainsi une petite place forte du rugby européen et une session de cours et d’entraînements spéciaux y est prévue en mai, comme l’indique sur son site web Rugby Europe. L’organisation recense des cours de rugby donnés en Europe. Entre mars et mai, des sessions sont aussi prévues à Prague, Amsterdam et Stockholm.

Mais attention, il y a encore plus fort : dans le troisième échelon de ces compétitions européennes (la Conference 2) se trouve Andorre. Bien que le pays ne comptait que 297 joueurs licenciés en 2014 d’après des données publiées par World Rugby, Andorre a remporté plus d’une trentaine de matchs dans son histoire et fait actuellement partie de la poule Nord de la Conference 2, avec Norvège, Danemark et Finlande.

L’autre poule de cette division présente des matchs où la géopolitique s’invite comme souvent dans le sport puisque Serbie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro et Turquie se défient cette saison. Enfin, dans le dernier échelon du rugby européen en compétition, Autriche et Kosovo s’affronteront deux fois au mois d’avril.

Une situation sportive encore très hiérarchisée

Si l’on peut s’enthousiasmer des performances des “petits poucets”, il ne faudrait pas s’y méprendre : le Tournoi des Six Nations est encore un club extrêmement fermé et élitiste. L’admission de l’Italie en 2000 ne doit pas cacher le fait que les Nations britanniques et la France veulent continuer à dominer sans partage le rugby européen.

La première “victime” de ce système fonctionnant à huis clos est la Géorgie. Le pays caucasien tape régulièrement à la porte du club, un objectif qui tient à cœur au président actuel de la Fédération qui ne manque pas de le rappeler régulièrement dans les médias, notamment français. Il faut dire qu’une idée saugrenue géographiquement ressurgit parallèlement à intervalles réguliers : le remplacement de l’Italie à l’horizon 2025 par… l’Afrique du Sud, triple championne du monde en titre. Si l’intégration de franchises sud-africaines s’est faite cette saison en Champions Cup et Challenge Cup (les championnats de clubs européens de première et deuxième divisions), la venue des légendaires Springboks au Stade de France, à Twickenham, à Murrayfield, au Stadio Olimpico, ou au Principality Stadium ne semblerait pas pour tout de suite, au vu des réactions très contrastées que cela suscite.

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom