Education, les bons élèves sont rares
Quelles que soient les idées défendues par un parti politique, nous sommes en droit d’attendre que le sujet de l’éducation fasse l’objet d’un traitement, même succinct. En effet, l’Union européenne dispose d’un pouvoir de coordination et de soutien aux États en matière de politiques d’éducation (compétence d’appui). De facto, plusieurs partis présentant ou soutenant des listes pour les élections européennes, semblent avoir rendu copie blanche sur ce sujet, sauf à considérer pour certains que la volonté de protéger le service public constitue un programme complet dans le domaine de l’éducation. Parmi ces mauvais élèves, on retrouve pêle-mêle le Rassemblement national, l’UDI, Génération.s, le Parti Communiste Francais ou encore Europe Ecologie Les Verts.
A ces copies blanches, il faut bien sûr ajouter les copies plus que médiocres rendues par certaines formations politiques. Ainsi, Debout la France, le parti de Nicolas Dupont-Aignan, semble confondre allègrement le rôle de la Francophonie et celui de l’Union européenne en proposant dans son programme de « récupérer les budgets gaspillés dans les ambassades de l’Union européenne » afin de les utiliser « pour faire rayonner les lycées, les universités, la langue et la culture françaises à l’étranger ». Les Républicains, se contentent eux du service minimum en limitant leurs propositions au renforcement des jumelages et systèmes de correspondance dans le secondaire ainsi qu’au renforcement de l’apprentissage de l’histoire, le tout dans l’optique de « transmettre aux plus jeunes le sens de la civilisation européenne ».
Passons maintenant aux partis qui avancent des propositions plus sérieuses sur le sujet. La liste menée par le Parti Socialiste et Place Publique propose de renforcer le sentiment d’appartenance à l’Europe via un « parcours éducatif universel » basé sur « des échanges pédagogiques et des projets intra-européens co-construits avec les jeunes et portés par eux ». Mais, distraite, elle propose également de travailler à « une meilleure harmonisation des diplômes », ce qui est somme toute très proche du but du Processus de Bologne, qui existe depuis quasiment 20 ans. De plus, elle propose la création d’un label d’universités « handi-accueillantes », et la mise en place d’un « contrat d’apprentissage européen », ce qui peut être vu comme une volonté, s’agissant d’apprentissage, d’aller plus loin que l’actuel programme Erasmus +. Le sujet est d’ailleurs un axe d’amélioration des politiques européennes bien identifié et avait déjà fait l’objet d’un rapport du député européen Jean Arthuis remis en janvier à la ministre du travail française.
Pour ce qui est des idées qui se demarquent, la France Insoumise s’inquiète de la marchandisation croissante de l’éducation et de l’enseignement supérieur, et propose de viser un objectif de 3% du PIB de chaque pays consacré à la recherche et à l’enseignement supérieur. Pour sa part, La République en Marche suggère de « créer une plateforme européenne de candidature aux universités ». Au vu des débats connus l’année dernière en France suite de la mise en place de Parcoursup, plateforme contestée par de nombreux acteurs de l’enseignement supérieur et secondaire, les écueils s’annoncent de taille pour une récidive à l’échelle européenne. Pour le reste, s’il était attendu que La République en Marche reprenne à son compte la notion d’universités européennes, proposée par Emmanuel Macron dans son discours de la Sorbonne et depuis transformées en appels à projetspar l’Union européenne, il est plus étonnant que la France Insoumise le fasse également. Sur ce point, la différence entre les deux listes porte effectivement plus sur le but que doivent poursuivre ces universités que sur leur existence. La France Insoumise met en avant la gratuité et le libre accès à ces dernières, qui doivent devenir un espace de coordination renforcée, là où La République en Marche se concentre davantage sur la création de diplômes communs et d’une mobilité améliorée.
Erasmus éclipse les questions de jeunesse dans le programme des partis
Là encore, nous nous devons de décerner des mentions spéciales à certains partis. Être capable, en 2019, d’écrire tout un programme politique pour une élection sans utiliser les mots « jeune », au singulier comme au pluriel, ou « jeunesse » est une performance singulière. Néanmoins à la date de rédaction de cet article et au vu des programmes publiés sur leurs sites de campagne respectifs, le Rassemblement National et l’UDI sont malheureusement en passe de réaliser cet exploit.
Pour les autres listes, quand la question de la jeunesse est abordée, c’est bien souvent sous le prisme d’Erasmus. Debout la France veut « doubler le budget Erasmus pour qu’au moins 50% des étudiants et apprentis étudient dans un pays européen ». La République En Marche propose de multiplier par 5 le nombre de français prenant part à Erasmus d’ici 2024 et de tripler le budget d’Erasmus afin d’augmenter les bourses à destination des publics les plus modestes. Ambitieux, mais pas révolutionnaire quand on sait qu’il s’agit de la position actuelle du Parlement européen sur la question budgétaire et que la position de la plupart des organisations jeunes et de jeunesse est de demander sa multiplication par 10. Plus audacieux, Les Républicains et le Parti Communiste Français souhaitent, certes avec des termes différents, permettre à tous les jeunes de prendre part au programme Erasmus, s’abstenant néanmoins de chiffrer l’évolution et donc pour nous d’en évaluer la faisabilité. Au-delà, si Debout La France souhaite élargir le programme Erasmus aux voisins de l’Europe (oubliant au passage que c’est pour partie déjà le cas), la France insoumise propose elle d’étendre Erasmus à « l’ensemble des pays francophones y compris hors d’Europe ». Une proposition qui, sur la forme, mélange francophonie et Union européenne mais pourrait, sur le fond, participer à donner une nouvelle dynamique au programme Erasmus Mundus. En outre, La France insoumise souhaite construire un « espace international solidaire » passant entre autres par l’augmentation des places en résidence étudiante et « des dispositifs d’accompagnement pédagogique et administratif, en particulier pour les migrants et réfugiés ».
