Une entrée remarquable, Stéphane BIJOUX sait y faire
C’est dans une ambiance intimiste quoique protocolaire que s’est organisé, ce 14 mars 2023, le dialogue citoyen sur l’eau. Cette rencontre, à l’initiative de l’ONG Solidarité Eau Europe qui vise à défendre et faire reconnaître l’eau comme un droit humain fondamental, s’inscrit dans le cadre de la Conférence des Nations Unies qui s’est déroulée du 22 au 24 mars.
Les intervenants ? Stéphane BIJOUX, eurodéputé RENEW, Antonella CAGNOLATI, co-fondatrice de l’association Solidarité Eau Europe, Coline ARNOUX et Clément DOLISI qui travaillent tous deux chez Solidarité Eau Europe.
Dans la salle perdue, dans les dédales du Parlement Européen, s’installe un climat d’attente ; Stéphane BIJOUX n’est pas encore présent. Mais à son arrivée fracassante, courtoise et rythmée par les “clic-clics” du déclencheur de l’appareil photo de son assistant parlementaire, nous comprenons tous de quoi il s’agit réellement ici : d’une énième représentation politicienne visant à susciter l’adhésion.
Stéphane BIJOUX, grand orateur, commence alors son discours sur l’urgence de la crise de l’eau. Il se promet d’être concis pour pouvoir écouter les invités et très vite, par une manœuvre géniale, il pose le décor. Il nous demande de compter à voix haute à l’unisson jusqu’à 36. Une fois que la chorale se termine, il développe : “Pendant ces 36 secondes une personne est morte de faim car sa région est touchée par une sécheresse”. Le ton change.
Mais Stéphane BIJOUX croit en l’Europe des solutions, à l’action car “pas capable et mort avant d’essayer” comme il aime le dire.
En réponse, Antonella CAGNOLETI demande à ce que soit créé, au sein du Parlement européen, un intergroupe sur l’eau. Elle s’étonne, aussi : le Parlement ne sera pas présent à la Conférence des Nations Unies. Question légitime, illusions mises à bas : il ne s’agira définitivement pas ici d’aboutir à une position que la communauté européenne pourra présenter lors de la Conférence des Nations.
À questions précises, réponses vagues
La parole est ensuite donnée aux panélistes. La première intervention insiste sur la nécessité d’aboutir à une Convention sur l’eau pour avoir un texte qui soit international, contraignant et cohérent.
Un deuxième participant s’interroge sur les enjeux lorsque même la France peine à assurer ses services d’assainissement sur l’ensemble de son territoire.
Stéphane BIJOUX répondra à ces deux interventions d’une réponse longuette se perdant entre les différents concepts ; invoquant tantôt le blocage du vote à 27 avec le principe de l’unanimité qui s’applique dans le domaine de l’environnement, tantôt l’entrave instaurée par la Hongrie sur les Droits humains fondamentaux. Il conclura son intervention par un discours solutionniste décomplexé insistant sur le rôle du progrès technique et l’importance de l’innovation. Pragmatique, il nuance toutefois sur les limites du progrès technique. L’innovation ne doit pas justifier des incohérences, faciliter le développement des OGM ni même détourner le regard de ce qu’il lui apparaît essentiel : inverser le rapport de force en faveur de la protection de l’environnement.
Une étudiante en Droit de l’environnement souligne alors l’inaptitude de la PAC 2023-2027 à répondre aux enjeux de la préservation des ressources en eaux puisqu’elle continue à favoriser les exploitations intensives avec la logique de la subvention à l’hectare et des mécanismes de verdissement des subventions peu incitatifs.
La réponse de l’eurodéputé, décevante, vient confirmer qu’il n’y aura pas de débat de fond lors de cette rencontre. Il défend la PAC ; car dans transition écologique il y a le mot “transition” qui implique de faire évoluer les choses progressivement. Dès lors, il trahit sa promesse faite à demi-mot en début de séance sur la prise en compte du caractère de l’urgence. Il félicite aussi les actions de l’Union qui défendent des importations responsables à travers la récente réformation des accords de libre-échange entre l’Union européenne et le Brésil sur la question de l’interdiction de l’importation des produits issus de la déforestation.
Une conclusion qui laissera les participants sur leur soif
Après une heure et demie de discussion, dont la majeure partie a permis à Stéphane BIJOUX de discourir, Antonella CAGNOLETI demande à ce qu’une autre réunion soit organisée en Octobre pour continuer ce dialogue. Stéphane BIJOUX accepte volontiers.”Pour que personne ne ressorte frustré” de cette discussion monologique, il redonne la parole aux panélistes.
Les interventions fusent alors ; c’est maintenant ou jamais ! L’une regrette le changement de vocable passant du “sauvons la planète” des années 1990 au “sauvons l’humanité”. Une autre prévient : l’urgence ne peut pas conduire à 15 ans de pourparlers pour aboutir, comme dans le cas de la protection de la haute mer, à une Convention. Enfin, le dernier panéliste venant pour l’ENGEES, s’inquiète : les objectifs de la directive cadre sur l’eau ne semblent pas atteignables face au degré de pollution des eaux. Il continue en précisant que les alternatives et les solutions politiques devraient être proposées par ceux qui tiennent les institutions ; plutôt que les décideurs ne reprochent aux militants de ne pas apporter de solutions en confirmant, par là même, la théorie du triangle de l’inaction.
Bref, une case aura été cochée ce soir-là sur l’agenda politique de Stéphane BIJOUX : se faire connaître d’un jeune public alors que la perspective des élections européennes de 2024 se dessine peu à peu. Cela ne sera malheureusement pas suffisant face à la déconnexion institutionnelle entre les citoyens et les politiques qui, d’un côté, veulent s’exprimer, et de l’autre discourent sans écouter.
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