Toujours sur le plan de la mobilité, les listes conduites ou soutenues par Génération.s et la France Insoumise vont même plus loin que l’Erasmus actuel en proposant pour tout jeune de 16 à 25 ans une aide pour se former, étudier ou travailler dans un autre pays européen. Génération.s chiffre cette aide à 850€ par mois et la France Insoumise parle d’allocation d’autonomie sans en donner le montant. Cependant l’expression avait déjà été employée, à l’échelle française, dans le programme présidentiel de La France insoumise et correspondait à l’époque à une aide de 800€/mois. La liste conduite par le Parti socialiste et Place Publique, propose quant à elle un mi-chemin entre l’Erasmus actuel et les propositions de la France insoumise et de Génération.s, en gardant la même fourchette d’âge, en étendant l’attribution de l’aide aux activités associatives, mais en évoquant une « bourse à la mobilité allant jusqu’à 5 000 euros ».
Dans le domaine du soutien financier aux jeunes, La République En Marche propose une « Garantie Zéro Chômage » qui donnerait accès à un prêt pouvant aller jusqu’à 15 000€ pour suivre ou poursuivre des études ou une formation. Le remboursement de ce prêt serait alors conditionné au fait que la personne dispose de revenus « suffisamment élevés » à l’issue de la formation. De plus, la liste de la majorité présidentielle rappelle son attachement à la préservation « des aides européennes destinées aux plus précaires : banques alimentaires et initiatives pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi ». Enfin, La République En Marche veut créer des prix et des bourses pour aider les « jeunes artistes européens » là où Les Républicains montrent dans leur programme un attachement particulier au soutien et à l’accompagnement des jeunes agriculteurs et pêcheurs, sans pour autant expliciter de mesures. En revanche, la liste conduite par le Parti Socialiste et Place Publique propose de généraliser la « garantie jeunes » à « l’ensemble des jeunes européens », oubliant visiblement que cette mesure française de 2013 est à la base une idée lancée et développée par l’Union européenne qui s’applique déjà.
Enfin, dans le domaine du lien entre jeunes et citoyenneté, la liste menée par le Parti socialiste et Place Publique se prend une nouvelle fois les pieds dans le tapis en proposant « la création d’un service civique européen, consistant à faire vivre à tous les jeunes volontaires entre 16 et 25 ans, sans distinction, une expérience significative consacrée à relever ensemble les défis communs de nos sociétés ». Une idée qui rappelle furieusement le déjà existant Service Volontaire Européen qui s’adresse aux jeunes de 17 à 30 ans. Visiblement mieux informée sur ces questions, la liste La République En Marche se propose d’élargir et de pérenniser le dispositif existant tout en orientant le futur Corps Européen de Solidarité (successeur du service volontaire Européen) vers « les activités de bien commun (Green Corps, soutien aux personnes démunies, restauration du patrimoine, etc.) ». Dernière proposition en la matière et non des moindres : Europe écologie Les Verts prend dans son programme fait et cause pour le droit de vote à 16 ans qu’ils obtiendraient via une nouvelle « constitution européenne ».
Pour construire cet article, dix programmes des principaux partis ont été étudiés, ceux du Rassemblement National, de Debout la France, des Républicains, de La République En Marche, de l’UDI, du Parti Socialiste et Place publique, de Génération.s, du Parti Communiste Français, de La France Insoumise, d’Europe Ecologie Les Verts. À leur lecture, le constat est amer : seuls deux partis, La République En Marche et La France Insoumise semblent avoir voulu s’emparer de manière sérieuse, pleine et entière des questions de jeunesse et d’éducation à l’échelle européenne. Pire, à moins d’un mois du scrutin, certains partis brillent par l’absence, dans leur programme, de propositions concrètes en la matière. C’est le cas du Rassemblement National, mais aussi de l’UDI.
Devant ce constat désolant, les politiques de tous bords seraient bien inspirés d’opter pour l’humilité le 26 mai au soir, lorsqu’ils seront amenés à commenter les chiffres de l’abstention chez les jeunes, qui pourraient atteindre des sommets. Car si nous ne pouvons ici qu’appeler de nos vœux à une participation à la hauteur de l’enjeu, force est de constater qu’en matière de jeunesse et d’éducation, la plupart des programmes ne le sont pas.
Suivre les commentaires : |